La légalité de la monnaie éléctronique en tant que moyen unique de paiement- Commentaire CA Paris 6 juillet 2006

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La légalité de la monnaie éléctronique en tant que moyen unique de paiement- Commentaire CA Paris 6 juillet 2006

 

 

Commentaire d’arrêt

 

La légalité de la monnaie électronique en tant que

moyen unique de paiement

Par, Carole Franco, Me Marion Catier, Delphine Krieger, Benjamin Labyod et Olivier Ebequoi - Master 2  Droit du Multimédia et des Systèmes d’Information, UNIVERSITE DE STRASBOURG

 Merci pour votre autorisation de publication et cette année inoubliable

CA Paris 6 juillet 2006

 

« Du fait du développement du vandalisme et des vols qui y sont associés, les municipalités urbaines sont aujourd'hui incitées à abandonner les parcmètres à pièces. Peuvent-elles pour autant légalement y substituer des horodateurs à carte ?[1] »

Le 6 juillet 2006, la Cour d’appel de Paris a traité les questions de nature juridique quant à l’utilisation de la monnaie électronique comme moyen de paiement exclusif pour résoudre ce problème.

En l’espèce, entre mai et juin 2003, M. Jean T. a laissé à plusieurs reprises son véhicule sur des zones de stationnement payant sans acquitter les redevances. Il conteste ensuite ses amendes pour non-paiement au motif que les horodateurs acceptaient uniquement « un mode de paiement exclusif », en l’occurrence la carte prépayée PARIS CARTE.

Le ministère public a donc assigné M. Jean T. devant la 1ère chambre de la juridiction de proximité de Paris le 5 janvier 2005 pour infraction de stationnement.

 Jugé coupable d’infraction, le prévenu décide de faire appel de cette décision, estimant que les juges n’ont pas tenu compte du fondement de sa requête dénonçant « l’illégalité des horodateurs Parisiens » sur les bases des dispositions du code monétaire et financier, du code de la consommation et du code pénal. Il demande également l’annulation des poursuites ainsi qu’une indemnité au titre des frais non payés.

L’argumentation en appel n’a pas été retenue par la Cour qui décide dans son arrêt n°05/01084 du 6 juillet 2006 de confirmer la décision de la 1ère chambre de juridiction de proximité.

Cette décision va à contre-pied d’une décision jurisprudentielle de la juridiction de proximité de Boulogne-Billancourt du 10 mars 2005 qui donnait « ainsi raison à une habitante de Saint-Cloud qui ne pouvait pas disposer d’un ticket d’horodateur du simple fait qu’elle ne possédait pas la carte Monéo, alors même que ce porte-monnaie électronique était l’unique moyen de paiement dans tous les parcmètres de la ville »[2].

Le principe rappelé par la Cour d’appel dans cet arrêt se fonde sur le droit administratif qui, au nom de l’intérêt public, justifie les choix effectués par le maire en matière de mode de paiement, alors que ces choix semblent clairement aller à l’encontre de certaines dispositions fondamentales du Code monétaire et financier et du Code pénal.

Il s’agit ici de savoir si le système de paiement Paris Carte choisi par la mairie de Paris est légal malgré son caractère exclusif qui s’oppose notamment aux articles 112-5 et 132-1 du Code monétaire et financier et à l’article R.642-3 du Code pénal.

C’est donc tout naturellement que nous serons amenés dans un premier temps à examiner la décision de la Cour d’appel ( I)  quant à l’étendue de la compétence du maire et la justification d’un « mode de paiement exclusif » avant de préciser son caractère discutable et attentatoire au droit bancaire (II), tant par son absence de réponse aux arguments du défendeur que par la justification juridiquement faible et contradictoire amenée par la présentation de la carte Monéo.

I. Le pragmatisme au service de l’intérêt public.

Le raisonement suivi par la Cour d'appel de Paris dans cette affaire est trés obscur, il va s’agir de comprendre sur quel arguments juridiques elle s'appuie (A) afin de justifier le contrôle de proportionnalité qu’elle effectue (B). 

 

  1. La compétence du maire pour réglementer les droits de stationnement.

1.       La redevance d’utilisation du domaine public, service public administratif.

La Cour d’appel de Paris commence son raisonnement en qualifiant les droits de stationnement de redevance d’utilisation du domaine public. Partant, elle soutient que la redevance d’utilisation du domaine public ne s’impose qu’au seul usager désireux d’utiliser l’aire de stationnement  réglementée et donc, il est nécessaire de se conformer aux modalités établies par l’autorité publique. Le stationnement payant est bien un service public administratif. En effet, selon le Conseil Etat, 2 avril 1997, Commune de Montgeron, le service du stationnement payant hors de la voie publique est un service public industriel et commercial. En effectuant un raisonnement a contrario, le service du stationnement payant sur la voie publique est un service public administratif.  En l’espèce, les infractions commises par M. Jean T. l’avaient été sur des emplacements de stationnement en voirie, c'est-à-dire, sur la voie publique. De plus, en droit administratif, une redevance pour service rendu est une contrepartie financière demandée à des usagers en vue de couvrir les charges d'un service public déterminé qui a fourni une ou des prestations à l’usager, selon la définition qu'en a donné en 1958 le Conseil d'État (Assemblée, 21 novembre 1958, Syndicat national des transporteurs aériens).

Dans notre cas, en appliquant les principes du droit administratif, cette redevance n’est due qu’à partir du moment où l’on utilise les aires de stationnement réglementées selon cette règle, c'est-à-dire, le fait d’avoir utilisé ces aires de stationnement de sa propre volonté.

2.       Le pouvoir de police administrative du maire.

 

La réglementation des aires de stationnement relève de la compétence du maire d’une commune. En effet, l’article L2212-1 du Code général des collectivités territoriales dispose que « le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'État qui y sont relatifs ». Puis, l’article L2213-6 cité par la Cour d’appel vient préciser que « le maire peut, moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaires sur la voie publique et autres lieux publics, sous réserve que cette autorisation n'entraîne aucune gêne pour la circulation et la liberté du commerce. » Ainsi, cette redevance d’utilisation du domaine public est définie par le maire de la ville en vertu des pouvoirs et compétences qui lui sont conférés par le code général des collectivités territoriales, et notamment, ses compétences en matière de police administrative à l’échelle de la commune. Et donc, le maire est en quelque sorte « libre » de réglementer ce service public. C’est ainsi que la Cour d’appel de Paris fonde son raisonnement en expliquant que, du fait des compétences qui lui sont conférées en vertu du Code général des collectivités territoriales,  le maire peut décider de la façon dont on peut payer le stationnement, en instaurant, par exemple, des cartes prépayées…

Par ailleurs, si on estime que la carte Paris Carte, carte prépayée, est une carte de paiement alors elle ne devrait être délivrée que par les établissements de crédit… conformément à l’article L132-1 du Code monétaire et financier. Au regard de ces dispositions, la ville de Paris n’aurait pas le pouvoir d’émettre une telle carte et pourtant, la Cour d’appel l’admet. Quoiqu’il en soit, en l’espèce la carte prépayée n’est pas qualifiée juridiquement, la Cour d’appel estime que le maire est compétent pour déterminer les modalités d’acquittement de la redevance d’utilisation du domaine public. En l’occurrence, le maire a fait le choix de l’acquittement par le biais d’une carte prépayée afin d’assurer la sécurité des horodateurs.

En partant de ce principe, la Cour d’appel estime qu’elle peut justifier sa décision de rejeter l’appel de M. Jean T. en invoquant la supériorité de l’intérêt public de sécurité par rapport à l’intérêt privé. 

  1. L’exclusivité justifiée par un objectif d’intérêt public de sécurité.

1.       L’intérêt public protégé.

 

L’acquittement de la redevance pour utilisation du domaine public s’effectue exclusivement au moyen d’une carte prépayée. Les usagers ne peuvent donc pas payer la redevance à l’aide d’autres moyens, notamment de billets de banque ou de pièces ayant cours légal en France.

Cette impossibilité d’acquittement de la redevance au moyen de pièces ou de billets de banque, peut être assimilée à un refus de l’autorité publique de recevoir ces moyens de paiement.

Or, l’article R 162-2 du Code monétaire et financier dispose que « le fait de refuser de recevoir des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France selon la valeur pour laquelle ils ont cours est réprimé conformément à l'article R. 642-3 du Code pénal », d’une amende prévue pour les contraventions de 2e classe. Ainsi, les billets et les pièces de monnaie sont les seuls moyens de paiement qui doivent être acceptés par tous commerçants en France. Pour justifier le fait qu’une autorité publique puisse outrepasser cette disposition législative, la Cour d’appel estime que le caractère exclusif du système de règlement de la redevance « répond à l’objectif d’intérêt public de sécuriser les horodateurs contre le vol ». Selon le professeur Gérard Cornu, l’intérêt public correspond sur le plan purement terminologique, à « ce qui est pour le bien public, et à l’avantage de tous ». Il est évident qu’il est dans l’intérêt de tous citoyens, notamment de ceux habitants la commune, que les horodateurs soient sécurisés, et ne soient pas la cible d’actes de vandalisme ou de vol. En outre, les redevances dans leur ensemble, sont pour les communes une source de revenus non négligeable. Par ailleurs, l’intérêt public est à distinguer des intérêts particuliers. En l’espèce, le système de règlement de la redevance comporte des contraintes pour les usagers. D’une part, ils doivent faire l’acquisition de « cartes prépayées » auprès de buralistes. L’acquisition de ces cartes prépayées par les usagers, auprès de buralistes est donc indispensable, s’ils désirent stationner sur le domaine public. D’autre part, ils ne peuvent pas utiliser directement des billets de banque et des pièces monnaie, pour s’acquitter de la redevance. On voit bien que ce dispositif est contraignant et peut être contraire à leurs intérêts privés. A ces sujétions, la Cour d’appel oppose l’intérêt public de sécurité.

2.       Le contrôle de proportionnalité.

 

En droit administratif, dans une situation semblable le Conseil d’Etat effectue un contrôle dit de proportionnalité. Ce contrôle a pour la première fois été effectué en matière de police (CE 19 février 1909), il a ensuite été adopté en matière d'expropriation (CE Ass. 28 mai 1971, Ville Nouvelle Est). En l’espèce, la Cour d’appel imite le Conseil d’Etat et procède à un contrôle de proportionnalité. Elle s’est demandé si les moyens mis en œuvre étaient proportionnés à leur finalité. Plus précisément, si le système de règlement de la redevance exclusivement au moyen d’une carte prépayée, est proportionné à sa finalité, à savoir, sécuriser les horodateurs du vol. Autrement dit, le système mis en place par la commune ne porte-t-il pas une atteinte excessive, aux droits des usagers reconnus par la loi, et à leur liberté ?  La Cour d’appel a estimé que la finalité poursuivie, c'est-à-dire la sécurité des horodateurs, justifiait la mise en œuvre d’un tel dispositif de règlement de la redevance. Elle ajoute, que « les sujétions » naissant, de la mise en œuvre de ce dispositif sont « proportionnées par rapport au but légitime en vue duquel » il a été instauré. Il va de soi que, les « sujétions » imposées aux usagers, se justifient très aisément, lorsqu’il s’agit de sécuriser les horodateurs. De plus, ce système de paiement permet à la commune de faire des économies car elle dépensera moins dans l’entretien et la restauration d’horodateurs vandalisés.

Cela dit, la Cour d’appel aurait pu pousser le contrôle de proportionnalité un peu plus loin et se demander s’il n’y avait pas d’autres systèmes d’acquittement de la redevance, moins contraignant pour les particuliers et assurant la sécurité des horodateurs.  La carte bancaire en tant que moyen de paiement ancré dans les mœurs n’aurait-elle pas pu être une alternative à ce dispositif ? Aujourd’hui toute personne a droit à l’ouverture d’un compte de dépôt et à des services de bases. L’article D 312-5 du Code monétaire et financier énumère ces services de bases gratuits. Ils comprennent notamment la délivrance « d’une carte de paiement dont chaque utilisation est autorisée par l'établissement de crédit qui l'a émise ». La carte de paiement est donc un moyen de paiement qui est à la portée et à la disposition de grand nombre de citoyens. La preuve en est, qu’aujourd’hui, la carte bancaire est l’un des moyens de paiement le plus utilisé en France. Depuis 2003, le taux des paiements effectués par carte bancaire ne cesse de progresser. En 2009, ce taux est passé à 42,9 % pour une moyenne de 49 euros. On peut à juste titre s’imaginer que les communes ne privilégient pas ce moyen de paiement, car, comme pour beaucoup de commerçants, la mise en place d’un terminal de paiement électronique serait beaucoup trop onéreuse pour la commune. Cependant, si un système de règlement exclusif par carte bancaire a le mérite d’imposer moins de sujétions aux usagers, il n’en demeure pas moins critiquable au regard de l’article R 162-2 du Code monétaire et financier.

Il est à noter que l'opportunité de la décision se mesure en dernier lieu à la trop grande contrainte qu'engendrerait le fait de changer tous les horodateurs existants.
Les juges raisonnent une nouvelle fois de manière pragmatique en évaluant l'impact qu'aurait pu avoir la décision contraire.

La Cour d’appel préfère voler au secours de la carte prépayée en invoquant l’intérêt public de sécurité, mais, omet de répondre entièrement aux arguments du prévenu, rendant ainsi une décision au fondement juridique imperceptible.

II.  Le préjudice porté au droit bancaire.

 

La Cour d’appel de Paris va clairement à l’encontre des principes du droit bancaire (A) et tente de se justifier en ventant les mérites d’un moyen de paiement qui n’est pas encore mis en place (B) au moment de la décision.

 

  1. Une solution contraire aux principes du droit bancaire.

1.       La restriction au droit de payer en espèces.

La motivation de la Cour s’avère lacunaire et repose sur un fondement contestable, notamment au regard de certains principes du droit bancaire. Les juges ne répondent pas précisément aux arguments soulevés par le prévenu, ce qui est juridiquement très critiquable. Le prévenu soulevait en premier lieu l’irrégularité des horodateurs parisiens « comme imposant un mode paiement exclusif (Paris carte) non conforme au cours légal de la monnaie en France ». Comme il a été précisé précédemment, qu’un moyen de paiement ait cours légal en France signifie qu’une personne ne peut aucunement opposer son refus à un règlement dans la même unité monétaire. C’est la loi qui est venue consacrer les moyens de paiement, qui ont un pouvoir libératoire général, c’est-à-dire, qui ne peuvent être refusés par un créancier. Il s’agit à l’heure actuelle de la monnaie fiduciaire, c’est-à-dire, les billets de banque et les pièces de monnaie. L’article R 162-2 du Code monétaire et financier va jusqu’à prévoir une peine d’amende des contraventions de 2ème classe, en cas de refus, par un créancier, de ces moyens de paiement. Seules trois exceptions sont envisagées aux alinéas suivants. Il s’agit du paiement d’une « dette supérieure à un certain montant fixé par décret » (alinéa 1) ainsi que « tout paiement mensuel supérieur à une certaine somme » et de « toute transaction relative à l’achat au détail de métaux ferreux et non ferreux ». Ainsi, hormis ces quelques exceptions légales, la monnaie scripturale, tels les chèques ou les cartes de paiement peuvent, en principe, être refusés par un créancier. Cette dernière observation mérite réflexion. Au regard des textes, l’acquittement d’une redevance instaurée par une autorité publique ne fait pas partie des cas d’interdiction de paiement en espèces. Les usagers devraient donc pouvoir s’acquitter de la redevance en espèces. La ville de Paris justifie cette impossibilité par le fait que l’acquisition de la carte prépayée peut se faire par tout moyen de paiement, incluant les pièces de monnaie et les billets ayant cours légal.

Une objection doit être faite ici. En effet, le fait de pouvoir payer directement en espèce et le fait de pouvoir acquérir une carte au moyen d’espèces sont des choses complètement différentes. Une étape est ajoutée à la démarche et ce dispositif peut créer des situations troublantes pour les personnes désirant stationner sur cette parcelle du domaine public. Par exemple, un usager de parfaite bonne foi, venant de l’étranger ou de province, non informé du dispositif et, qui a l’habitude des horodateurs à pièces, aura du mal à effectuer la démarche et pourrait être verbalisé. Cette situation ajoute une contrainte certaine pour les usagers. En outre, le fait que la carte prépayée puisse être regardée comme de la monnaie électronique ne signifie aucunement qu’elle puisse être assimilée à de la monnaie fiduciaire au sens de l’article R 162-2 du Code monétaire et financier. Les textes sont clairs sur ce point, mais la Cour refuse de s’y conforter.

2.        La subordination de la vente de la carte à l’achat d’une quantité.

En second lieu, le prévenu reprochait à la ville de Paris de violer des dispositions du Code monétaire et financier et du Code pénal « en exigeant pour une prestation éventuelle la remise de sommes non remboursables». En outre, en droit administratif, il existe un principe selon lequel la redevance doit être la contrepartie d'un service effectivement rendu, donc, le montant de la somme perçue doit être «dans un rapport d'équivalence avec le service rendu ». Or, le système de la carte prépayée contraint les usagers à payer d'avance un service dont ils ne bénéficieront pas nécessairement. En effet, le système contesté imposait un montant forfaitaire minimum de 10 euros, autrement dit, les usagers sont obligés de charger leur carte d’un montant de 10 euros minimum.

Cependant, à cette phase du raisonnement, il faut relever une certaine incohérence dans la démarche des magistrats. Ainsi, tout en reconnaissant la légalité de « Paris carte » et a fortiori, du système imposant une somme forfaitaire minimum, la Cour affirme que le nouveau système « Monéo » mis en place serait « de nature à échapper aux critiques à la fois du prévenu et des associations de consommateurs, en conciliant intérêt public et intérêt privé ». Ce raisonnement est quelque peu surprenant d’un point de vue juridique. La légalité de la carte est déclarée alors que, parallèlement, de manière implicite, certaines failles lui sont reconnues. D’une certaine manière, les juges vont justifier la légalité d’un système par l’instauration d’un nouveau système, a priori, mieux adapté.

B.     La carte Monéo maladroitement invitée aux débats.

1.       La maladresse de la justification.

La Cour d’appel de Paris est maladroite ; elle justifie dans un premier temps par un objectif d’intérêt public et les pouvoirs du maire, le paiement exclusif via « Paris Carte ». Dans un second temps, la Cour énonce qu’ « a fortiori » et comme elle y est invitée, « le système Monéo[…] apparait de nature à échapper (dans le cadre de cette jurisprudence) aux critiques du demandeur et des associations de consommateurs ». Le raisonnement juridique de la Cour est contradictoire car, il semble se fonder en réalité sur la conciliation des intérêts publics et privés par le système Monéo, non encore généralisé à l’époque des faits, pour justifier la jurisprudence qu’elle établit à propos de « Paris carte ». La contradiction réside dans l’emploi du terme « a fortiori ». La Cour d’appel de Paris déduit de la validité de « Paris Carte » comme moyen de paiement exclusif, qu’ « a fortiori », la carte Monéo est légalement justifiée. Elle relève ainsi, s’agissant de la carte Monéo, sa conciliation avec l’intérêt public de par les facilités de son acquisition, de rechargement en espèces, son utilisation multiple comme moyen de paiement, et l’utilisation du crédit selon le choix de l’usager. En justifiant légalement mieux le système Monéo que Paris Carte, la Cour jette l’opprobre sur son raisonnement juridique. Les juges ont essayé de justifier la légalité de Paris Carte en montrant que cette légalité est certaine s’agissant du système Monéo à venir. Ainsi la Cour considère à tort que, comme le système Monéo est légalement justifié, et concilie les intérêts publics et privés, Paris Carte doit être considéré comme un moyen de paiement exclusif légal.

Ainsi, la motivation des juges est affaiblie par le fait qu’un raisonnement a contrario peut leur être opposé. A contrario, le moyen de paiement « Paris Carte », non rechargeable, ne serait-ce que par carte bancaire, sans faculté d’utilisations multiples comme moyen de paiement, sans usage de son crédit au gré de l’usager, ne concilierait pas suffisamment les intérêts publics et privés, et ne saurait être justifié uniquement par un objectif d’intérêt public de sécuriser les horodateurs. Par conséquent il ne saurait entrer dans la catégorie des pouvoirs de police dévolus au maire.

Ce sont donc des considérations pratiques et non juridiques qui ont pesées dans la balance du juge. Il résulte de ces énonciations que le juge s’est  tiré une balle dans le pied  puisqu’ un raisonnement « a fortiori » ou analogue entre les deux moyens de paiement va contre sa décision. Ensuite, il se prononce s’agissant de la carte Monéo sans y être obligé mais seulement invité.


Le 13 juin 2007, la Chambre criminelle de la Cour de cassation va, dans la même affaire, donner tort au prévenu qui n’avait pas manqué de relever cette contradiction. Elle l’écarte au motif que « la redevance d'utilisation du domaine public aux fins de stationnement ne saurait s'analyser en la contrepartie d'un service offert par la puissance publique dans le cadre d'une activité commerciale au sens de l'article L. 410-1 du Code de commerce». Il en résulte que la contradiction opérée par la Cour d’appel n’est pas contredite, mais semble-t-il, écartée[3].

  1. L’absence de réponse à la question soulevée.

 

La Cour présente de manière attrayante le système Monéo pour plusieurs raisons. Il s’agit en premier lieu d’une réponse aux conclusions déposées par la direction de la voirie de la mairie de Paris, partie intervenante au procès. Dans un second temps, il s’agit de minimiser un jugement remarqué de la juridiction de proximité de Boulogne-BillanCourt du 10 mars 2005.[4]

Pourquoi une telle publicité ? Elle se justifie par sa jurisprudence qui semble adaptée concernant le porte-monnaie électronique Monéo.

La carte Monéo, contrairement à Paris carte, possède une faculté de rechargement et de gestion des crédits. Elle ne saurait ainsi se heurter à la jurisprudence administrative selon laquelle la redevance qui excède le coût du service rendu doit être censurée[5] . De plus, la Cour relève à son détriment les éléments déjà évoqués démontrant que Monéo concilie au mieux les intérêts publics et privés et semble munie contre un éventuel recours pour excès de pouvoir à l’encontre du maire.

Le porte-monnaie électronique Monéo pourrait-il se voir assimilé à une carte bancaire de paiement dès lors que son support serait une carte bancaire ? Une réponse ministérielle en date du 10 juillet 2003 va en ce sens, et mérite, selon le professeur Jacques Moreau, d’être prise en compte même si elle ne constitue que de la « doctrine administrative », et n’est pas contraignante[6].


Quelle est, aujourd’hui, l’étendue de notre droit à payer en espèces ? L’article R 643-2 du Code pénal revêt dans l’esprit du législateur une importance capitale et ne devait pas avoir à s’effacer devant l’apparition de la monnaie électronique. Pour preuve, sa modification par décret le 18 juin 2010 dans le Code pénal n’a pas pris en compte cette monnaie. La monnaie électronique ne remplace en rien la monnaie fiduciaire à l’heure actuelle. Pourtant, son apparition a eu pour effet juridique fort de mettre en exergue l’intérêt général et les pouvoirs de police. Cette jurisprudence se cantonne pour l’instant au paiement de redevance de stationnement, mais à une échelle générale, et pour d’autres services publics, elle irait à notre sens contre un intérêt général supérieur qu’est le droit pour le citoyen français de payer en espèces.

Ce droit de payer en espèces semble pourtant selon cette jurisprudence s’effriter facilement devant le moindre autre impératif d’intérêt général. Le développement de la monnaie électronique n’y est pas indifférent puisqu’elle avait vocation à remplacer, ou se substituer en partie, au paiement en espèces. Cependant, le juge a-t-il aujourd’hui en tête le fait que moins d’un pourcent des transactions s’effectue par ce vecteur ? En effet, le développement de la monnaie électronique est un échec en France et la société Monéo a été cédée par les banques françaises à un fonds tiers. Cette jurisprudence n’est donc plus à nos yeux justifiée.

Moneo, monnaie d’échec, depuis cet arrêt ne saurait en tant que moyen exclusif de paiement ainsi que Paris carte, répondre un impératif d’intérêt général supérieur à celui du droit au paiement en espèces. La « publicité » qui en a été faite par cet arrêt se révèle aujourd’hui mensongère.

Nous reprocherons au juge d’appréhender trop vite le futur et de prendre le risque d’ouvrir une boite de pandore, alors que paradoxalement son immobilisme est le plus souvent en cause.


[1]   La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n°26, 27 Juin 2005, 1251 par Jacques Moreau

[2] Le Parisien du 11 avril 2005, Aymeric Renou

[3] Le prévenu ayant fondé son recours sur des dispositions de droit pénal et de droit commercial ci-avant évoquées, le juge n’a pas eu à se prononcer directement sur la conciliation entre les intérêts publics et privés par le moyen de paiement « Paris Carte », apparenté au recours pour excès de pouvoir dont la compétence relève des juridictions administratives.

[4] Gazette du Palais, 12 septembre 2009 n° 255, P. 26, professeur Lasserre-Capdeville.

[5] Commune de Montgeron, CE ; 2 avril 1997.

[6] La semaine juridique Administration et collectivités territoriales n°26, 27 juin 2005, 1251.

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1 Publié par Visiteur
16/07/2011 00:32

J'ai déjà lu ce commentaire quelque part....
Bien cordialement. JLC.

2 Publié par Visiteur
16/09/2013 12:08

Y a t il eu une suite à cette affaire ou fait elle jurisprudence car, dans le restaurant univeraitaire du CROUS de mon université, seule la carte Monéo est utilisable en paiement direct (sous pretexte que les agents du CROUS ne sont pas habilités à manipuler des espèces) ... Alors que la puce Monéo n'équipe plus les cartes bancaires!

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