La réforme de la GAV

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La réforme de la GAV

Présentation synthétique de La loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023860729&dateTexte=&categorieLien=id

La réforme de la garde à vue veut que cette dernière soit non plus comprise comme un premier palier de sanction (Ce qui était jusqu’alors une malheureuse réalité et une utilisation dévoyée de la GAV, accrue par une politique du tout-sécuritaire et du culte des résultats statistiques) mais comme une période d’ouverture de droits. Le temps juridique prend un peu plus le pas sur le temps judiciaire, chamboulant les habitudes de tous les professionnels concernés par la réforme.

La loi du 14 avril 2011[1] ne modifie pas que le rôle de l’avocat en GAV, mais aussi les conditions d’ouverture de la garde à vue et les droits du gardé à vue. Elle modifie non seulement le Code de procédure pénale mais aussi le Code pénal, le code des douanes, et le code de la santé publique.

1- La genèse de la réforme.

Par l'arrêt « Salduz c/ Turquie »[2] rendu le 27 novembre 2008, la CEDH jugeait que le droit à un procès équitable impose le droit à un avocat en GAV notamment lors d’un interrogatoire. Cette position a été confirmée par l’arrêt « Dayanan c/ Turquie »[3] rendu par la Cour le 13 octobre 2009.

Une décision du conseil constitutionnel en date du 30 juillet 2010 statuant sur une QPC[4] a déclaré le régime de la garde à vue de droit commun contraire à la constitution. Par la même décision, la haute juridiction laissa un an au législateur pour intervenir, en reportant l’abrogation des articles relatifs à la GAV[5] au 1er juillet 2011.

Le 14 octobre 2010 par l’arret « Brusco c/ France[6] », la CEDH condamnait la France en rappelant que le gardé à vue a droit à la présence de son avocat et le droit de se taire dont il doit être informé.

A la lumière de cette décision la chambre criminelle rendait le 19 octobre 2010, trois arrêts identiques dans lesquels il était jugé que l'absence de l'avocat pendant les interrogatoires de garde à vue, tant sous le régime de droit commun que dans le cadre dérogatoire, est contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, et que cela justifie l'annulation des procès-verbaux d'interrogatoire. Cependant la Chambre criminelle considérait que cette règle (présence de l'avocat en garde à vue) ne pouvait être appliquée immédiatement sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice, et qu'en conséquence celle-ci prendra effet lors de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle - exigée par le Conseil constitutionnel avant le 1er juillet 2011

Le 4 janvier 2011, la chambre criminelle de la Cour de cassation rendait un arrêt[7] faisant la distinction entre la nullité des actes de procédure et leur valeur probante. Conformément aux arrêts du 19 octobre 2010, elle considérait que la nullité des GAV ne pouvait être prononcée avant le 1er juillet 2011, mais rappelait que la force probante de les actes de procédure issu de la GAV contraire à l’article 6 de la CEDH pouvaient voir leur force probante contestée (La preuve rapportée étant illégale et contraire a la CEDH) et ne pouvaient fonder à eux seuls les poursuites.

L’assemblée plénière a ensuite décidée l’application la plus rapide de la loi, par quatre arrêts rendu le  15 avril 2011, en précisant par un communiqué que  « Les droits garantis par la Convention devant être effectifs et concrets, le principe de sécurité juridique et les nécessités d’une bonne administration de la justice ne peuvent être invoqués pour priver un justiciable de son droit à un procès équitable »La Cour de cassation est ainsi vivement critiquée pour son moment de latence quand à l’application effective des droits reconnus par la CEDH.

La constitutionnalité des gardes à vue, à titre principal, et la conventionalité à titre subsidiaire, ont été ainsi systématiquement soulevées avant le 1er Juin 2011 et l’entrée en vigueur de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

Les arrêts de chambre criminelle du 31 Mai 2011, quoique tardifs,  permettaient que 2 procès verbaux d’auditions de GAV soient annulés, contre deux arrêts d’une chambre de l’instruction. Le Garde des sceaux avait rappelé la nécessité de coller aux termes de la loi par une circulaire, notamment pour l’information par l’OPJ du droit de se taire. La présence de l’avocat est la modalité la plus claire des exigences CEDH, que la Cour de cassation pouvait décliner à travers ces arrêts.

La loi du 14 avril 2011 met fin à une déferlante judicaire en la matière, et si la réforme est taxée de ne pas être complète, elle aura le mérite d’avoir été rapide sous l’impulsion des juridictions françaises et de la CEDH.

2- Les nouveautés du texte.

La loi relative à la garde à vue contient 2 chapitres, le premier est relatif à l’encadrement de la GAV, et l’autre est relatif aux dispositions diverses mais contient aussi des articles relatifs à la GAV.

La loi du 14 avril 2011 modifie ainsi les articles 62-2 à 64-4 du Code de procédure pénale.

Comme dans le régime antérieur de la garde à vue, le pouvoir de placer en GAV est dévolu à l’Officier de police judiciaire. En effet, l'article 62-2 du Code de procédure pénale dispose que "la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs".  

Cependant, les articles 62-3 et suivants du Code de procédure pénale disposent que ce placement se fait sous la surveillance du procureur de la république donc du ministère public sous réserve des pouvoirs du juge des libertés et de la détention, de même que l’article 63 du Code de procédure pénale dispose désormais que la GAV peut être effectuée sur l’initiative du procureur, ce qui pose la question de la conformité de la procédure à la CEDH puisque le ministère public n’est pas une autorité judiciaire au sens de l’article 5 de la CEDH en vertu de la jurisprudence Medvedyev[8] et Moulin[9]. Si ce principe s’avérait à l’avenir non conforme à la CEDH, le problème serait celui de la mise en cause de la règle de la libre opportunité du placement en GAV par le ministère public.

1)  les nouvelles règles de fond encadrant le placement en GAV.

3 conditions doivent être réunies selon l’article 62-2 du Code de procédure pénale afin de décider du placement en GAV ;

  • Il doit exister une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne placée en GAV a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit.
  • Une nouveauté du texte veut que l’infraction présente une certaine gravité, ce qui veut dire qu’elle doit constituer une infraction sanctionnée par une peine privative de liberté.
  • La GAV n’est plus imposée uniquement pour « les nécessités de l’enquête », mais pour l’un des 6 objectifs prévus par l’article 62-2 du Code de procédure pénale. Ces objectifs sont larges et ne consacrent pas une véritable restriction de la garde à vue à des cas exceptionnel car consacre les principaux cas dans lesquels il y avait GAV auparavant. Seule la forme de l’article veut conférer un caractère exceptionnel à la GAV. Le PV de l’OPJ devra indiquer le motif retenu selon les objectifs légaux visés par l’article, ce qui permettra un nouveau contentieux issu des vices du PV de GAV, mais encore faut-il que la Chambre criminelle s’évertue un jour à contrôler au fond la motivation de ces PV avec rigueur.

Dans 3 hypothèses, la GAV est écartée alors que ses conditions de fond seront réunies au sens de l’article précité. Il s’agit du cadre de l’article 73 du Code de Procédure pénale et de deux exceptions concernant les dispositions relatives à l’ivresse publique, dans le Code de la santé publique L 234-18 et -5 prévoit la même chose pour les vérifications de l’état alcoolique au volant et la consommation de stupéfiants.

La durée de la garde à vue à a priori peu évoluée. La loi dispose que « le cas échéant, l'heure à retenir pour fixer le début de la mesure est l'heure à laquelle la personne a été appréhendée ; - qu'en cas de gardes à vue successives pour les mêmes faits, la durée des précédentes périodes s'impute sur la durée totale ».La loi fixe ainsi de manière novatrice le pont de départ de la GAV, qui selon l’article 63 du Code de procédure pénale débute à l’heure ou la personne a été appréhendée. Le texte dispose qu’il en est ainsi « le cas échéant » ce qui pourrai laisser présager à des exceptions et est source d’insécurité juridique, de même que la jurisprudence sera certainement invitée à se prononcer sur la notion d’appréhension.

Elle peut donc toujours durer 24h en vertu de l’article 63, des prolongations étant permises pour certaines infractions. Cependant les nouveaux textes font une distinction fondamentale entre les infractions punies de moins d’un an d’emprisonnement et les autres. Pour les premières, la GAV ne pourra en toute hypothèse pas durer plus de 24 heures sauf autorisation écrites et motivée du procureur de la république. Autrement et pour les infractions passibles d’au moins un an d’emprisonnement, des prolongations sont possible en accord avec les objectifs de l’article 62-2 du Code de procédure pénale. Le magistrat lorsqu’il décide la prorogation de la GAV devra avoir une responsabilité supplémentaire, car l’opportunité de la prolongation sera mise en balance avec l’objectif poursuivi. Ensuite, la requalification des faits par le procureur pourra avoir pour effet de mettre fin immédiatement à la garde à vue s’il s’avère qu’ils ne constituent plus une infraction passible d’au moins un an d’emprisonnement.

En matière de crime organisé, le Juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction décident des prolongations ultérieures (il s’agit d’un juge du siège qui a l’initiative et non du parquet, ce qui constitue une transposition partielle de la jurisprudence Moulin précitée).

Une prolongation ne pourra être faite que s’il y a présentation du prévenu, qui pourra désormais  se faire par un moyen de communication audiovisuel, ou sur décision écrite et motivée à titre exceptionnel (exception critiquable en l’absence de sens précis donné à cette exception).

2) Les nouveaux droits de la personne placée en GAV.

Le droit de se taire avait été supprimé du Code de procédure pénale en 2003 face à la nécessité de l’enquête. La France avait été condamnée sur ce point par la CEDH et l’arrêt Brusco c/ France[10] en 2010, et désavouée par le Conseil constitutionnel le 31 juillet 2010[11].Il figure à l’article 63-1, 3° du Code de procédure pénale et renforce la présomption d’innocence. Ce droit est très important compte tenu de la traditionnelle culture de l’aveu en GAV.

Le droit à l’assistance d’un avocat se présente comme la mesure phare de la réforme. L’avocat intervient depuis 93 de manière limitée, hors la présence des enquêteurs, avant audition, pendant 30 minutes, avec un devoir de confidentialité. Le principe du droit à l’assistance de l’avocat est désormais posé par l’article 63-3-1 du Code de procédure pénale. Les prérogatives de l’avocat sont décrites par l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale. Il peut désormais consulter le procès-verbal constatant la notification du placement en garde à vue et les droits qui y sont afférents, le certificat médical et les procès-verbaux d'audition (Ceux des tiers ne peuvent être communiqués à l’avocat, qui n’a connaissance de l’intégralité du dossier qu’au stade de l’instruction selon l’article 114 du Code de procédure pénale).L’avocat ne peut cependant toujours pas copier les pièces auxquelles il a accès. Il peut être présent aux auditions et confrontations selon l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale. Mais Il a un rôle actif, et peut poser des questions, mais l’OPJ peut s’y opposer si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête, ce qui est porté au PV. Si l’avocat ne se présente pas dans les 2h, l’audition peut commencer (il s’agit du délai de carence de l’avocat), ce délai ne vaut que pour la première audition, ce qui met fin à une jurisprudence antérieure de la Cour de cassation.

Le droit à l’assistance de l’avocat est désormais inscrit dans l'article préliminaire du code de procédure pénale en tant qu’un principe général selon lequel « en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites sans que l'intéressé ait pu s'entretenir avec un avocat et être assisté par lui ».

Cet article préliminaire est fortement critiqué car il semble permettre au juge de prendre en compte les déclarations du prévenu lorsqu'il n'est pas assisté d'un avocat si elles sont corroborées par d'autre éléments de preuve afin d'entrer en voix de condamnation contre lui.La nullité de ces déclarations ne seraient alors pas prononcée, et ce sur le fondement de leur valeur probante et leur corroboration par d'autre éléments de preuve.

Cette critique est d'autant plus vive, que la réforme définit la GAV comme une mesure de contrainte.Ne sachant pas ce que constitue cette contrainte, les OPJ qui n'useraient pas de la contrainte (Par exemple en ordonnant au prévenu de suivre les services de police en l'informant qu'il n'est pas sous la contrainte) peuvent alors utiliser les déclarations du prévenu hors de toute GAV, et sans assistance de l'avocat afin de recueillir un élément de preuve qui aura force probante.

Il appartient à la chambre criminelle de définir précisement la sanction attachée aux actes de procédures hors GAV et établis sans l'assistance de l'avocat.En attendant, les OPJ pour éviter la présence de l'avocat en GAV, usent de cette non contrainte (impossible à cerner pour l'instant) afin d'entendre librement le prévenu hors d'une GAV et de recueillir des éléments de preuve facilement à son encontre puisqu'il a a priori force probante.

De surcroit, l’article 63-4-2 (al. 4 et suivants) pose de nombreuses exceptions à la présence de l’avocat et affaiblit le rôle de l’avocat, en conséquence les critiques essentielles de la réforme se fondent sur ces exceptions. Le texte prévoit en effet que l’audition peut débuter avant le délai de 2 heures prévoyant l’attente de l’avocat, sur demande de l’OPJ au procureur par décision écrite et motivée. En outre la présence de l’avocat peut être reportée pour « des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête » ou « pour permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves » ou « pour prévenir une atteinte imminente aux personnes ».Le report maximal de la présence de l’avocat ne peut néanmoins excéder 12 heures, sauf demande du procureur au juge des libertés et de la détention si il s’agit d’un crime ou d’un délit passible de 5 an de prison.

La loi apporte en outre des précisions très complètes s’agissant des personnes que la personne peut joindre par téléphone en GAV, le droit de faire prévenir un proche est étendu au curateur, au tuteur et aux autorités consulaires du pays d'origine.

Le droit à la dignité n’a pas été oublié par l’article 63-5 du Code de procédure pénale, et seules « les mesures de sécurité strictement nécessaires » peuvent être imposées au gardé à vue. Les articles suivants cependant concilient la dignité de la personne avec les fouilles et les nécessités de l’enquête (à nu et internes).

3-Une réforme obsolète.

                La réforme est susceptible de modifications ultérieures et ce plus vite qu’on ne le pense puisqu’une proposition de directive du parlement européen et du conseil relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après l’arrestation vient de voir le jour et doit être publiée au journal officiel de l’UE dans les prochaines semaines.    Selon cette proposition, les dérogations au droit à l’avocat devront se faire par une autorité judicaire et par une décision dûment justifiée. De surcroit, la garantie de l’accès à l’avocat s’appliquerait tout le long de la procédure, au stade de l’enquête et non plus uniquement à la phase préliminaire du jugement.

La réforme de la garde à vue est donc déjà à réformer ?

***


[1] L. n°2011-392, 14 avr. 2011: JO 15 avr. p. 6610

[2] CEDH, 27 novembre 2008 Salduz c/ Turquie, req. n° 36391/02

[3] CEDH, 13 oct. 2009, , Dayanan c/ Turquie, req n° 7377/03

[4] Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010.La question prioritaire de constitutionnalité est un mécanisme permettant à toute partie à une instance judiciaire de saisir le Conseil constitutionnel de l'inconstitutionnalité d'une loi qui tend à lui être appliquée, aux fins de voir abroger celle-ci.

[5] Le Conseil constitutionnel a reporté à la date du 1er juillet 2011 l'abrogation des articles 62, 63, 63-1 et 63-4, alinéas 1 à 6 du code de procédure pénale

[6] CEDH, 14 oct. 2010, Brusco c/ France req n° 1466/07

[7] Crim., 4 janvier 2011, n° 10-85.520

[8] CEDH, 29 mars 2010, req. n° 3394/03, Medvedyev et autres c/ France

[9] CEDH, 23 nov. 2010, req. n° 37104/06, Moulin c/ France

[10]  CEDH, 14 oct. 2010, Brusco c/ France req n° 1466/07

[11] Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010

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