Par un arrêt du 3 juillet 2013, la Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris[1] confirmant l’ordonnance condamnant la société Ricard à retirer des applications de l’Appstore et Itunes qui permettaient la diffusion d’une campagne publicitaire virale sur le réseau social Facebook.
L’ordonnance de référé ordonnait aussi sous astreinte la suppression de mentions sur des affiches considérées comme violant la règlementation sur la publicité en faveur des boissons alcooliques ainsi que le retrait d’un film publicitaire sur le site internet de la société Ricard.
Bien que confirmée en appel et par la Cour de cassation sur ces points, notre attention se porte tout particulièrement sur le retrait des applications susvisées.
L’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (l’ANPAA), avait obtenue en référé le retrait et la suppression des applications intitulées Ricard 3 D et Ricard Mix codes sur tout support, et notamment sur l’Appstore et ITunes.
Une fois l’application téléchargée par l’utilisateur, ce dernier pouvait partager des informations sur les recettes Ricard avec d’autres internautes et avec son réseau d’amis Facebook en cliquant sur le bouton “ partager sur mon mur “, apparaîssaît alors sur son profil le message suivant : “ J’ai découvert la Rencontre # 20 Atomic Ricard (ou # 92 Ricard Mango ou autre). Vous aussi récupérez les Ricard Mix avec l’application Ricard Mix codes. Disponible sur l’Appstore “.
La Cour d’appel de Paris avait confirmée l’ordonnance de référé, considérant que les applications disponibles sur Itunes et l’Appstore permettaient de partager des messages à caractère publicitaire sur le réseau social.
La Cour de cassation approuve les juges d’avoir procédé à une analyse très concrète du réseau social Facebook pour en déduire que les messages relayés par l’intervention d’un internaute à l’intention de son « réseau d’amis » ne perdent pas leur caractère publicitaire, de tels messages ne pouvant revêtir le caractère de correspondances privées dès lors que l'internaute n'en a pas une connaissance préalable ni la maîtrise.
La Haute juridiction considère de ce fait que les restrictions imposées par la loi EVIN sur la publicité en faveur des boissons alcooliques par les articles L. 3323-2 et suivants du code de la santé publique doivent s’appliquer tant aux affiches qu’aux messages présents sur les réseaux sociaux à l’initiative d’applications utilisées par les internautes.
Elle approuve ensuite les juges du fond d’avoir retenu que de tels messages sont intrusifs dès lors qu’ils apparaissent de façon « intempestive, inopinée et systématique » sur le profil de l’internaute selon l’article L.3323-2 du Code de la santé publique qui interdit la propagande intrusive ou interstitielle en faveur des boissons alcooliques sur les services de communication en ligne.
De surcroît, les juges d'appel avaient relevé les caractère illicite des messages ne comportant pas les messages sanitaires imposés par la loi EVIN.
Par cet arrêt, l'internaute est reconnu comme un acteur principal des campagnes publicitaires intrusives sur Facebook, incompatible avec la législation sur la protection sanitaire et la prévention de la consommation d'alcool.
Plus qu'un arrêt de bon sens, il établit une démarcation entre les messages publicitaire sur les réseau sociaux que l'internaute ne maîtrise pas et dont il ne connait pas la teneur, et les correspondances privées qu'il est suceptible d'adresser à son réseau d'amis.
La solution eu-t-elle été différente si l'internaute diffusait sciemment un message générique dont il connaissait la teneur et dont il avait la parfaite maîtrise, en faveur d'un produit qu'il plébiscite?
Dans les récentes affaires des "licenciements Facebook" puis celles concernant des cas de diffamation et d'injure sur le réseau social, la Cour de cassation a reservé le cas ou l'étendue du réseau d'ami pouvait effectivement constituer un public, ce qui compte tenu du caractère viral des messages en cause, aurait pu suffire à rejeter le caractère de correspondance privée.
Cependant, la Cour ajoute à cette fin au critère du nombre de destinataires, celui de la maîtrise du message qui leur est dévolu.
[1] CA Paris, 23 mai 2012