L'assurance vie n'est pas la panacée

Publié le Modifié le 09/03/2017 Vu 1 535 fois 0
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Régulièrement encensée au vu de son régime fiscal hors pair, l'assurance vie n'est pas toujours la solution la plus intéressante. Une utilisation limitée du dispositif, couplée à des stratégies civiles et fiscales à effet immédiat, permet de réaliser de substantielles économies.

Régulièrement encensée au vu de son régime fiscal hors pair, l'assurance vie n'est pas toujours la solutio

L'assurance vie n'est pas la panacée

CAS PRATIQUE LES LIMITES DE L’ASSURANCE VIE EN MATIERE DE TRANSMISSION

Touche pas à mon assurance vie ! Voici en quelques mots résumée la farouche opposition des Français devant les assauts répétés du législateur, guidé par Michel Sapin en ultime porte-étendard. Loin de nous l’intention de le défendre, mais l’usage de l’assurance vie comme réponse à tous les maux patrimoniaux était déjà, dans certains cas, devenu inadapté.

Illustrons nos propos par une anecdote, tirée d’un cas réel.

Madame Saccard, élégante sexagénaire, pénètre dans le hall d’un bel immeuble haussmannien, non sans avoir jeté un bref coup d’œil à la discrète enseigne révélant la présence du département patrimonial d’une grande banque de réseau. Sa surface patrimoniale, aux dires de son conseiller bancaire habituel, nécessitait une prise en charge spécifique, d’où sa venue. Elle a également consulté, au préalable, son assureur.

Veuve depuis peu, elle se retrouve à la tête d’un patrimoine de 5,2 millions d’euros, constitué de biens immobiliers (sa résidence principale ainsi qu’un bien de villégiature qu’elle souhaite conserver) pour une valeur globale d’1,7 million d’euros, et pour les 3,5 millions d’euros restants, d’un portefeuille titres et de diverses liquidités.

Désignation

Valorisation

Biens de jouissance

1 700 000 €

Résidence principale

1 200 000 €

Résidences secondaires

500 000 €

Valeurs mobilières

500 000 €

Compte titres

500 000 €

Disponibilités

3 000 000 €

Comptes sur livret (CSL)

3 000 000 €

Total de vos actifs

5 200 000 €

Son vœu le plus cher ? Transmettre dans les meilleures conditions possibles son patrimoine à ses trois enfants, Philippe, Cécile et Elisabeth.

L’affaire est rapidement entendue : sa nouvelle conseillère en gestion patrimoniale, tout comme son assureur, lui suggèrent de placer les 3,5 millions d’euros en assurance vie, avec une clause bénéficiaire répartissant équitablement le capital entre ses trois enfants, à son décès. Etait-il encore besoin de rappeler les mérites de l’assurance vie en matière de transmission du patrimoine ?

Mais il se trouve que justement, la question méritait d’être posée.

Pour reprendre les chiffres du cas, suite aux conseils sollicités, le patrimoine de Madame se trouve désormais réparti entre 1,7 million d’euros d’actifs immobiliers, qui seraient intégrés à sa succession en cas de décès, et 3,5 millions d’euros en assurance vie au total, transmis sous la forme de capitaux décès.

Pour savoir si les conseils prodigués étaient réellement avisés, calculons le coût de la transmission post-conseils, pour le comparer à la situation antérieure, si Madame n’avait rien fait.

  1. Le calcul du coût fiscal de la transmission du patrimoine remodelé suite aux conseils des professionnels sollicités
  2. Pour les biens immobiliers :

Les biens immobiliers entrent dans la succession civile. La résidence principale est comptabilisée, pour le calcul des droits, pour sa valeur pleine. L’abattement de 20% ne serait pas applicable en l’espèce car Madame ne laissera ni conjoint survivant ni enfant mineur ou majeur protégé vivant dans sa résidence principale au jour de son décès.

ASSIETTE TAXABLE :

Actif

Valeur vénale

Assiette des droits

Résidence principale

1 200 000 €

1 200 000 €

Résidence secondaire

500 000 €

500 000 €

TOTAL

1 700 000 €

1 700 000 €

Chaque enfant bénéficie d’un abattement personnel de 100 000€, non utilisé puisque Madame n’a pas réalisé de donation à ses enfants au cours des 15 dernières années. On déduit donc de l’assiette des droits l’abattement personnel de 300 000€, correspondant aux 3 enfants.

L’actif net taxable après abattement est  donc de 1 700 000 – 300 000 = 1 400 000€, soit 466 667€ par héritier.

Barème successoral

Montant des droits dus par enfant

N’excédant pas 8072€

5%

403,60 €

Comprise entre 8 072 € et 12 109 €

10%

403,70 €

Comprise entre 12 109 € et 15 932 €

15%

573,45 €

Comprise entre 15 932 € et 466 667 €

20%

90 147 €

TOTAL

91 528 €

Le montant des droits de succession dus par chacun des enfants est de 91 528 €.

  1. Pour les capitaux décès d’assurance vie

Le contrat d’assurance vie étant valorisé à 3 500 000 € au jour de la simulation, chaque enfant reçoit 1 166 667€ de capitaux décès.

Selon l'article 990 I du CGI, les capitaux (y compris les intérêts capitalisés) relatifs aux primes versées à compter du 13/10/1998 et avant l'âge de 70 ans sont assujettis à un prélèvement de 20 % jusqu’à 700 000 € et 31,25 % au-delà, après application d’un abattement de 152 500 € par bénéficiaire (tous contrats confondus).

Barème des droits sur capitaux décès d’assurance vie 990I CGI

Montant des droits dus par enfant

N’excédant pas 152 500 €

0 %

0 €

Entre 152 500 et 852 500€

20 %

140 000 €

Entre 852 500 € et 1 166 667€

31,25%

98 177 €

TOTAL

238 177 €

Le coût de la transmission des capitaux décès est de 238 177€ par enfant.

  1. Le coût total de la transmission

Si on ajoute les 91 528€ de droits de succession aux 238 177€ dus au titre des capitaux décès de l’assurance vie, le montant total des droits à acquitter par enfant s’élève à 329 705 €.

  1. Le calcul du coût fiscal de la transmission du patrimoine avant conseil (situation initiale)

Avant qu’elle ne consulte sa banque, le patrimoine de Madame Saccard était intégralement constitué d’actifs ayant vocation à intégrer sa succession (aucune assurance vie).

Sa masse successorale taxable aurait été de 5 200 000 €. Après déduction des abattements personnels des enfants (300 000€ au total), l’actif net taxable aurait été de 4 900 000€, soit 1 633 333 € par enfant.

Barème successoral

Montant des droits dus par enfant

N’excédant pas 8072€

5%

403,60 €

Comprise entre 8 072 € et 12 109 €

10%

403,70 €

Comprise entre 12 109 € et 15 932 €

15%

573,45 €

Comprise entre 15 932 € et € 552 324 €

20%

107 278,40€

Comprise entre 552 324 € et 902 838 €

30%

105 154,20 €

Comprise entre 902 838 € et 1 633 333€

40%

292 198 €

TOTAL

506 011 €

Les droits à payer auraient été de 506 011 € par héritier.

Sans le recours à l’assurance vie, force est de constater que les héritiers de Madame Saccard auraient eu des droits de succession sensiblement plus élevés à payer. Pour autant, le coût de la transmission, dans la solution proposée par les professionnels initialement consultés, demeure élevé. Il y a donc lieu de s’interroger sur sa possible amélioration.

  1. La solution optimale : limiter le recours à l’assurance vie à la faveur d’une stratégie civile et fiscale

La solution préconisée présente deux principaux inconvénients : d’une part, elle pèche par excès d’assurance vie, et d’autre part, en éludant toute stratégie civile à effet immédiat, elle se prive de moyens de transmettre à moindre coût à terme.

  1. L’excès d’assurance vie

Le premier écueil de la solution préconisée est qu’elle soumet au prélèvement de 31,25% les capitaux décès excédant les 852 500€ (700 000 € de capitaux transmis après abattement de 152 500 €), alors même que, sur le plan successoral, elle ne consomme pas l’intégralité de la tranche à 20% (il restait en l’occurrence  256 971€ pour atteindre le plafond de la tranche). En d’autres termes, dans ce cas, trop d’assurance vie nuit à l’assurance vie.

Suivant cette logique, l’idéal serait ainsi, au-delà de 852 500 € de capitaux décès transmis par enfant, d’utiliser les tranches à 20% et à 30% du barème des successions, sans aller toutefois jusqu’à la tranche à 40%.

En l’occurrence, pour profiter pleinement des atouts fiscaux de l’assurance vie, la valeur des contrats de Madame Saccard, au jour de son décès, devrait s’élever au maximum à 2 557 500€ (852 500 € multipliés par le nombre d’enfants).

 Par déduction, le patrimoine successoral de Madame Saccard devrait idéalement s’élever à 5 200 000€ moins 2 557 500€, soit 2 642 500€.

Le calcul du coût de la transmission successorale

L’actif successoral taxable brut est de 2 642 500€.

Comme précédemment, on retire l’abattement personnel des enfants, 300 000 € au total, ce qui porte l’actif net taxable à 2 342 500 €, soit 780 833 € par enfant.

Barème successoral

Montant des droits dus par enfant

N’excédant pas 8072€

5%

403,60 €

Comprise entre 8 072 € et 12 109 €

10%

403,70 €

Comprise entre 12 109 € et 15 932 €

15%

573,45 €

Comprise entre 15 932 € et € 552 324 €

20%

107 278,40€

Comprise entre 552 324 € et 780 833 €

30%

68 553 €

Comprise entre 902 838 € et 1 805 677€

40%

0 €

TOTAL

177211€

2° Le calcul du coût de la transmission des capitaux décès :

Par déduction, les capitaux décès de l’assurance vie s’élèveraient idéalement à 2 557 500€. Chaque enfant serait donc bénéficiaire, à ce titre, d’un capital brut de 852 500€.

Selon l'article 990 I du CGI, les capitaux (y compris les intérêts capitalisés) relatifs aux primes versées à compter du 13/10/1998 et avant l'âge de 70 ans sont assujettis à un prélèvement de 20 % à partir de 700 000 € et 31,25 % au-delà, après application d’un abattement de 152 500 € par bénéficiaire (tous contrats confondus).

Barème des droits sur capitaux décès d’assurance vie 990I CGI

Montant des droits dus par enfant

N’excédant pas 152 500 €

0 %

0 €

Entre 152 500 et 852 500€

20 %

140 000 €

Entre 852 500 € et 1 166 667€

31,25%

0 €

TOTAL

140000 €

3° Le coût total de la transmission (succession civile + assurance vie)

En ajoutant au coût de la succession civile (177 211€) les droits à régler au titre de la perception des capitaux décès (140 000€), le montant total des droits à acquitter s’élève à 317 211 € par enfant, soit près de 12 000 € économisés par enfant, du simple fait d’avoir utilisé au mieux les barèmes des droits.

  1. L’intérêt de déployer des solutions civiles à effet immédiat

Le second reproche que l’on peut adresser à la solution préconisée est d’avoir négligé toute stratégie civile ou fiscale immédiate au profit de la solution simpliste de placer un maximum en assurance vie.

Pourquoi ne pas proposer à Madame Saccard de réaliser des donations, en pleine ou en nue-propriété, en fonction de ses besoins et de ses facultés ? Rappelons que les abattements se reconstituent au terme de 15 années, et on peut penser, au vu de l’espérance de vie féminine, qu’elle pourra souffler sans peine ses 75 bougies en compagnie de ses enfants.

Nous avons démontré précédemment que l’assurance vie pouvait utilement et pleinement produire ses effets à une valorisation de 2 557 500€, ce qui autorise notre cliente à retirer 942 500€ de ses contrats.

Avec cet argent, elle pourrait réaliser des dons familiaux d’espèces (enregistrés à la recette des impôts) à hauteur de 31 865 € par enfant, soit 95 595 € au total.

Pour compléter ces donations en pleine propriété, Madame Saccard pourrait réaliser des donations en nue-propriété, ce qui lui offrirait le double avantage de continuer à percevoir les fruits de la chose donnée, et de donner un actif d’une valeur en pleine propriété bien supérieure à 100 000 €. En l’occurrence, notre cliente ayant une soixantaine d’années, elle bénéficie d’une réduction de 40%, correspondant à la valeur de son usufruit. En d’autres termes, Madame Saccard pourrait souscrire 3 contrats de capitalisation de 166 000€ chacun (498 000€ au total) et en donner la nue-propriété à ses enfants, et ce, en franchise totale de droit de donation.

Avec les 348 905 € restants, nous pouvons proposer à Madame Saccard d’investir dans un Groupement foncier viticole (GFV) à hauteur de 330 000€, et de conserver le reste en liquidités. Un GFV est une société civile détentrice de terres louées à des exploitants par des baux à long terme. En sus du plaisir de recevoir une partie du fermage sous la forme de crus tirés de l’exploitation, l’investissement est exonéré de droits de succession à hauteur des trois quarts de sa valeur. En d’autres termes, pour 330 000€ investis,  l’assiette imposable aux droits de succession, sous réserve du respect des conditions du régime, n’est que de 82 500€, et cette exonération vaut aussi pour l’impôt de solidarité sur la fortune.

Si l’on suit le schéma proposé, on retrouverait, dans la succession de Madame Saccard (dont on suppose qu’elle intervienne au moins 15 ans après réalisation des donations), l’immobilier de jouissance, les parts de GFV, et les quelques liquidités conservées, les contrats de capitalisation ayant déjà été donnés en nue-propriété aux enfants.

Valeur vénale en PP

Valeur successorale taxable

Immobilier de jouissance

1 700 000 €

1 700 000 €

Parts de GFV

330 000 €

82 500 €

Liquidités

18 905 €

18 905 €

Contrats de capitalisation démembrés

498 000 €

0 €

Dons familiaux de sommes d’argent

95 595 €

0 €

TOTAL SUCCESSION

2 642 500 €

1 801 405 €

En termes de coût de transmission successorale, pour reprendre le précédent mode de calcul, en ôtant les abattements personnels des enfants, on trouve une masse successorale taxable de 1 501 405€, soit 500 468 € par enfant. Ce capital, plus modeste, est marginalement taxé à 20%, pour un coût de 98 288€.

Il convient, bien sûr, d’y ajouter le coût de la transmission des capitaux décès, que l’on a précédemment chiffré à 140 000€, pour un contrat valorisé à 2 557 500 € au jour du décès.

Au total, le coût de la transmission dans la solution proposée par nos soins revient à 238 288 € par enfant, à comparer aux 329 705 € de la solution déployée par le pôle patrimonial de la banque de réseau et son assureur traditionnel. Entre simplicité et simplisme, il n’y a qu’un pas qu’il coûte parfois bien cher de franchir !

Comme le disait le philosophe Jean-Baptiste Blanchard, « Tous ceux que l'on consulte vantent leurs avis, mais tous les avis ne sont pas également bons. » 

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