Ne manquez pas le nouvel épisode de la saga de l'été, qui fascine les médias depuis 1982: la réforme de l'ISF version 2012, pudiquement baptisée "contribution exceptionnelle" dans le projet de Loi de finances rectificative pour 2012, encore en discussion devant le Parlement.
De quoi s'agit-il, au juste? La loi de Finances rectificative du 29 juillet 2011 portant réforme de la fiscalité du patrimoine avait décidé à la fois de la mise en place d'un nouveau barème, visant à alléger cet impôt, et de la suppression du bouclier fiscal, mesure visant à plafonner les impôts et contributions sociales à 50% des revenus du contribuable.
Le gouvernement Sarkozy pensait rendre ainsi l'impôt plus juste. Des contribuables, seuls ou, plus généralement, conseillés, avaient restructuré leur patrimoine de manière à exploiter au maximum les effets du bouclier fiscal. Ce faisant, à patrimoine égal, certains contribuables payaient un tribut conséquent à l'impôt de solidarité sur la fortune, tandis que d'autres, brandissant le bouclier fiscal, s'acquittaient d'un impôt beaucoup plus modeste, voire inexistant.
Revenant sur ce dispositif pourtant emblématique de son quinquennat, renforcé par la loi TEPA en 2007 suite à l'affaire des résidents de l'île de Ré, le précédent gouvernement s'était donc résigné à s'en séparer, moyennant l'allègement du barème fiscal de l'ISF (à l'origine, ils avaient prévu sa suppression, comme en témoigne la toute première chronique de ce blog, souvenez-vous...).
Ce barème proportionnel à deux tranches, 0,25% pour les patrimoines compris entre 1,3 et 3 millions d'euros, et 0,50% pour les patrimoines excédant les 3 millions d'euros, s'est appliqué pour la première fois pour la déclaration de cette année.
Mais la nouvelle majorité, considérant cette mesure comme un cadeau pour riches de bien mauvais goût en ces temps de crise économique, s'est promis de le récupérer par tout moyen.
Pensant d'abord restaurer l'ancien barème et l'appliquer réotractivement pour 2012, elle s'est finalement orientée vers une "contribution exceptionnelle", plus susceptible de franchir le barrage du Conseil Constitutionnel.
1°) Les effets de cette "contribution"
Cette contribution exceptionnelle restaure le barème progressif de 2011. Comment cela se traduira-t-il, concrètement, pour les redevables de l'ISF?
-pour les contribuables dont le patrimoine net est inférieur à 1,3 million d'euros, ils seront a priori toujours exonérés d'ISF (dixit le rapport Eckert "Comme l’indique le premier alinéa de l’article 885 A du code général des impôts, ne sont imposables que les personnes physiques dont la valeur des biens est supérieure à la limite de la première tranche du barème de l’impôt, qui est elle-même déterminée par l’article 885 U du même code, soit 1,3 million d'euros").
-pour les contribuables dont le patrimoine est entre 1,3 et 3 millions d'euros: ils ont fait leur déclaration dans leur formulaire d'impôt sur le revenu, mais n'ont pas encore acquitté leur ISF, recouvrable en septembre, par voie de rôle. Ils devraient payer ISF et contribution lexceptionnelle, correspondant au surplus que l'application du nouveau barème aurait dû leur faire économiser, à la mi novembre.
-pour les contribuables dont le patrimoine excède les 3 millions d'euros: ils ont déjà acquitté leur ISF en juin, ils acquitteront la contribution le 15 novembre.
2) La portée de la mesure?
Il y a aujourd'hui 300 000 foyers redevables de l'ISF selon la définition actuelle, c'est-à-dire dont la valeur du patrimoine excède 1,3 million d'euros. La frange des contribuables dont le patrimoine est supérieur à 800 000 euros mais inférieur à 1,3 million échappe, pour l'heure, au retour de bâton, mais pourrait bien faire les frais de la prochaine réforme de l'ISF, prévue pour 2013.
Que faire, dès lors? Face à cette instabilité fiscale chronique, et une pression fiscale et sociale crossante, on peut avoir trois réactions:
1) Payer et ployer l'échine, en attendant des jours meilleurs. L'inconvénient est que le gouffre financier dans lequel l'Etat français se situe ne date malheureusement pas de la crise actuelle, donc ne risque pas de se combler comme par magie lorsqu'on en sortira. Le temps d'attente risque d'être un peu long.
2)Agir par le haut: lutter contre le maintien de cet impôt. Il existe des associations de contribuables, des institutions qui développent des argumentaires pour vous obenir ce "lendemain qui chante". Là encore, la patience est de mise.
3)Agir par le bas, au niveau de votre patrimoine. Il y a peut-être quelque chose à faire au niveau de votre masse taxable. S'il faut se garder de prendre des décisions hâtives dans le seul but de diminuer sa fiscalité (les stratèges du bouclier fiscal viennent d'en faire les frais), il peut y avoir un intérêt certain, quantifiable, à examiner ou de faire examiner son patrimoine à la lueur des tendances économiques, juridiques et fiscales actuelles, en se posant les bonnes questions.