Le florilège des 10 pires mesures fiscales

Publié le 16/05/2014 Vu 2 225 fois 0
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De l'impôt sur le sel à l'impôt sur les portes et fenêtres, l'histoire regorge de bizarreries fiscales. Mais s'est-on beaucoup amélioré depuis? Loin s'en faut! Jetons un rapide coup d’œil sur les 10 pires mesures fiscales du moment.

De l'impôt sur le sel à l'impôt sur les portes et fenêtres, l'histoire regorge de bizarreries fiscales. Ma

Le florilège des 10 pires mesures fiscales

Article publié dans le Gestion de Fortune n° 247 d'avril 2014

La matière est si abondante que le tri s’annonce difficile. Fidèles à notre logique de diversification, nous mêlerons les mesures adoptées aux mesures à l’étude, avec pour objet tant l’immobilier que les revenus.

IMMOBILIER :

S’il est un domaine sur lequel se penchent particulièrement nos gouvernants, c’est celui de l’immobilier. Nous ne reviendrons pas sur le nouveau régime des plus-values immobilières, dont nous avons abondamment commenté les imperfections[1].

MESURE N°1 : LA SURTAXE SUR LES PLUS-VALUES IMMOBILIERES (en vigueur depuis 2013)

Initions notre florilège par la surtaxe sur les plus-values immobilières.

 Instaurée par la loi de finances pour 2013, celle-ci prévoit, pour les ventes de résidences secondaires ou locatives ayant généré une plus-value supérieure à 50 000€, une taxe additionnelle sur la plus-value allant de 2 à 6% du montant de la plus-value.

Le déploiement, avec tambours et trompettes, d’un régime allégeant l’imposition sur la plus-value immobilière (création d’un double abattement sur la plus-value, avec des portées diverses) aurait dû abroger cette mesure qui va clairement dans un sens contraire. Au lieu de cela, les professionnels du droit se voient contraints de se livrer à des calculs longs et complexes pour connaître le montant des impôts et taxes dus par les vendeurs.

Bien que la matière ait été profondément remaniée, ces dernières mesures n’ont pas tari l’imagination de nos élus comme de nos ministres. Quittons donc le droit en vigueur pour étudier les projets à l’étude.

MESURE N°2 LA TAXE SUR LES LOYERS IMPLICITES (projet)

La rumeur s’est répandue en septembre dernier, lors de la remise d’un rapport au gouvernement rédigé par le Conseil d’analyse économique, préconisant l’instauration d’une taxe sur les propriétaires occupants ayant terminé de payer le prêt de leur résidence principale.

L’idée défendue par ces économistes est que, si un propriétaire bailleur est lourdement taxé sur les loyers perçus quand bien même il louerait par ailleurs sa résidence principale, un propriétaire occupant ne l’est pas, ce qui favorise la situation des seconds au détriment des premiers.

Taxer les propriétaires occupants sur le loyer implicite, c’est-à-dire le loyer qu’ils pourraient percevoir s’ils mettaient leur bien à la location, permettrait de rétablir un équilibre entre eux et favoriserait ainsi la mobilité.

Voilà une idée qui a fait bondir nos concitoyens, pour qui la détention d’une résidence principale libre de charges, au terme de 20 ou 30 années de sacrifices, ne doit certainement pas se traduire par une charge supplémentaire.

Sur le principe, déjà, on ne comprend pas bien l’inégalité que prétend résoudre le rapport : on ne peut parler d’inégalité qu’à situation comparable, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Certes, le propriétaire occupant ne paie pas de loyer, mais à la différence du bailleur, il ne déduit ni ses charges d’emprunt, ni sa taxe foncière, ni ses travaux. Nous sommes bien placés, dans notre métier, pour savoir que la comparaison se fait au cas par cas pour déterminer quel régime est le plus intéressant.

La conviction que les propriétaires bailleurs sont plus taxés que leurs homologues occupants aurait pu se traduire par un allègement de leur fiscalité. Mais c’est systématiquement l’alignement par le régime le plus dur qui est prôné, ce qui révèle bien le fondement réel de la mesure.

Sur le plan des modalités, ensuite, on imagine combien sa mise en œuvre serait difficile, la détermination d’un loyer implicite n’étant pas chose aisée. Et d’aucuns échafaudent déjà les  stratégies permettant de contourner la taxe. Les grands perdants seraient, au final, comme toujours, les petites gens, qui ont économisé patiemment sou à sou pour s’offrir leur résidence principale.

Enfin, cette taxe nous semble redondante avec d’autres impôts, comme la taxe foncière qui concerne toutes les propriétés bâties, et l’ISF, impôt sur le capital.

S’il était besoin d’ajouter un argument, on se souviendra avec profit qu’une telle taxe a déjà existé en France, avant 1964, et que Valéry Giscard d’Estaing l’avait abolie, jugeant qu’elle rapportait peu pour un coût élevé, et freinait l’accès à la propriété. 50 ans plus tard, les arguments sont toujours d’actualité.

MESURE N°3 UNE TAXE D’HABITATION PROPORTIONNELLE AUX REVENUS (projet)

Pour rester dans les sujets qui fâchent, dernière idée en date : modifier la taxe d’habitation pour la rendre proportionnelle aux revenus.

Pour analyser cette idée, rappelons le fonctionnement actuel de la taxe d’habitation. La taxe d’habitation, perçue par les communes, finance les services et équipements locaux (écoles routes, etc). Elle est assise sur la valeur réelle cadastrale des logements, et tient compte d’éléments tenant à la situation personnelle des contribuables (composition du foyer fiscal, invalidité, seuil de revenus).

Sous couvert d’œuvrer pour une plus grande justice sociale, le gouvernement projette de rendre cet impôt proportionnel aux revenus des contribuables.

L’idée nous rebute d’emblée, pour plusieurs motifs.

D’une part, en substituant un mécanisme national à un mécanisme local, elle brouille la lisibilité de la taxe. La taxe d’habitation finance les infrastructures dont tout le monde profite, il est donc juste que tous les habitants de la commune l’acquittent. La rendre progressive conduirait à nuire à la cohésion sociale, les uns étant tentés de gâcher la chose publique en se disant que les « riches payeront », les autres étant écœurés de « payer pour les autres ».

D’autre part, la taxe d’habitation, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, est socialement juste : elle épargne les foyers les plus modestes, tient compte de la composition du foyer familial, et des situations de handicap.

Pourquoi donc vouloir rendre plus juste une taxe qui l’est déjà ? A moins que ce ne soit un moyen déguisé pour augmenter l’impôt à grande échelle. On sait que les collectivités territoriales se sont terriblement endettées ces dernières années, alors que leurs ressources, jusqu’à présent, n’étaient pas extensives. Plutôt que de les obliger à une plus grande rigueur, le nouveau système permettrait de tondre plus aisément le mouton fiscal.

MESURE N°4 L’AUGMENTATION DES DROITS DE MUTATION (en vigueur)

En complément de l’idée précédente, une première mesure vient d’entrer en vigueur au 1er mars dans de nombreux départements, l’augmentation des droits de mutation.

Les droits de mutation, aussi appelés « frais de notaire », sont les frais prélevés à chaque fois qu’un bien immobilier change de main. La recette fiscale est répartie entre le département, la commune et l’Etat.

La loi de finances pour 2014 a autorisé l’augmentation, laissée à l’appréciation des départements, de 0,7% desdits frais, pour compenser la hausse des allocations de solidarité versées par les départements. Présentée ainsi, la hausse semble de faible ampleur, mais les frais représenteront désormais à 8, voire 9% du prix d’acquisition du bien. Dans un contexte difficile où les banques demandent aux emprunteurs de financer par leurs propres moyens les frais de notaire, voilà qui devrait freiner l’accès à la propriété, notamment des plus fragiles. Curieusement, personne n’a brandi l’argument de l’injustice sociale pour s’opposer à cette hausse.

Par ailleurs, les effets de la mesure nous semblent compromis : comment espérer d’accroître les recettes fiscales dans un contexte où le marché immobilier se trouve déjà au point mort ? La mesure est, de plus, en contradiction avec la réforme des plus-values immobilières qui était censée fluidifier le marché immobilier.

Quittons le domaine sensible de l’immobilier pour aborder celui de la fiscalité des revenus.

MESURE N°5 LA SUPPRESSION DE LA CSG DEDUCTIBLE

Voilà qui fera ciller les plus orthodoxes d’entre nos lecteurs : la               Contribution Sociale Généralisée (CSG) n’est pas une mesure fiscale mais sociale, on se demande donc pourquoi nous l’étudions dans notre florilège fiscal. Voire. La différence entre les deux est que l’un finance le budget de l’Etat, de manière indifférenciée, alors que l’autre finance notre système de protection sociale, avec une notion de contrepartie.

La distinction est essentielle, elle sous-tend les débats autour de la CSG déductible, et de la fusion impôt sur le revenu et CSG, que nous étudierons ci-dessous.

En effet, la CSG, à l’origine, avait été créée par Michel Rocard, en 1990, pour rééquilibrer les comptes de la Sécurité sociale. En effet, la protection sociale était financée, pour l’essentiel, par les seuls salariés, alors que son bénéfice avait peu à peu été étendu à tous.

En créant la CSG, applicable à tous les revenus (du travail comme du patrimoine), l’effort était réparti beaucoup plus équitablement.

L’enjeu de la distinction est le suivant : si l’on considère que c’est une contribution sociale, elle doit être collectée distinctement de l’impôt sur le revenu, et le mécanisme de déductibilité doit être maintenu.

A l’inverse, si on la considère comme un impôt, la déductibilité ne tient plus, et plus rien ne s’oppose à sa fusion avec l’impôt sur le revenu, dont elle n’est plus qu’une composante affectée à une charge particulière.

Prenons un exemple pour bien comprendre ce qu’est la CSG, et pourquoi elle est partiellement déductible.

L’entreprise verse au salarié un salaire de 1000, sur lesquels sont prélevées des contributions sociales de 8% (CSG de 7,5% et CRDS de 0,5%). Il reçoit en réalité 920€. Mais sur sa déclaration de revenus apparaîtraient 1000€ si l’on n’appliquait pas la CSG déductible. Ces 1000 euros seraient donc soumis à l’impôt sur le revenu. Notre salarié paie donc un impôt sur une cotisation, c’est-à-dire sur de l’argent qu’il n’a pas reçu. Pour corriger ce phénomène, la CSG est partiellement déductible, à hauteur de 5,1%. Cela explique pourquoi le net fiscal est toujours plus élevé que le salaire réellement perçu.

La suppression de la déductibilité de la CSG aurait pour effet d’accroître le décalage entre le brut et le net, ce qui pénalisera, entre autres, les salariés, et non les seuls rentiers, comme on le laisse entendre.

L’argument avancé par Christian Eckert pour justifier cette nouvelle lubie fait sourire ou bondir, selon les tempéraments. Il a ainsi confié, dans un entretien accordé à un quotidien, qu’elle crée "une injustice à corriger", car "seuls ceux qui paient l'impôt profitent de cet avantage fiscal. Pas les autres !".  On a presque envie de rétorquer que la solution, dans ce cas, serait d’étendre l’impôt à tous, pour permettre à tous de profiter de la réduction. 

S’il est une injustice à corriger, c’est le maintien de régimes spéciaux, y compris le régime applicable aux indemnités des élus, dans un pays qui ne peut plus se permettre de telles largesses. Tout le reste n’est que bout de chandelle.

REVENUS

MESURE  N°6 LA FUSION DE LA CSG ET DE L’IMPOT SUR LE REVENU (projet)

Dans la série « changer ce qui fonctionne bien », je demande la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Le projet ne nous séduit guère car, comme évoqué précédemment, la CSG a une assiette plus large que l’impôt sur le revenu, et elle est plus difficile à éluder que l’impôt sur le revenu.

Par bonheur, le rapport commandé par le gouvernement aboutit à la même conclusion, nous devrions donc éviter cet écueil.

REVENUS

MESURE N°7 LES PRELEVEMENTS SOCIAUX RETROACTIFS SUR LES PRODUITS D’EPARGNE (mesure en vigueur a minima)

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoyait de réformer les modalités de calcul des prélèvements sociaux appliqués à certains placements exonérés d’impôt sur le revenu, au rang desquels le PEL, le PEA, l’épargne salariale, ou encore l’assurance vie.

En effet, jusqu’à présent, on calculait les prélèvements sociaux dus par rapport à la date d’inscription en compte des intérêts. C’est ce qu’on appelle, dans notre jargon professionnel, le « feuilletage ». En clair, si votre PEL vous avait rapporté 100€ en 1997, et que vous le « cassiez » en 2013, le taux de prélèvements sociaux retenu sur ces 100€ était celui de 1997 (3,90%) et non celui de 2013 (15,5%).

L’idée du gouvernement était donc taxer tous les produits (intérêts et plus-values) de ces placements au taux en vigueur au moment du retrait ou du dénouement du contrat. Ce simple changement de mode de calcul devait rapporter la somme rondelette de 600 millions d’euros supplémentaires.

Comme toujours, l’argument invoqué pour justifier la mesure était la « justice sociale », que l’on a de plus en plus de mal à cerner. Soit deux épargnants, l’un retire chaque année ce qu’il a épargné au cours de l’année, et l’autre ne retire qu’au bout de 10 ans. La nouvelle mesure favoriserait le comportement court-termiste du premier, qui se verra appliquer tous les taux successifs de prélèvements sociaux. En revanche, le deuxième serait pénalisé si on lui appliquait rétroactivement le taux en vigueur au moment de son retrait.

Au-delà de l’enjeu de la mesure, c’est le respect de la parole donnée qui fait ici défaut. L’Etat change les règles du jeu au fur et à mesure que le temps passe, ce qui exaspère de plus en plus nos concitoyens.  La loi nouvelle n’est pas censée s’appliquer aux contrats en cours !

Le plus étonnant, dans ce feuilleton fiscal, est la réaction des épargnants apprenant la mesure.  Entre la technicité du débat (nous vous avons fait grâce des détails relatifs à l’assurance-vie, car nous tenons à conserver quelques lecteurs) et l’impact relativement modeste qu’elle avait réellement pour chaque épargnant, on aurait pu croire qu’elle passerait inaperçue.

Loin s’en faut. Le climat est devenu si délétère qu’il ne faut désormais plus grand-chose pour mettre le feu aux poudres. Les uns ont pris d’assaut leurs élus dans les circonscriptions locales, les autres ont clamé leur refus sur les forums. Et la victoire  s’est finalement trouvée au bout du fusil, car les parlementaires ont réduit la portée de la mesure, excluant la plupart des placements concernés. Le conseil constitutionnel a fait le reste, sauvant une bonne partie des contrats d’assurance vie de la tourmente.

REVENUS

MESURE N°8 L’OBLIGATION DE COMMUNIQUER LES SCHEMAS D’OPTIMISATION FISCALE (mesure censurée par le Conseil constitutionnel)

Pour rester sur un rapport de Karine Berger, penchons-nous sur une lubie du gouvernement, datant du projet de loi de finances pour 2014, qui instaure l’obligation de communiquer tout schéma d’optimisation fiscale à la charge des conseils fiscaux et des concepteurs de tels montages. En cas de non respect de cette disposition, de lourdes peines étaient prévues.

Voilà qui n’aurait pas aidé à pacifier les rapports entre l’administration fiscale et les administrés, loin s’en faut.

On reste bien dans la logique de nivellement par le bas que l’on lit en filigrane de toutes les mesures étudiées. Quand on ne peut pas être aussi intelligent que son interlocuteur, mieux vaut le contraindre à devenir aussi bête que soi. Cocteau disait que « les Français ont toujours cru que l’égalité consistait à trancher ce qui dépasse ». On savoure tout le sel de son mot.

Le piège, dans cette obligation, se cache dans la définition du schéma d’optimisation fiscale : choisir, entre deux placements, le moins onéreux fiscalement, constitue-t-il un schéma d’optimisation fiscale ? Qui va juger si une opération s’assimile à un schéma d’optimisation fiscale ? En ces périodes d’instabilité fiscale chronique, une opération neutre à un instant T peut faire naître, au terme, un avantage fiscal imprévu. Autant la loi change tous les ans, voire à une fréquence supérieure, autant une opération patrimoniale s’étale sur des années. L’arbitraire est propre aux régimes dictatoriaux, mais convient mal à l’Etat de droit.

On nous rétorquera que cette disposition n’a pas été inventée de toute pièce par les économistes qui l’ont proposée, elle sévit en Angleterre depuis quelques années, et semble bien acceptée par le corps social. Mais on ne peut pas importer une mesure en l’isolant de son contexte sous prétexte qu’elle renflouerait les caisses de l’Etat. Si l’on adoptait l’entier système fiscal britannique en lieu et place du nôtre, il n’est pas du tout certain que nos finances publiques en sortiraient gagnantes. Halte au stock-picking fiscal !

Quoi qu’il en soit, le conseil constitutionnel ne s’y est pas trompé, censurant le dispositif en raison de son imprécision. Remarquons, au passage, que les gardiens de la Constitution sont de plus en plus contraints de réfléchir en aval à la place de ceux qui auraient dû le faire en amont, au moment du vote des lois. Une session de remise à niveau en droit de nos parlementaires comme de nos gouvernants ne serait vraiment pas du luxe.

REVENUS

MESURE N°9 L’INDIVIDUALISATION DE L’IMPOT SUR LE REVENU (projet)

L’impôt est source d’inégalité entre hommes et femmes. C’est du moins la conclusion de la ministre Najat Vallaud-Belkacem à la lecture du rapport de Séverine Lemière qu’elle a commandé sur le sujet.

Le calcul de l’impôt par foyer fiscal et non par individu serait défavorable à l’emploi féminin. Celui-ci,  généralement moins rémunéré que l’emploi masculin, est moins taxé lorsque la femme est imposée seule que lorsqu’elle est imposée au sein du foyer fiscal, la tranche marginale d’imposition applicable étant plus élevée (du fait de la progressivité de l’impôt).

Ce phénomène contribuerait à déprécier l’emploi féminin, moins rémunérateur et plus coûteux en impôt, et les dissuaderait donc de travailler. Mme Vallaud Belkacem propose donc, pour lutter contre cette « inégalité », d’imposer les contribuables non plus par foyer fiscal mais par individu.

Après s’être arraché les cheveux pour comprendre le sens de la proposition, on se demande jusqu’où l’on peut déformer la réalité pour la rendre conforme à l’idéologie.

Voilà une drôle de conception du couple, comme l’addition de deux individus si farouchement attachés à leur indépendance qu’ils ne partageraient ni ressources, ni impôts.

La réalité que l’on constate au quotidien, c’est que lorsque l’on forme un couple, peu importe que l’on soit marié ou non, on partage les dépenses communes. Le droit civil rend, du reste, les époux solidaires des dettes fiscales quel que soit le régime matrimonial choisi. Peu importe donc que l’imposition commune soumette le revenu de la femme (en tout cas le plus petit revenu) à une tranche plus élevée qu’elle ne le serait si elle avait été imposée séparément, puisque en contrepartie, cela minore le taux de son époux/partenaire de PACS. La charge commune pour le couple est donc strictement identique, sauf pour les couples dont l’un des membres du couple ne travaille pas.

La nouvelle mesure leur ferait subir une importante hausse d’impôt, ce qui est sans doute son véritable objectif.

L’objectif affiché ne résiste pas longtemps à l’étude. Contrairement au constat simpliste qu’elle émet,  toutes les femmes mariées ne sont pas au foyer, celles qui vivent en union libre sont imposées séparément sans que l’on constate que leur situation sociale soit supérieure à celle des femmes mariées, les femmes n’ont pas systématiquement le revenu le plus faible du couple, le schéma oublie que, désormais, deux personnes de même sexe peuvent s’unir et former un foyer fiscal dans lequel, selon la conception précitée, l’un est pénalisé, parce que gagnant moins.

Remarquons que les dernières mesures contribuent à l’éclatement de la famille et du couple, pour une montée de l’individualisme, sans que la femme en sorte bénéficiaire. La dernière loi fourre-tout, qui prévoit, entre autres, l’obligation pour les administrations d’indiquer sur les courriers les noms de jeune fille des usagères en lieu et place de leur nom d’épouse, sauf mention contraire, illustre bien cette tendance.

Dans le même sens, la révision du congé parental actuellement votée au Parlement, qui oblige les hommes à prendre un congé parental si les parents souhaitent bénéficier de la durée complète du congé. C’est à chacun de décider, en fonction de sa situation, ce qui est possible et souhaitable. Jusqu’où le législateur va-t-il s’immiscer dans l’intimité des ménages ? Voter la répartition des tâches ménagères ? Il est d’ailleurs à noter qu’elles sont de mieux en mieux réparties au sein du couple, ce qui prouve bien que l’intervention de l’Etat n’est pas forcément nécessaire au changement des mentalités et des comportements.

Plutôt que d’inciter les femmes à briguer des carrières plus ambitieuses, et les rassurer sur leurs capacités, on les isole de leur famille, qui devrait être le terreau de leur réussite.

REVENUS

MESURE N°10 LE DURCISSEMENT DU STATUT DU TRAVAILLEUR NON SALARIE

Mais l’embrigadement ne se limite pas à la sphère privée. Le travailleur non salarié (gérant majoritaire, l’artisan, le commerçant) voit son statut de plus en plus évoluer vers celui des salaires. Hausse des cotisations sociales, élargissement des assiettes de cotisations, soumission des dividendes aux charges sociales, suppression de l’abattement général de 1525€ (qui bénéficiait, du reste, à tous les porteurs d’actions), remise en question éventuelle de l’abattement de 40%, sont autant de mesures qui privent le travailleur non salarié de la liberté de choix dont il disposait.

L’idée même de soumettre les dividendes à des charges identiques à celles qui s’appliquent aux salaires revient à nier l’essence même du dividende, et s’oppose à l’esprit d’entreprendre.

Considérer que le fruit du capital investi dans une PME, vivier des emplois futurs, doit subir une taxation identique aux revenus du travail, c’est dévaloriser la prise de risque. C’est méconnaître l’engagement quotidien des dirigeants de PME, des artisans, des commerçants, qui s’investissent sans compter dans leur entreprise.

C’est banaliser leurs efforts et les contraindre à rentrer dans le rang des salariés, le tout dans un esprit de doute et d’amertume.

Il n’est pas certain que la prise de conscience de notre Président lors des vœux change fondamentalement ce climat. Certes, l’entreprise revient au centre des préoccupations avec le Pacte de responsabilité, mais avec quelles arrière-pensées ? Timeo Danae et dona ferentes. Les allègements de charges sous conditions peuvent rapidement se transformer en cadeau empoisonné. Demain, il sera facile pour nos élus de rendre les PME responsables du chômage persistant.

Comme le réclament les Bretons, laissons aux entrepreneurs la liberté d’entreprendre. Il est de la « responsabilité » du gouvernement de réunir les conditions de la réussite de nos entreprises. L’ajout de règles ou de normes ne peut que produire un effet contraire à l’objectif initialement poursuivi.

Ces quelques mesures, représentatives d’un émiettement normatif accru, ne doivent pas nous faire perdre de vue l’essentiel : la France vient d’être placée sous la surveillance renforcée de l’Union européenne, pour n’avoir pas su faire les réformes structurelles que nos voisins ont engagées.

Retraite, protection sociale, assouplissement du droit du travail : voilà des chantiers sur lesquels on espérerait voir plancher nos élus, plutôt que de disserter sur la place de la femme dans le foyer fiscal.

 

[1][1] Voir notre article « Plus-values immobilières : la réforme en trompe l’œil », Gestion de Fortune Octobre 2013

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