La révolution silencieuse des prélèvements sociaux

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La révolution silencieuse des prélèvements sociaux

Article publié dans Gestion de Fortune mai 2012, page 76

LA REVOLUTION SILENCIEUSE DES PRELEVEMENTS SOCIAUX au 10/04/12

Une nouvelle hausse des prélèvements sociaux vient d’être adoptée par la Loi de Finances rectificative pour 2012 le 14 mars dernier.

Créée au début des années 90 par le gouvernement Rocard, pour financer la protection sociale, la Contribution Sociale Généralisée (CSG), première composante des prélèvements sociaux, affichait initialement le timide taux de 1,1%. Elle a été progressivement rejointe par d’autres types de cotisations pour former l’ensemble des « prélèvements sociaux », qui atteignent désormais le taux considérable de 15,5%.

Etonnamment, bien qu’il s’agisse de la quatrième hausse en l’espace de 4 ans, peu de voix s’élèvent pour s’offusquer de cette ponction sociale.

Comment expliquer un tel silence, à l’heure où la seule évocation d’une TVA sociale, se traduisant par une hausse finalement moindre, de 1,6 point, suffit à déchaîner les passions et semer la discorde jusque parmi les rangs de la majorité ?

Si « l’art de lever l’impôt consiste », selon le mot de Colbert, « à plumer les oies sans trop les faire crier », les gouvernements successifs, reprenant la métaphore animale, ont su à merveille noyer le poisson des prélèvements sociaux.

S’ils ont été instaurés dans le but, clairement affiché, de financer notre protection sociale, leurs taux de recouvrement, assiette, mode de perception sont des plus obscurs.

Tantôt prélevés à la source (pour les produits exonérés d’impôt ou soumis à forfait) et tantôt recouvrés par voie de rôle (pour les revenus du capital), complets (sur les revenus du capital) ou partiels (seule la CRDS est prélevée sur les plus-values de cession de métaux précieux ou les gains aux jeux), il paraît impossible à chacun de connaître le montant de prélèvements sociaux qu’il a acquittés.

Ultime coquetterie introduite par la Loi de finances rectificative pour 2012 : le législateur s’est offert le luxe suprême de prévoir une hausse étalée dans le temps, en fonction des gains et revenus sur lesquels les prélèvements s’appliquent. Le calendrier prévu est le suivant : le taux passe à 15,5% au 1er janvier 2012 pour les « revenus du patrimoine », c’est-à-dire les revenus fonciers, les bénéfices non soumis à cotisation sociale, les plus-values long terme et les plus-values de cession de valeurs mobilières.

Pour les « revenus de placement », c’est-à-dire les revenus de l’assurance-vie, des actions, des obligations, des placements à revenus fixes et les plus-values de cessions immobilières, la hausse ne sera applicable qu’à compter du 1er juillet.

D’aucuns objecteront  que c’est la noblesse de la cause financée par les prélèvements sociaux qui les préserve des critiques : le financement d’un système de protection sociale que le monde entier nous envie. A croire que  l’impôt sur le revenu ne sert qu’à la réfection des ors du palais de l’Elysée. Faut-il en déduire que l’éducation de nos enfants ou la sécurité de nos familles passe après l’indemnisation des arrêts maladie ?

Quoi qu’il en soit, la comparaison mérite d’être dressée : si les prélèvements sociaux, autrefois dérisoires, étaient mentionnés pour la forme, leur importance désormais comparable à celle de l’impôt, oblige à reconsidérer la question. Les fiscalistes et autres experts en placement devront désormais leur faire une place de choix au sein de leurs stratégies patrimoniales.

Il est vrai que les « niches sociales » se comptent sur les doigts de la main : livret A, livret de développement durable, livret jeune, et livret d’épargne populaire. Il n’y a guère de salut en-dehors de ces quelques bastions : le Plan d’épargne logement et son acolyte, le Compte épargne logement, sont soumis aux prélèvements sociaux, tout comme les sorties en rente ou en capitaux du Plan d’Epargne Populaire, ou encore du sacro-saint Plan d’Epargne Entreprise, qui pourtant a toujours eu les faveurs du législateur.

Le couple impôt sur le revenu/prélèvements sociaux s’inscrit dans une démarche de gains réciproques. Les prélèvements sociaux servent ainsi souvent de fer de lance à l’impôt.

C’est ainsi que le « seuil de cession » applicable en matière de plus-value de cessions de valeurs mobilières, avant de disparaître totalement du paysage fiscal, a d’abord été partiellement applicable. Au lieu de bloquer toute perception d’impôt ou de prélèvements sociaux dès lors qu’il n’était pas atteint au cours de l’année fiscale, il n’a, pendant un an, été applicable qu’à l’impôt. Il a donc fallu, en 2010, calculer les plus-values de cessions de valeurs mobilières bien que les cessions n’aient pas atteint le seuil de 25 830 euros, uniquement pour leur appliquer les prélèvements sociaux. Cette distorsion a toutefois été rapidement corrigée l’année d’après, avec la suppression totale du seuil de cession.

Dernière tentative de recul du front pionnier des jachères fiscales: la soumission aux prélèvements sociaux annuels du fonds sécurité de l’assurance vie multisupports, depuis le 1er juillet 2011. Décidé par la loi de finances pour 2011, cet assujettissement repose sur le principe que, dans la mesure où le fonds euros, garanti en capital, verse un revenu régulier et certain, il est logique que ses produits soient soumis aux prélèvements sociaux dès leur inscription au contrat.

Cette nouvelle modalité de perception des prélèvements sociaux, en lieu et place de la perception lors des rachats sur assurance vie telle qu’elle était pratiquée jusque-là, nie la nature profonde des contrats multisupports : elle raisonne par supports quand elle devrait raisonner par enveloppe. Si le support euro génère effectivement un produit, les supports en unités de compte, au sein du même contrat, peuvent afficher une moins-value suffisante pour rendre l’enveloppe déficitaire, lors du rachat. Dès lors, les prélèvements sociaux auront été prélevés, non sur un produit, mais sur la substance du contrat.

S’il est vrai que la loi de finances a prévu un mécanisme de restitution au fil de l’eau[1] pour pallier cet écueil, il nous semble manifeste que le cheval de Troie est désormais placé : qui dit revenu taxable aux prélèvements sociaux, dit revenu potentiellement taxable à l’impôt sur le revenu.

Les discordances entre imposition et prélèvements sociaux sont ainsi souvent annonciatrices d’un futur revirement, généralement en faveur d’un alourdissement de l’impôt.

Un bref regard sur les différents régimes d’exonération de plus-values de cessions d’entreprise suffira à nous en convaincre. Si les exonérations prévues pour les petites entreprises en fonction de leur chiffre d’affaires[2] ou de leur valeur vénale, inférieure à 300 000€[3] produisent leurs effets tant sur l’impôt sur le revenu que sur les prélèvements sociaux, les régimes d’exonération pour départ à la retraite[4] ou durée de détention[5] se cantonnent à prévoir une franchise d’impôt.

Quelle logique préside à ces divergences, si ce n’est l’empirisme du législateur, qui a réservé les plus beaux cadeaux aux chefs d’entreprise les plus modestes, ne pouvant se permettre d’affranchir de prélèvements sociaux les plus grosses cessions ?

La Loi de finances pour 2012 s’est justement employée à revenir sur ces largesses, en commençant par les régimes les moins généreux : l’abattement pour durée de détention ne prévoit plus une exonération pure et simple, mais un système de report muable, à terme, en une exonération qui réclame tant de conditions pour sa mise en œuvre qu’on se demande à quels cas d’espèce elle sera applicable.

Espérons seulement que les prélèvements sociaux ne deviendront pas les nouvelles autoroutes de la Sécurité sociale. Si l’on croise le recul du déficit de l’assurance maladie constaté sur l’an dernier et la croissance constante des recettes orchestrée par le relèvement des prélèvements et l’élargissement de leur assiette, on pourrait bientôt croire l’équilibre à portée de main.

Et avec lui, la fin des prélèvements sociaux ? N’était-ce pas le sens de la promesse rocardienne d’une contribution « temporai



[1] Voir le BOI 5 I-3-11 du 5 août 2011

[2] 151 septies du Code Général des Impôts

[3] 238 quindecies du Code Général des Impôts

[4] 151 septies A pour les entreprises à l’impôt sur le revenu ou 150-0-D ter pour les entreprises à l’impôt sur les sociétés

[5] 150-0 D bis du CGI

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