Un long périple en taxi, une porte close, les urgences. Tel est le triste parcours que connut une nonagénaire en janvier dernier, après avoir été expulsée de sa maison de retraite pour cause d’impayés.
Le scandale émut la France entière, les uns critiquant l’inhumanité de l’établissement paramédical, les autres fustigeant la cruauté des fils de la patiente, qui, par leur négligence volontaire, infligèrent à leur mère ce traumatisme.
Le seul mérite de l’anecdote est d’avoir mis en exergue un phénomène majeur de société, appelé à prendre de plus en plus d’ampleur dans les prochaines années, la dépendance.
Cette problématique est née de la conjonction de plusieurs facteurs.
D’une part, les progrès de la science ont permis d’allonger l’espérance de vie et de développer des soins adaptés à certaines affections souvent associées à la vieillesse.
D’autre part, les comportements sociologiques des Français se sont peu à peu modifiés : plus mobiles, ils ont quitté les campagnes pour habiter en ville des logements plus petits, ce qui a rendu la cohabitation intergénérationnelle plus difficile que par le passé.
Enfin, une large classe moyenne, avec l’essor des Trente Glorieuses, a vu son niveau de vie s’améliorer, lui donnant les moyens financiers d’externaliser une fonction qu’elle assumait autrefois au sein de la famille : la garde de personne âgée à domicile.
Mais l’hébergement de personnes âgées dans des structures spécialisées a un coût, à la fois humain et financier. Il entraîne – ou parachève- parfois un délitement du lien familial, comme dans l’exemple précité. La déresponsabilisation des enfants y atteint son stade ultime : non contents de s’être « débarrassés » de leur mère entre les mains du personnel soignant, ils poussent le vice jusqu’à ne plus payer pour qu’elle soit nourrie, logée et soignée dans des conditions acceptables.
Il a également un coût financier, puisque l’ardoise à l’origine de l’expulsion de la vieille dame s’élevait à une quarantaine de milliers d’euros pour une année de loyers, soit environ un peu plus de 3000 euros par mois.
Ce coût élevé a suscité une vive réaction de la part de la ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie, qui a réclamé derechef un contrôle, voire un plafonnement des prix des maisons de retraite. Comme souvent, cette intervention hâtive nous semble mal fondée.
En l’occurrence, le prix s’explique par le caractère haut de gamme de l’établissement en question, que les enfants avaient choisi en connaissance de cause. Une place dans un établissement standard en province coûte en moyenne 2000€ par mois.
Ce prix se compose de plusieurs éléments. Il correspond, pour une part, aux services mis à disposition des résidents (locaux, nourriture, chauffage, frais de personnel, etc) et, pour une part, au profit reversé aux investisseurs privés, qui rémunère leur prise de risque et leur mise de fonds initiale.
Dans l’esprit, la ministre espère que le plafonnement du tarif se répercutera uniquement sur la marge des investisseurs.
Mais ce raisonnement se heurte rapidement à la réalité des faits : d’une part, les prix pratiqués par les maisons de retraite publique sont à peine inférieurs au prix moyen constaté dans les établissements privés. Le gros du budget est en effet consacré à la masse salariale, étant donné l’important taux d’encadrement des patients.
Partant de ce constat, une limitation des prix aura nécessairement des répercussions sur les prestations : soit une diminution de l’encadrement des patients, avec les risques que cela comporte pour ceux-ci, et les répercussions sur l’emploi en temps de crise, soit une diminution des rémunérations du personnel, déjà très basses. Est-ce vraiment l’intention de notre ministre ? Nous préférons en douter.
Rappelons qu’en ces temps difficiles, le secteur de la dépendance se démarque par son dynamisme. Contrairement à bien d’autres, il génère chaque année de nombreux emplois. Il offre donc une alternative à tous les emplois que l’informatisation des systèmes fait progressivement disparaître (hôtesses de caisse, secrétaires, etc), alternative d’autant plus intéressante qu’il s’agit de services non délocalisables.
D’autre part, entamer la marge des investisseurs privés, voire mettre en péril l’équilibre des comptes, ne ferait que décourager des initiatives dont l’Etat a par ailleurs cruellement besoin, compte-tenu de la pénurie de chambres médicalisées.
Il s’agit donc d’un problème de fond, qui risque fort de s’aggraver dans les prochaines années.
En effet, on observe déjà un écart important entre le montant moyen des pensions de retraite (autour de 1220€[1]) et le prix moyen d’une maison de retraite (1860 €[2]).
Or on sait aussi que notre régime de retraite actuel n’est pas viable, ce qui se traduira dans les faits par des baisses du montant des pensions.
Il n’est qu’à constater les timides mesures déjà prises pour repousser la faillite des retraites complémentaires, en particulier la désindexation des pensions servies par rapport à l’inflation. Cette mesure consiste à ne plus réévaluer le montant des pensions de retraite en fonction de l’évolution du coût de la vie, ce qui se traduit par une baisse de pouvoir d’achat des retraités.
Plutôt que d’attendre après un régime en pleine déconfiture, il appartient à chacun de prendre les devants et consulter un professionnel qui l’aidera à trouver la solution la plus adaptée à sa situation. Assurance dépendance, épargne salariale, épargne retraite, assurance vie, immobilier : les outils pour organiser le financement de sa dépendance ne manquent pas. Devant la surabondance de l’offre « dépendance », le conseiller en gestion de patrimoine indépendant sera sans doute l’interlocuteur le plus qualifié pour le niveau de revenus potentiels de son client et l’aider à rédiger sa feuille de route pour parvenir à une indépendance financière totale, quels que soient les évènements à surmonter.
Un exemple pour mieux comprendre : Madame Sorel, divorcée, a 62 ans. Elle perçoit une retraite de 1800 euros par mois, et ne souhaite pas peser sur le budget de ses deux enfants, au cas où elle deviendrait dépendante (elle a assisté quotidiennement son père, atteint d’Alzheimer, pendant ses dernières années, et voudrait épargner à ses enfants ce tourment).
Elle possède une résidence secondaire en Normandie, d’une valeur de 200 000 euros.
Les compagnies d’assurance, organismes de prévoyance, et mutuelles lui proposent plusieurs formules : cotiser mensuellement «à fonds perdus » dans une assurance dépendance (exemple : Serenassur Rente d’April), cotiser à une assurance dépendance qui, si elle décède sans avoir été dépendante, versera quand même un capital à ses héritiers (ex : Aviséo, de la Maaf), ou encore percevoir une rente viagère dès aujourd’hui, qui sera doublée en cas de dépendance (ex : Terre d’Avenir, d’AG2R La Mondiale, avec option dépendance).
Avec la première option, l’assurance dépendance « à fonds perdus ». Madame Sorel verse 100 euros par mois. Lorsqu’elle souffrira de dépendance, la compagnie d’assurance débloquera un capital de 9900 euros par mois, et lui versera entre 990 et 1500 euros par mois, en fonction de son degré d’autonomie. En revanche, si elle ne devient jamais dépendante, elle aura cotisé pour rien.
Avec la deuxième option, l’assurance dépendance mixte : Elle verse une prime identique de 100 euros par mois. En cas de dépendance, c’est-à-dire au cas où elle ne pourrait plus accomplir seule un acte de la vie quotidienne, comme manger ou s’habiller, elle percevra un capital de 2700€ pour faire face aux premières dépenses, ainsi qu’une rente viagère de 225 euros par mois. En cas de décès, ses bénéficiaires percevront un capital de 13 500 euros.
La troisième option, dite « rente universelle » fonctionne différemment : Madame Sorel n’a rien à verser mensuellement. En revanche, elle doit vendre sa résidence secondaire et allouer ce capital à l’organisme mutualiste, en échange de quoi ce dernier lui garantit une rente mensuelle qu’elle perçoit dès aujourd’hui de 636 euros par mois, qui sera doublée en cas de dépendance.
Quelle est la bonne solution ? Tout dépend de ses priorités : bien qu’elle souhaite faire le nécessaire pour anticiper le risque de dépendance, elle n’est peut-être pas prête à appauvrir ses enfants en donnant à l’assureur un capital important. La meilleure solution est, comme toujours, à construire sur mesure, en prenant en compte à la fois les objectifs du client et ses éléments personnels (âge, niveau d’imposition, patrimoine, famille, etc.)
Car combien de personnes âgées, pourtant dotées d’un patrimoine consistant, se retrouvent en peine d’assumer leur train de vie, faute de savoir le valoriser correctement ?
Avoir les capacités financières pour faire face à ce risque de dépendance est le meilleur moyen de se soustraire au bon vouloir de ses enfants comme aux aléas de la générosité publique.
Et, pour répondre à l’objection classique selon laquelle lorsqu’on est actif, on ne dispose pas de moyens suffisants pour épargner pour ses vieux jours, affirmons qu’il vaut mieux mobiliser peu de moyens sur une très longue période que de gigantesques moyens sur un horizon court.
Après tout, si l’on affectait à sa retraite le budget que l’on alloue tous les mois à une célèbre coopérative fruitière américaine ou à son homologue coréenne, on serait largement en mesure de manger autre chose que des pommes pendant toute sa retraite…