Quel est donc ce sujet qui fait dire tant de contre-vérités à certains de nos brillants éditorialistes et hommes politiques ?
Un bijoutier poursuit dans la rue son voleur, l'abat, est arrêté, mis en garde à vue, puis assigné à résidence avec surveillance électronique.
Une certaine France politique et médiatique, oubliant alors opportunément ses études de droit, demande alors à l'autre France, celle des vrais gens, celle de ceux qui n'ont pas eu la possibilité ou l'envie de suivre des études de droit, de se prononcer sur l'affaire.
Si j'avais mauvais esprit, je ne manquerais pas de faire remarquer la proximité de certaines échéances électorales ... mais je n'ai pas mauvais esprit...
En fait, quel est l'acte initial dans cette affaire ? De quoi s'agit-il au départ ?
D'un vol, c'est à dire d'une atteinte aux biens ...
La jurisprudence est constante sur ce point "La légitime défense n'est admise en matière d'atteinte aux biens que lorsque l'acte commis a pour objet d'interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit" (Toulouse, 24 janv. 2002)
En l'espèce, le commerçant n'a pas commis l'acte sanctionné pour interrompre l'infraction initiale, puisqu'il a tiré en étant dans la rue, c'est à dire bien après, puisque la victime roulait déjà dans la rue, donc ne se trouvait plus dans le magasin, lieu de la commission du vol, mais sur un deux-roues pour s'échapper.
Donc, déjà sur cet aspect, la légitime défense ne peut être invoquée, mais comme la France est un Etat de droit, dans lequel nos actions de citoyens sont encadrés par la Loi, nous considèrerons tout d'abord les autres conditions de la légitime défense ( I) avant d'aborder le sujet de la mise en liberté sous contrôle judiciaire ( II ).
I - Les autres conditions de la légitime défense
L'article 122-5 du code pénal dispose de trois conditions à l'état de légitime défense: la nécessité, l'immédiateté et la proportionnalité.
1 - Nécessité : Non ... Evidemment, bien que l'exaspération et la ras le bol du commerçant soit parfaitement compréhensible, était-ce bien nécessaire de tuer quelqu'un pour cela, ou en tout cas, de tirer sur lui avec une arme à feu susceptible de donner la mort ?
2 - Immédiateté : Non ... Voir ci-dessus, l'acte a été commis dans la rue, donc un certain temps après.
3 - Proportionnalité : Non ... Tu me mets une gifle, je te réponds par un coup de poing, ça peut se discuter ... Malheureusement, nous sommes loin du cas de l'espèce.
Donc, on peut considérer que c'est à bon droit que le magistrat a réfuté l'exception de légitime défense.
II - La mise en liberté sous contrôle judiciaire
Nous considèrerons tout d'abord les conditions de la détention provisoire ( A ) avant d'aborder l'assignation à résidence sous surveillance électronique ( B )
A - Les conditions de la détention provisoire
L'article 144 du code de procédure pénale dispose de façon stricte des situations dans lesquelles une personne peut être placée en détention provisoire.
Si, en l'espèce, la plupart des cas définis ne souffrent aucune contestation ( conservation des preuves ou indices, pressions, concertation frauduleuse, maintien de la personne à la disposition de la justice), deux d'entre eux peuvent permettre de s'interroger.
Tout d'abord, le quatrième cas, " Protéger la personne mise en examen", la juridiction choisit d'y répondre en mettant de la distance entre le lieu de commission de l'infraction et celui de la résidence surveillée.
Ensuite, le sixième cas, le trouble à l'ordre public, pouvant "résulter du seul retentissement médiatique de l'affaire", sur lequel nous reviendrons plus tard.
B - L'assignation à résidence sous surveillance électronique
D'une part, l'aliné 1er de l'article 137 du code de procédure pénale dispose que " Toute personne mise en examen, présumée innocente, demeure libre".
D'autre part, le second alinéa du même article précise que la personne peut " être assignée à résidence avec surveillance électronique "
Donc, on peut considérer que c'est à bon droit que le magistrat a ordonné l'assignation à résidence sous surveillance électronique.
Cependant, concernant le septième alinéa de l'article 144 du code de procédure pénale, en l'espèce, le trouble à l'ordre public, pouvant "résulter du seul retentissement médiatique de l'affaire", on peut s'interroger sur sa dernière phrase, à savoir, "Toutefois, le présent alinéa n'est pas applicable en matière correctionnelle".
Donc, a contrario, s'il y a un trouble à l'ordre public résultant "du seul retentissement médiatique de l'affaire", et que le mis en cause se trouve quand même assigné à résidence sous surveillance électronique, n'est-on pas en train d'exclure les effets de la troisième phrase de ce septième alinéa ?
Le Juge des libertés et de la détention n'est-il pas en train de nous dire discrètement que l'affaire sera "correctionnalisée", c'est à dire que l'acte ne sera alors considéré que comme un délit, et que le bijoutier évitera alors la Cour d'assises ?
C'est à dire qu'il n'aura pas en face de lui un jury populaire, mais trois magistrats professionnels ...