Si l'article 1119 de l'ancien code civil semblait interdire la promesse concernant l’engagement d’un tiers » On ne peut, en général, s'engager, ni stipuler en son propre nom, que pour soi-même ».
L’ancien article 1120 semblait poser une exception à ce principe : » Néanmoins, on peut se porter fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci ; sauf l'indemnité contre celui qui s'est porté fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l'engagement. ».
On peut à la lecture de cet article s’interroger sur la sanction prononcée et sur l’interprétation à donnée à cet article, doit-on considérer la liste des sanctions de manière limitative, ou doit on la considérer comme étant énonciative, c’est-à-dire, d’autre sanction peuvent-elles trouver à s’appliquer en cas d’inexécution par l’une des parties ?
Au regard du droit communs des contrats, ils existent plusieurs sanctions à l’inexécution d’un contrat qui figurent désormais à l’article 1121 du code civil :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ; poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ; solliciter une réduction du prix ; provoquer la résolution du contrat ; demander réparation des conséquences de l’inexécution.
La promesse de porte-fort étant un contrat, on pourrait alors penser, que l’inexécution de la promesse entraîne une sanction identique à celle du droit commun des contrats.
Cependant, la jurisprudence dans cet arrêt du 7 mars 2018, fait de manière vraisemblablement juste, une interprétation a contrario de cet ancien article 1120 (article 1124 du nouveau code civil), ainsi elle estime que la seule sanction pour le cas de l’inexécution de la promesse de porte-fort est l’octroi de dommage et intérêt.
1) Le cas d’une promesse de porte-fort figurant dans un accord transactionnel.
Si l’arrêt de la 1re chambre civile du 7 mars 2018 (publié au bulletin), vient confirmer cette sanction, il confirme également son application, à plus forte raison, en cas d’accord transactionnel.
L’accord transactionnel étant un contrat figurant dans le code civil aux articles 2044 à 2052 du code civil, il se rencontre le plus souvent en droit du travail, et consiste en une convention entre un salarié et son employeur.
Cette convention est la plupart du temps signée après un licenciement pour éviter les prud’hommes.
Parmi les conditions de validité de la transaction, figure l'exigence pour les parties de s'engager à des concessions réciproques qui, sans devoir être équivalente, ne doivent toutefois pas être dérisoires.
À noter que la jurisprudence de la Cour de cassation ; estime que la promesse de porte-fort peut constituer des concessions réciproques.
Dans l’arrêt du 7 mars 2018, l’accord transactionnel intervient après un jugement condamnant la société à payer 170 000 euro au salarié.
Cependant, suite à un accord entre ce salarié et son ancien employeur la somme est baissée à 70 000 euro, avec une promesse de porte-fort consentie par le dirigeant, de l’octroi de missions à l’employé par les sociétés du groupe, l’ancien salarié opérant alors en profession libérale.
Il s'agit ici d'un porte-fort de ratification dans lequel le promettant s'engage à ce qu'un tiers conclue un contrat (ou plusieurs) avec le bénéficiaire de la promesse, et ce, par opposition avec le porte-fort d'exécution dans lequel le promettant s'engage à ce que le tiers exécute un contrat avec le bénéficiaire.
Suite au non-respect de cette sanction, une procédure menant à l’arrêt du 7 mars 2018 est engagée.
Dans cet arrêt la cour de cassation estime au visa des articles 1184 et 1120 de l’ancien code civil que la non-exécution d’une promesse de porte-fort ne peut donner lieu qu’a des dommages et intérêts, elle estime ainsi que l’intégration de la promesse dans un cadre contractuel plus large ne permet pas de demander la résolution du contrat.
La complication résulte davantage du point de savoir si le régime de la promesse de porte-fort, qui ici est prise en qualité de concession réciproque, se fond dans celui de la transaction.
2) Raisonnement juridique.
a)La sanction de l’inexécution.
La promesse de porte-fort est parfois présentée comme une exception au principe d'effet relatif des conventions. Mais, en réalité, il ne s'agit pas d'une exception au principe d'effet relatif, car la promesse de porte-fort n'engage en aucune façon le tiers à contracter. L'obligation née de la promesse est autonome, elle n'engage que le porte-fort.
Si l'autonomie de la promesse de porte-fort est donc sa caractéristique essentielle, les conséquences de l'inexécution du promettant avaient été envisagées par le Code civil puisque l'ancien article 1120 disposait que l'on peut se porter fort "sauf l'indemnité contre celui qui s'est porté fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l'engagement".
Le porte-fort est donc exclusivement une garantie indemnitaire qui ne donne lieu qu’a des dommages et intérêt.
La promesse de porte-fort est donc dangereuse, car en cas d'absence de réalisation par le tiers du fait promis, l'économie générale de la transaction s'en trouvera bouleversée, sans que les sanctions prévues par le législateur en cas d'inexécution contractuelle ne soient pas mise en œuvre.
La promesse de porte-fort est ainsi bornée à jouer son rôle de garantie indemnitaire en cas d'absence de réalisation du fait promis.
À l'évidence, le préjudice subi par le bénéficiaire de la promesse du fait de son inexécution ne correspond pas à l’indemnisation de la somme obtenu au prud’homme, ni à l’indemnisation des contrats non conclu. En réalité, le préjudice est constitué par la perte de chance de conclure de nouveaux contrats avec le tiers, avec un éventuel préjudice moral lié à la situation d'attente de conclusion des contrats promis.
Ainsi, le jugement de 1re instance du 13 juin 2013 avait condamné la société à verser en réparation du préjudice subi du fait de cette inexécution la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, et condamné cette société à lui verser 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
On voit donc bien le désavantage de cette solution pour le bénéficiaire de la promesse (80 000 euro de perte pour le salarié), cependant lorsque la promesse consiste dans le paiement d'une somme d'argent, dans ce cas, le préjudice souffert par le bénéficiaire de la promesse est égal à la somme promise, majorée des intérêts.
b) Une jurisprudence cohérente de la Cour de cassation.
Cette jurisprudence du 7 mars 2018 fait suite à l’arrêt du 1er avril 2014, la chambre commerciale avait en effet été amenée à statuer sur l'hypothèse d'une cession de clientèle par une société d'audit, dans laquelle la société venderesse s'était engagée à ne pas solliciter la clientèle cédée et s'était également portée fort de ce que ses propres associés s'en abstiendraient.
La promesse n’ayant pas été respectée, l’acquéreur avait demandé la résolution de la cession pour inexécution du porte-fort.
La Cour de cassation avait alors censuré la décision des juges du fond ayant refusé la résolution, en indiquant que le porte-fort était tenu « des conséquences de l'inexécution de l'engagement promis ».
L’arrêt du 7 mars 2018 vient donc compléter cet arrêt de 2014 en précisant que les conséquences de l’inexécution de la promesse de porte-fort ne peuvent être que le versement de dommage et intérêt.
Cette interprétation de l’ancien article 1120 est d’autant plus juste, que l’article 1204 nous dit désormais : « Le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans le cas contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts ».
Il reste que la promesse de porte-fort est souvent une clause d'un contrat plus vaste et que l'on peut tout de même se demander si une difficulté d'exécution le concernant n'est jamais susceptible de rejaillir sur le contrat plus vaste.
Si la solution peut paraître sévère pour le salarié, elle est cependant juste au regard de la nature de la promesse de porte-fort, que se soit au regard de son caractère indemnitaire, mais également au regard du caractère autonome de la promesse de porte-fort.
Cependant, pour éviter ce caractère injuste de la décision, notamment dans le cas d’un accord transactionnel certaine solution peuvent être proposées.
3) Propositions.
a) Première nuance à apporter : la caractérisation de la fraude.
En effet, dans l’hypothèse ou une promesse de porte-fort, serai passée volontairement par le promettant et le tiers, pour diminuer l’indemnité, dans ce cas la fraude pourrait être caractérisée, ainsi Fraus omnia corrumpit « la fraude corrompt tout. »
La fraude semble être envisageable, notamment quand le promettant de la promesse de porte-fort est le dirigeant unique qui s’engage pour sa société.
La fraude se prouvant par tout moyen, elle peut permettre d’arriver à ce résultat, cependant comme on a pu le voir en matière de sauvegarde judiciaire ; la fraude n’est pas simple à caractériser.
b) Une solution contractuelle.
Les parties peuvent ainsi convenir contractuellement d’une clause pénale en cas de non-respect de la promesse de porte-fort.
c) Une intervention du législateur face à cette situation.
On le voit de plus en plus de devoir d’information doivent être respectés dans les contrats (Ex : contrat de caution), pour éviter les difficultés posées par cet arrêt, l’obligation d’information sur les conséquences de la promesse de porte-fort aux contractants peut être une solution.