Rétractation des acquéreurs, changement d’avis des vendeurs, condition suspensive d’obtention de prêt non remplie, non levée de l’option par les signataires d’une promesse unilatérale… le parcours de l’intermédiaire en transactions immobilières est semé d’embuches avant qu’il ne perçoive ses honoraires. Alors en cas d’échec de la vente, l’intermédiaire immobilier, qui a néanmoins réalisé des diligences et travaillé, peut-il réclamer sa rémunération ?
Dans un marché immobilier tendu et peu liquide comme c’est le cas actuellement dans les grandes villes de France et leur couronne, il n’est pas rare qu’une transaction immobilière connaisse des difficultés qui conduiront parfois à ce que la signature de l’acte définitif de vente ne se fasse pas.
Parfois les candidats acquéreurs changeront d’avis, parfois c’est le vendeur qui décidera de ne plus vendre…. Les scenarii sont légion et l’intermédiaire peut, à plusieurs titres, voir sa rémunération lui échapper.
Or, la Loi Hoguet n°70-9 du 2 janvier 1970, qui réglemente l’activité des intermédiaires en matière immobilière, est très claire sur ce point :
« Aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif d'honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties » (art 6 I).
Aucune rémunération ne peut donc être perçue par l’intermédiaire avant la signature définitive de l’acte de vente et le décaissement des fonds. En pratique, l’intermédiaire est payé par l’Etude notariale le jour de la signature après qu’il ait fait parvenir au Notaire sa facture au tarif prévu au mandat.
Mais cette interdiction est parfois source de confusions et laisse certains penser que lorsque la vente avorte, l’intermédiaire aura travaillé pour rien.
Ainsi si la transaction venait à échouer et que l’acte définitif de vente n’était pas signé, se pourrait il que l’intermédiaire perçoive néanmoins sa rémunération juste contre-partie des diligences qu’il a accomplies en vertu du mandat qui lui était confié ?
La réponse est oui et non.
En application des dispositions précitées, l’intermédiaire ne sera pas autorisé à percevoir sa rémunération telle que prévue au mandat.
La clause pénale contenue au mandat permettra à l’intermédiaire d’obtenir une indemnisation s’il était fait échec à son droit à rémunération mais à la condition que la transaction soit néanmoins signée (l’exemple typique est le cas des parties passant en direct malgré la clause d’exclusivité prévue au mandat).
La clause pénale n’a pas vocation à s’appliquer si finalement il n’y a pas de transaction (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2018, 17-14.885 ; Cour de cassation, 1re chambre civile, 25 Novembre 2020 n°19-18.144).
Toutefois même en l’absence de transaction, l’agent immobilier pourra être fondé à réclamer l’indemnisation du préjudice qu’il subit, à savoir la perte de sa rémunération, à la personne responsable.
Il faudra bien sûr pouvoir caractériser un comportement fautif et un lien de causalité avec la perte de sa rémunération.
C’est le sens de la décision qui avait été rendue en octobre 2018 et qui avait été abusivement interprêtée par certains comme un revirement de jurisprudence autorisant l’intermédiaire à être payé dès le stade de l’avant-contrat.
Dans cet arrêt rendu le 10 octobre 2018 par la Cour de Cassation, des acquéreurs ont été sanctionnés et condamnés à verser à l’agent immobilier le montant de sa commission bien que la signature de l’acte authentique n’ait pas eu lieu (Civ 1ère, 10 octobre 2018, Pourvoi n°16-21044).
Les acquéreurs s’étaient rétractés à quelques jours de signer l’acte authentique de vente. Le vendeur, à qui incombait le paiement des frais d’agence, les a fait assigner. Vendeur et agent immobilier ont tous deux demandé que le montant de la commission soit mis à la charge des acquéreurs fautifs.
Cet arrêt, inédit et non publié au bulletin de la Cour de Cassation, avait été rendu dans des conditions spécifiques, la vente ayant été stipulée sans condition suspensive d’obtention de prêt.
Parfois les juges analyseront le préjudice comme la perte d’une chance de ne pas avoir pu intermédié et n’alloueront qu’une fraction du montant de la commission (Cour d’appel de Douai, chambre civile 1, 24 octobre 2019, n°18/02519).
L’intermédiaire lésé n’est toutefois pas exsangue de recours en pareille situation.
Mais le meilleur moyen pour l’intermédiaire immobilier de sécuriser sa rémunération sera d’agir en amont :
En veillant à la rédaction de son mandat en soignant particulièrement la clause d’exclusivité et la clause pénale,
En documentant au maximum son dossier pour s’assurer le cas échéant la preuve que l’échec de la transaction est imputable à des agissements fautifs.
Par Morgane HANVIC
Avocat associé
Cabinet LEXANCE AVOCATS AARPI
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