Jurisprudence Maître Jean Pierre MBOTO Y'EKOKO NGOY

Publié le 14/09/2017 Vu 2 975 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

CAA Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 01 juin 2017, n° 17LY00288

CAA Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 01 juin 2017, n° 17LY00288

Jurisprudence Maître Jean Pierre MBOTO Y'EKOKO NGOY

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France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 01 juin 2017, 17LY00288

Type d'affaire : Administrative

Type de recours : Excès de pouvoir

Numérotation :

Numéro d'arrêt : 17LY00288
Numéro NOR : CETATEXT000034853259
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-06-01;17ly00288


Analyse :

335 Étrangers.


Texte :

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 mars 2016 par lequel le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a désigné un pays de destination.

Par un jugement n° 1604508 du 13 décembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 30 mars 2016 et enjoint au préfet de la Loire de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. E... et de se prononcer à nouveau sur sa situation.

Procédure devant la cour

I - Par une requête enregistrée le 24 janvier 2017 sous le n° 17LY00288, le préfet de la Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 décembre 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande de M. E... devant le tribunal administratif.

Il soutient que

- le jugement attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, la mention " annulation totale ou partielle " portée dans l'application Sagace pour la communication du sens des conclusions du rapporteur public étant incomplète et ambigüe ;

- le moyen tiré de l'existence d'une erreur de fait, retenu dans le jugement attaqué pour annuler l'ensemble des décisions en litige, n'est pas d'ordre public et n'était pas soulevé devant les premiers juges ;

- l'intéressé n'ayant jamais informé l'administration de sa situation familiale, le tribunal ne pouvait retenir le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux était entaché d'une erreur de fait ;

- l'intéressé n'étant pas marié, il pouvait sans erreur de fait être qualifié de célibataire, alors même qu'il vivrait en concubinage ;

- si l'intéressé a un enfant, né la veille de l'arrêté du 30 mars 2016, cette naissance est sans incidence sur la légalité du rejet d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les moyens de la demande de M. E...dirigés contre l'arrêté du 30 mars 2016 sont infondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 mars 2017 et 28 avril 2017, M. E..., représenté par Me A... D..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet d'exécuter le jugement attaqué et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 500 euros au profit de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente pour ce faire et est insuffisamment motivée comme l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; elle méconnaît les dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente pour ce faire et est insuffisamment motivée ; elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du 5° de l'article L. 513-2 du même code, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions fixant un délai de départ volontaire de trente jours et un pays de destination ont été prises par une autorité incompétente pour ce faire, sont insuffisamment motivées et méconnaissent les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article L. 513-2 du même code, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les conditions du sursis à exécution ne sont pas réunies, l'exécution du jugement ne comportant pas de risques de nature à entraîner des conséquences difficilement réparables et la requête ne présentant pas de moyen sérieux ;

- il y a lieu d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2017.

II - Par une requête, enregistrée le 3 février 2017 sous le numéro 17LY00461, le préfet de la Loire demande à la cour de prononcer, en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution de ce jugement du 13 décembre 2016 du tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que sa requête tendant à l'annulation du jugement attaqué contient des moyens sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 mars 2017 et 28 avril 2017, M. E..., représenté par Me A... D..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire d'exécuter le jugement attaqué et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 500 euros au profit de Me A... Y'Ekoko Ngoy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le sursis à exécution d'un jugement ne peut être ordonné que si la requête comporte un moyen sérieux et si l'exécution du jugement présente des risques de nature à entraîner des conséquences difficilement réparables, conditions cumulatives qui ne sont pas réunies en l'espèce.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2017.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pourny, président-assesseur,

- les observations de M. B..., représentant le préfet de la Loire ;

1. Considérant que M.E..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 19 octobre 1993, entré irrégulièrement en France en 2012, a fait l'objet de décisions de rejet de ses demandes d'asile par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile les 13 mars 2013 et 16 juillet 2015 ; que le préfet de la Loire a pris à son encontre des décisions portant refus de titre de séjour, avec obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation d'un pays de destination, par des arrêtés des 21 mai 2013, 29 mai 2015 et 30 mars 2016 ; que le préfet de la Loire demande, par la requête enregistrée sous le n° 17LY00288, l'annulation du jugement du 13 décembre 2016, par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande de M. E..., l'arrêté du 30 mars 2016 le concernant et, par la requête enregistrée sous le n° 17LY00461, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ; qu'il y a lieu de joindre ces requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ;

3. Considérant qu'en application de ces dispositions, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire ; que, par suite, un rapporteur public ne peut se borner à informer les parties qu'il propose une annulation totale ou partielle d'une ou plusieurs décisions sans préciser l'étendue de l'annulation qu'il propose ; qu'en outre, les conclusions à fin d'injonction ne présentant pas un caractère accessoire au regard de l'exigence de communication préalable du sens des conclusions du rapporteur public, il lui appartient d'indiquer s'il propose à la formation de jugement le prononcé d'une injonction ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'impression des mentions portées dans l'application Sagace que le rapporteur public a seulement communiqué le sens synthétique de ses conclusions " Annulation totale ou partielle ", sans préciser dans la rubrique " sens des conclusions " si l'annulation qu'il proposait était une annulation totale ou seulement partielle et si cette annulation devait être assortie d'une injonction ; que, dès lors, le préfet de la Loire est fondé à soutenir que le jugement attaqué, rendu selon une procédure irrégulière, doit être annulé ;

Sur la légalité de l'arrêté du 30 mars 2016 :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que si le préfet de la Loire soutient que M. E... lui avait seulement présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte des mentions même de l'arrêté litigieux que le préfet a également refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. E... sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et sur celui de l'article L. 313-14 du même code ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas inopérant à l'encontre de l'arrêté litigieux ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. E... s'est maintenu en France en dépit de plusieurs décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et qu'il y a fondé sa famille, l'intéressé étant père d'une fillette née le 29 mars 2016, veille de l'arrêté litigieux, qu'il avait reconnue avant cet arrêté et avec laquelle il vit depuis que sa compagne dispose d'un logement ; que, dès lors, eu égard à l'âge de M. E... lors de son entrée en France, au fait qu'il n'est pas établi qu'il a conservé des attaches familiales dans son pays d'origine, à la durée de son séjour en France et à la situation particulière de sa compagne, de même nationalité que lui et titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugiée, le refus de titre de séjour qui lui est opposé porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à demander l'annulation de la décision du 30 mars 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, celle de l'ensemble de l'arrêté du 30 mars 2016 en litige ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " à M. E... ; qu'aux termes de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. E... réside désormais chez sa compagne à Villeurbanne ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône, ou à défaut à l'autorité administrative territorialement compétente au regard de la résidence actuelle du couple, de délivrer à M. E... une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

10. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 décembre 2016, la requête n° 17LY00461 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que l'avocat du requérant présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 décembre 2016 est annulé.

Article 2 : L'arrêté pris par le préfet de la Loire le 30 mars 2016 à l'encontre de M. E... est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône, ou à défaut à l'autorité territorialement compétente compte tenu de la résidence de l'intéressé à la date du présent arrêt, de délivrer à M. E... une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17LY00461 du préfet de la Loire.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... E.... Copie en sera adressée au préfet de la Loire, au préfet du Rhône et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance de Saint-Etienne et de Lyon.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er juin 2017.

N°s 17LY00288 - 17LY00461

Composition du Tribunal :

Président : M. CLOT

Rapporteur : M. François POURNY

Rapporteur public : Mme BOURION

Avocat(s) : MBOTO Y'EKOKO NGOY

Origine de la décision

Pays : France

Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon

Formation : 5ème chambre - formation à 3

Date de la décision : 01/06/2017

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A propos de l'auteur
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Jean Pierre MBOTO est titulaire d'un diplôme de doctorat en sciences juridiques

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