Onze indivisaires sont propriétaires d'une maison d'habitation qu'ils louent. Dix assignent les locataires en résiliation de bail et en expulsion pour défaut de paiement des loyers ; ils demandent que la décision soit déclarée opposable à la coïndivisaire qui ne s'est pas jointe à eux. Leur action est déclarée recevable aux motifs qu'ils ont obtenu, par ordonnance sur requête, l'autorisation d'agir du président du tribunal de grande instance sur le fondement de l'article 815-5 du Code civil dont l'énoncé n'est pas limitatif, que cette ordonnance gracieuse permet l'assignation et que leur coïndivisaire, régulièrement appelée dans la cause au fond ne peut invoquer le caractère non contradictoire de la procédure.
L'arrêt est cassé pour un double motif : l'autorisation d'agir ne peut résulter d'une ordonnance sur requête et sans rechercher si le refus de l'indivisaire de s'associer à l'action entreprise par ses coïndivisaires met en péril l'intérêt commun de l'indivision.
Les actes d'administration tels qu'une action en résiliation de bail et en expulsion requièrent la majorité des deux tiers des droits indivis (C. civ. art. 815-3 issu de la loi 2006-728 du 23-6-2006). En l'espèce, l'indivisaire récalcitrante était propriétaire de la moitié des droits. Ses coïndivisaires n'avaient donc d'autre possibilité que de se faire autoriser par la justice à agir (C. civ. art. 815-5, al. 1).
Encore fallait-il qu'ils la saisissent dans les formes requises… qui ne sont nullement indiquées par le Code civil. C'est donc à la Cour de cassation qu'il est revenu de les préciser. Dans la présente décision, elle proscrit clairement les ordonnances sur requête qui sont rendues sans débat contradictoire. Il ne suffit pas, contrairement à l'opinion de la cour d'appel, que les indivisaires qui s'opposent à l'action soient appelés à l'instance de fond. Ils doivent être parties à celle engagée sur le fondement de l'article 815-5. Concrètement, les demandeurs auraient dû emprunter la voie du référé. C'est ce qui ressort d'une décision récente de la Haute juridiction qui, statuant sur la portée d'une ordonnance rendue en vertu de ce texte, a indiqué qu'en l'absence de désignation de la juridiction compétente, il fallait faire application du droit commun et qu'en conséquence, le président du TGI statuait en référé (Cass. 1e civ. 15-2-2012 n° 10-21.457 F-PBI : RJDA 8-9/12 n° 812).
La Cour de cassation rappelle, par ailleurs, que le président du tribunal ne peut autoriser certains indivisaires à agir contre l'avis de certains autres que s'il constate que l'opposition de ces derniers met en péril l'intérêt commun de l'indivision. Refuser d'agir contre un débiteur de l'indivision paraît répondre à cette condition, ce que le président du tribunal aurait dû caractériser.
Source: 2013 Editions Francis Lefebvre