Le propriétaire d'une maison d'habitation en partie louée délivre à son locataire un congé avec offre de vente portant sur la totalité de l'immeuble pour un prix de 686 000 €. Le locataire ne donne pas suite à cette offre et quitte les lieux. Par la suite, le propriétaire vend à une SCI le bien précédemment loué au prix de 266 000 € sans faire de nouvelle proposition au locataire. Celui-ci l'assigne en nullité de la vente réalisée en méconnaissance de son droit de préemption.
La cour d'appel rejette la demande du locataire estimant qu'il ne justifiait pas d'un intérêt à agir en nullité de la vente. Selon la cour, le seul intérêt à agir du locataire est de se substituer à l'acheteur et d'acheter le bien au prix proposé à la SCI. Il ne pouvait donc se contenter de reprocher au propriétaire de ne pas lui avoir proposé d'acheter le bien à des conditions préférentielles sans s'engager à acheter ce bien et à prouver sa capacité financière à le faire.
L'arrêt est censuré par la Cour de cassation. L'application du droit de préemption du locataire ne dépend pas de sa capacité financière à l'exercer et la seule méconnaissance de ce droit, que le locataire tient de la loi, suffit à rendre son action recevable.
Le bailleur qui désire vendre son bien libre de toute occupation ne peut le faire qu'en fin de bail, après avoir délivré au locataire un congé pour vendre. Ce congé ouvre un droit de préemption au profit du locataire. Si le locataire ne donne pas suite à cette proposition d'achat et que le propriétaire vend le bien à un prix inférieur à celui fixé initialement, le locataire bénéfice d'un second droit de préemption (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 15, II). Dans l'espèce commentée, le propriétaire n'avait pas notifié au locataire que le prix avait été revu à la baisse. La Cour de cassation décide que la seule méconnaissance du droit de préemption permet au locataire d'agir en nullité de la vente même s'il n'est pas en mesure d'acheter le bien.
Source: Editions Francis Lefebvre