Le notaire n'engage pas sa responsabilité s'il a aidé gracieusement à la rédaction d'un acte sous seing privé de cession de bail et n'a pas participé à la signature de l'acte.
Le locataire de locaux commerciaux appartenant à une SCI avait, par acte authentique, cédé son droit au bail à une société qui avait sollicité le renouvellement du bail en sa faveur. Le notaire qui était intervenu à l'acte de cession avait rédigé gracieusement un bail commercial qui avait été signé plusieurs mois après par le bailleur et le nouveau locataire, hors la présence du notaire. La SCI avait par la suite fait l'objet d'un redressement fiscal car la fin du bail l'avait rendue propriétaire des constructions édifiées par les précédents locataires. Reprochant au notaire d'avoir établi un nouveau bail, et non un avenant au précédent, elle l'avait poursuivi en réparation de son préjudice fiscal.
La cour d'appel avait retenu la responsabilité du notaire au motif que tout notaire chargé de veiller à la sécurité juridique et à l'efficacité des actes auxquels il accepte de prêter son concours, fût-ce à titre gracieux, est tenu d'un devoir de conseil et d'information à l'égard de l'ensemble des parties à l'acte, peu important que celui-ci ait été signé hors sa présence.
La Cour de cassation a censuré cette décision. Le notaire n'avait commis aucune faute dès lors que l'acte devait initialement être reçu en la forme authentique, que plusieurs mois s'étaient écoulés entre l'envoi du projet au bailleur et la signature hors la présence du notaire de l'acte sous seing privé et que ce dernier n'avait perçu aucune rémunération, les parties s'étant ravisées sur l'étendue de sa mission. Dans ces conditions, le notaire n'avait pas été mis en mesure d'exercer pleinement son devoir de conseil et d'information dont il n'était libéré qu'à la signature de l'acte authentique, tel qu'initialement prévu.
Le notaire doit informer et conseiller les parties même s'il rédige un acte sous seing privé (Cass. 1e civ. 24-6-1963 : Bull. civ. I n° 339). De même, est tenu d'un devoir de conseil le notaire qui, contre rémunération, a négocié et rédigé un acte reçu par un autre notaire (Cass. 1e civ. 12-5-1993 n° 91-15.246 : Bull. civ. I n° 167). Au cas particulier non seulement le notaire n'avait reçu aucune rémunération pour la préparation de l'acte, mais il n'était pas présent à la signature de l'acte sous seing privé. Ces circonstances particulières justifient le tempérament apporté par la Cour de cassation à une jurisprudence rigoureuse.
Source: Editions Francis Lefebvre