Le propriétaire d'un moulin revendique en justice la propriété du canal d'amenée d'eau (le « bief »), des vannages et d'une bande de terre constituant le franc-bord du canal, tous situés sur les parcelles de voisins. Sa demande rejetée en appel, l'intéressé porte l'affaire devant la Cour de cassation. Il s'appuie notamment sur un droit d'usage de la force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes, lequel emporte présomption de propriété, au bénéfice du « maître » du moulin, des canaux et des dispositifs utiles à l'usage de celui-ci.
Rejet du pourvoi. Certes, le droit d'usage invoqué était « fondé en titre », son existence étant établie avant l'abolition des droits féodaux. Mais aux termes d'une convention passée en 1969 entre l'association nationale de la meunerie française et le précédent propriétaire du moulin, ce dernier, qui avait cessé son activité, s'était engagé à démonter le matériel du moulin moyennant indemnisation. Le démontage ayant bien été effectué, les juges d'appel en ont déduit à bon droit larenonciation de l'ancien propriétaire au droit d'usage de la force motrice du ruisseau.
Un établissement (moulin, usine) riverain d'un cours d'eau justifie d'un droit sur l'eau « fondé en titre » lorsqu'il a été autorisé avant l'Edit de Moulins de 1566, s'il existait avant l'abolition de la féodalité par le décret du 4 août 1789 ou encore s'il a été acquis lors d'une vente de biens nationaux pendant la Révolution. La Cour de cassation a déjà eu l'occasion de préciser que la « renonciation à un [tel] droit ne se déduit pas de la seule inaction de son titulaire et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer (Cass. 3e civ. 1-4-1992 n° 90-14.066 : Bull. civ. III n° 115, RTD civ. 1993 p. 851 obs. F. Zenati). Loin de contredire cette solution, les juges ont ici déduit la renonciation du comportement positif du titulaire du droit.