Le droit est consubstantiel à l’Etat de droit et dans le domaine de l’administration, la pierre angulaire du système repose sur le principe d’excès de pouvoir. Ce principe participe en effet à l’idée selon laquelle le pouvoir doit nécessairement être limité afin d'éviter certains dérives.
En tant que système présidentiel, les Etats-Unis se voient dotés - par l’article 2 de leur Constitution - d’un ultime rempart contre le Président, qui permet au Congrès de destituer celui-ci de ses fonctions au cours de son mandat. Le droit à la destitution du Président aux USA s'applique lorsqu’un président a commis des actes de « trahison, de corruption ou d'autres crimes et délits graves. »
Ce système est d’une efficacité redoutable et les affaires du “Watergate” ou de “l’affair”, au sens anglo-saxon du terme, entre le Président Clinton et Monica Lewinski ressurgissent au premier chef.
Le mot “impeachment” qui désigne la procédure de destitution, avait déjà été prononcé à l’égard de Donald Trump du fait de l’ingérence Russe supposée dans sa campagne Présidentielle, avant que le procureur Muller spécialement désigné pour enquêter sur ce dossier ne rende un rapport à la décharge du Président. A vrai dire, l’impeachment menaçait déjà le Président Trump avant même qu’il ne soit investi de la fonction suprême.
Retour sur une procédure synergique où les trois pouvoirs exceptionnellement réunis.
Pour rappel, le Congrès Américain se compose de la Chambre des représentants ainsi que le Sénat. En outre, cette procédure aux allures du procès pénal, organisée par la branche législative du pouvoir vise à exercer un contrôle sur le chef du pouvoir exécutif.
La Chambre des représentants s’organise alors en plusieurs commissions tenues d’enquêter sur les faits susceptibles d’entrainer la destitution du Président. Dans le cadre de la présente instance initiée le 24 Septembre dernier, on reproche au Président d’avoir essentiellement fait un usage de ses fonctions, non seulement contraire aux valeurs de probité qui encadrent son office (pressions et menaces, ce qui n’étonnera pas le lecteur) mais à des fins personnelles et notamment électorales, à l’approche des prochaines élections.
La procédure d'enquête est entièrement contrôlée par la Chambre des représentants, actuellement aux mains de l’opposition Démocrate, qui n’aura donc aucune difficulté à atteindre la majorité simple requise en ce cas. Les allégations formelles seront ainsi votées et approuvées par la Chambre.
Or pour le principal intéressé, qui a twitté : « (...) ce qui est en train de se passer n'est pas un 'impeachment', c'est un COUP D'ETAT, visant à prendre le pouvoir du peuple, son vote, ses libertés, son deuxième amendement (de la Constitution), sa religion, son armée, son mur à la frontière, et les droits qui lui ont été donnés par Dieu en tant que citoyen des Etats-Unis d'Amérique ! », il faut dire que l’ingérence d’un Etat étranger au sein de la campagne Présidentielle était un sujet qui était déjà assez “chaud”.
Il s'avère néanmoins que Donald Trump aurait suspendu le versement d’une aide militaire de 400 millions de dollars en faveur de l'Ukraine, quelques jours avant que celui-ci et Volodimir Zelensky n'aient un l’entretien téléphonique qui pourrait entrainer sa chute. L’origine de l’information provient d’un lanceur d’alerte (un responsable du renseignement) couvert par le "Whistleblower" (signifiant Lanceur d'alerte) Protection Act de 1989.
Place maintenant à la justice où les procureurs sont les élus du Sénat et les avocats du Président défendent sa parole. Les deux parties sont donc tenues d'appeler à la barre des témoins et leur poser chacun leur tour une série de questions. Le "procès" se tient au Sénat (majoritairement Républicain) sous l'égide du 1er Président de la Cour Suprême Américaine (Chief Justice). Puis, le vote final est adopté aux deux tiers de la majorité du Sénat et les accusations deviennent définitives.
Sur le plan de la peine, la destitution des fonctions est acquise de plein droit même si aucune sanction pénale n'est définitivement prononcée à l'encontre du Président. Ce dernier peut donc faire l'objet d'un examen ultérieur devant une Cour Fédérale à l'initiative du Procureur. En arrivera t-on jusque là … ? Il est permis d’en douter, car rien n'est moins certain que la réaction du Président Trump face aux institutions.