Avant d'aborder cet arrêt, il semble fondamental de rappeler certaines notions mobilisées au coeur de cet arrêt et notamment le titre exécutoire. Un titre exécutoire est un acte juridique qui permet l'exécution forcée d'une créance. Ainsi, les mesures d'exécution forcée instaurées à l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution sont admises lorsque « le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution ». L’article L111-3 du code des procédures civiles d’exécution dresse une liste des titres exécutoires, celle-ci étant exhaustive.
En l’espèce, le de cujus, [D] [A], a laissé pour lui succéder son fils lui-même décédé par la suite, en laissant pour lui succéder son épouse et sa fille née d’une précédente union. Le de cujus [D] [A] avait dressé par testament authentique un legs à titre particulier d’une somme d’argent au profit d'un légataire à titre particulier. Ce dernier a alors assigné l’épouse et la fille en délivrance de son legs.
L'arrêt rendu sur cette action, le 13 mars 2012 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a été cassé et annulé par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 3 juillet 2013, sauf, notamment, en ce qu'il a dit que le légataire à titre particulier était fondé à solliciter la délivrance de son legs dans les limites de la quotité disponible. Par acte du 5 janvier 2016, le légataire a fait délivrer par huissier de justice à l’héritière du de cujus [D] [A], un commandement de payer aux fins de saisie vente sur le fondement des arrêts précités de la cour d'appel et de la Cour de cassation. Les héritières du de cujus [D] [A] ont saisi un juge de l'exécution en contestation de cette mesure d'exécution forcée. La Cour d'appel de Versailles a considéré que le commandement était fondé sur un titre régulier et était de ce fait valable. L’épouse est décédée en laissant pour héritière sa fille.
Les héritières se pourvoient en cassation et font grief à l’arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13 mars 2012 de dire que le commandement du 5 janvier 2016 est fondé sur un titre exécutoire régulier et valable, alors que selon le moyen formé par les demanderesses, « la délivrance d'un legs a pour seul objet de reconnaître les droits du légataire et doit être distingué du paiement du legs lequel ne peut intervenir que dans le cadre des opérations de partage par l'attribution au légataire de biens le remplissant de ses droits. » En admettant que le légataire à titre particulier est fondé à solliciter la délivrance de son legs consenti par le testament, la cour d’appel a ainsi violé les articles L. 111- 2 et L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution et 1014 du code civil.
Par conséquent, la décision accueillant une demande de délivrance d’un legs de somme d’argent attribuée à un légataire à titre particulier par le biais d’un testament authentique peut-il constituer un titre exécutoire autorisant ce dernier à procéder à des mesures d’exécution forcée ?
La Cour de cassation dans un arrêt du 21 septembre 2022 répond par la négative et indique qu'une décision accueillant une demande de délivrance d'un legs de somme d'argent ne constitue pas un titre exécutoire autorisant le légataire à procéder à des mesures d'exécution forcée. En effet, la délivrance d'un leg à titre particulier a pour seul objet la reconnaissance des droits du légataire se distinguant alors du paiement du legs.
Bien que la liste dressée par l'article L111-3 du code des procédures civiles d’exécution soit exhaustive et peut paraître à première vue assez claire et précise, il n'est pas rare que la Cour de cassation soit questionnée sur la qualité des titres exécutoires susceptibles de permettre l'exercice d'une voie d'exécution. Ainsi était le cas dans cet arrêt du 22 septembre 2022. Dans la même logique, la Cour de cassation a également récemment rappelé que le simple constat d'une créance dans une procédure collective ne permettait pas l'exécution forcée (Civ. 2e, 14 janv. 2021, n° 18-23.238). Ou bien encore, concernant un jugement d'homologation d'un protocole d'accord non annexé au jugement, mais dont les termes sont mentionnés dans le dispositif du jugement constituait un titre exécutoire (Civ. 2e, 3 févr. 2022, n° 20-15.420). Ces arrêts récents traduisent que la reconnaissance de la qualité de titre exécutoire est une question actuelle et qui pose problème en pratique. La Cour de cassation sera donc amenée à trancher régulièrement sur cette question, une jurisprudence abondante est vouée à voir le jour...