APPROCHE INTRODUCTIVE.
Par Roméo A. BABO.
Aux origines du vocable « menace », apparaît le mot latin comminatorius dérivé de comminari dont la connotation se rapproche significativement du terme « comminatoire », traduisant en langue française ce qui est provisoire.
Sous les auspices de Jules César, Horace, citoyen romain, affirmait dans un art poétique que « L'arc n'atteint pas toujours la cible qu'il menace », comme s’il avait prématurément deviné que l’astreinte comminatoire, n’aurait pour effet que de produire une “menace persuasive“ sans toutefois garantir l’exécution d’une obligation. (Horace, L'art poétique, 350 - env. 10 av. J.-C.).
Ainsi autrefois, la menace de la prison pour dettes prévue par certaines législations, suffisait donc à persuader le débiteur de son intérêt à agir rapidement. La disparition de ce procédé technique de pression pour des motifs humanitaires, a amené les juges à trouver une autre voie de droit, en l’occurrence celle de "l'astreinte". ("L’Astreinte", fiche méthodologique du Service de Documentation de la Cour de cassation française, au BICC n°680 du 15 avril 2008).
L'"astreinte" est alors une somme d'argent qu'une personne débitrice d'une obligation de faire ou de ne pas faire, doit payer au créancier de la prestation jusqu'à ce qu'elle se soit exécutée. Le montant de la contrainte est fixé généralement pour chaque jour de retard.
L’astreinte est en principe provisoire. Dans le cas contraire, elle est définitive et ne peut être prononcée qu’après une astreinte provisoire ou comminatoire pour une durée déterminée. Son montant est fixe. Elle est définitive, parce que le créancier ignore le temps que durera la résistance du débiteur. Elle prend effet à partir du moment où la décision qui la prononce n’est plus susceptible de voies de recours ou du jour du prononcé de la décision, si elle est revêtue de la formule exécutoire.
Si le juge souhaite que l’astreinte soit seulement comminatoire, la contrainte ne présente alors qu'un caractère provisoire, et, dans ce cas, le créancier doit faire liquider par le juge le montant définitif de sa créance. (Cour de Cassation Française, Chambre commerciale 3 mars 2009, pourvoi n° 08-16874, Legifrance).
En claire, l'astreinte comminatoire caractérise un ordre donné par le juge, au moyen duquel il menace le débiteur d'une prestation, de le condamner en cas d'inexécution de cet ordre, à payer une somme d'un montant cumulatif pour chaque jour de retard. Une fois la prestation exécutée la somme est liquidée en tenant compte de la plus ou moins grande célérité avec laquelle le débiteur s'est acquitté de son obligation.
La fonction comminatoire de l’astreinte signifie qu’elle s’entend d’une menace suffisamment dissuasive pour forcer le débiteur à exécuter ses obligations ou la partie succombante à exécuter la condamnation prononcée à son encontre dans les délais qui lui sont impartis.
Toute astreinte résultant d’une condamnation judiciaire fait partie de la catégorie des astreintes judiciaires, lesquelles se distinguent nettement des astreintes conventionnelles.
L’astreinte conventionnelle qui est, en tant que telle, prévue dans un contrat pour forcer le débiteur d’une obligation à l’exécuter dans les délais convenus, est comparable à la clause pénale. Elle s’en différencie cependant nettement en ce que l’astreinte n’a aucune fonction indemnitaire et ne saurait donc être tenue pour une évaluation forfaitaire de dommages et intérêts. L’astreinte conventionnelle n’étant pas une clause pénale, son montant ne saurait être modifié par le juge. Elle peut en outre se cumuler avec des dommages et intérêts. (Lawperationnel, astreinte conventionnelle ou judiciaire, http://lawperationnel.com/astreinte-conventionnelle-ou-judiciaire, consulté le 13/06/2013).
Pour échapper à l'astreinte, le débiteur doit s'exécuter volontairement. La Cour de cassation française juge que si le débiteur s'exécute après qu'il ait reçu notification de la décision qui le condamnait à payer une astreinte, on doit considérer qu'il ne s'est pas exécuté volontairement et le juge ne peut l'en décharger (Ass. Plén. 24 février 2006 - BICC n°640 du 15 Mai 2006 et Rapport de M. Blatman Conseiller rapporteur).
La Cour de cassation française juge aussi que lorsqu'une astreinte est assortie d’une décision de condamnation à une obligation de faire, il incombe au débiteur condamné de rapporter la preuve de l'exécution conforme, dans le délai imparti, de cette obligation.
S’il est vrai que le juge français à généralement recours à la mesure d’astreinte pour manifester son pouvoir de censeur face aux velléités de résistance à l’exécution des obligations d’un débiteur lambda, il n’est nullement moins avéré, eu égard à la pratique judiciaire en vigueur, que le juge ivoirien agit pareillement.
Ce constat pourrait tirer sa logique du fait que la Côte d’Ivoire est un pays issu d’une colonie française et donc par voie de conséquence, la législation en vigueur s’inspire fortement des dispositions normatives françaises. D’où l’intérêt de procéder par une étude comparative pour mieux cerner le cadre législatif de l’astreinte.
En France, l’astreinte est régie par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, qui dispose en son article 33 que : « Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision. Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité».
Cependant, en Côte d’Ivoire, bien qu’usitée par le juge ivoirien comme moyen de pression privilégié, la mesure d’astreinte n’a nullement encore fait l’objet d’une réglementation cristallisée. ( Cf .:« Les astreintes en droit ivoirien », Centre International pour le Développement du Droit (CIDD), mercredi 28 mai 2008, http://www.cidd.ci/presentation.php?id=43, consulté le 12/06/2013)).
Il devient donc impérieux de s’interroger sur le régime juridique de l’astreinte comminatoire en côte d’ivoire, à la lumière du droit positif ivoirien. Cette problématique implique l’analyse de la mise en œuvre de l’astreinte comminatoire et des exigences de sa liquidation.
En tout état de cause, il ressort du droit positif que le prononcé de l’astreinte comminatoire par le juge n’est pas une décision hasardeuse (I), et pour sa mise en œuvre de convient de satisfaire aux contraintes de sa liquidation obéit à certaine exigences qu’il convient (II).
(A suivre)