La fragrance d’un parfum est-elle protégeable par le Droit d’auteur? La Cour de cassation avait répondu par la négative, en 2006, au motif que « la fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en œuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas (une création) pouvant bénéficier de la protection des œuvres de l’esprit par le droit d’auteur » (Cass., civ. 1, 13 juin 2006, « Bsiri-Barbir » [1]).
Cet attendu, qui impose une solution plus qu’il ne l’explique, n’avait pas fait pas consensus. La doctrine avait critiqué l’arrêt car certaines fragrances portent incontestablement la marque de la personnalité de leur créateur - et pas uniquement dans les livres de Patrick Süskind. Ensuite, parce que l’existence d’un « savoir-faire » ne devrait pas être un facteur d’exclusion de la protection par le Droit d’auteur.
Beaucoup de juristes en appelaient donc à une résistance des juges du fond, résistance qui semblait d’ailleurs avoir commencé[2].
Hélas, la première chambre civile de la Cour de cassation vient, dans une décision du 1erjuillet 2008, de refuser la protection du Droit d’auteur à un jus de toilette, Le Mâle, signé Jean-Paul Gaultier. Le motif est semblable à celui de 2006 puisque la cour régulatrice relève que « la fragrance d’un parfum, qui procède, de la simple mise en œuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection des œuvres de l’esprit ».
Ce qui est gênant, dans cette suite d'arrêts, ce n’est pas que la Cour de cassation refuse la protection aux parfums des espèces jugées. Le plus grave, selon nous, c’est l’insistance de la Cour de cassation à exclure, par des motifs généraux, toute fragrance de la protection du Droit d’auteur, alors que la liste des formes d’expression protégées, telle qu’elle est donnée par le Code de la propriété intellectuelle, est simplement indicative (art. L.112-2 : « sont considérées notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code [suit une liste]… »).
Aucune forme d’expression n’est textuellement exclue de la protection par le Droit d’auteur. Seule la présence ou l’absence d’originalité de la création aurait dû être prise en compte pour retenir ou écarter la qualification d'œuvre de l'esprit.
Ce nouvel arrêt de la Cour de cassation n'emporte donc pas l'adhésion.
CA
[1] D., 2006, p. 2470, note B. Edelman et p. 2993, note P. Sirinelli ; JCP G, 2006, II, 10318, note F. Pollaud-Dulian ; JCP E 2006, 2704, note C. Caron et ibid., 2007, 1114, obs. M.-E. Laporte-Legeais ; Comm. Comm. électr., sept. 2006, p. 21, obs. A.-E. Khan et p. 29, obs. C. Caron ; Propr. intell., 2006, n°21, p. 442, note A. Lucas ; Propr. industr., oct. 2006, p. 41, obs. J. Schmidt-Szalewski ; Gaz. Pal., 2-3 août 2006, p. 7, avis J. Sainte-Rose et note J. Lesueur
[2] TGI Bobigny, 28 nov. 2006 : JCP G, 2007, I, 101, n°2, obs. C. Caron. – Confirmé par Paris, 4è ch. A, 14 février 2007, « Beauté prestige international » : D., 2007, p. 735, obs. J. Daleau.