Depuis un certain temps, il est de constat de voir des publications qui sont faites en ligne sans qu’il ne soit question de savoir à quelle participation criminelle doit-on imputer à la personne considérée comme auteur ;
Le cas du dossier Jacky Ndala, dossier qui était pendant devant le Tribunal de Paix de Kinkole est révélateur des difficultés en ceci que la législateur congolais rencontre dans les poursuites judiciaires à l’encontre des auteurs des infractions qui ont une connotation numérique ;
D’ailleurs, l’existence de certains textes législatifs permet de bien appréhender la notion de la responsabilité pénale des acteurs du cyberespace mais bien plus de la compétence du juge en cas de publication des données numériques (vidéos) dans les médias en ligne,
Il s’agira ici de se poser la question suivante : Est-ce que le juge congolais peut-il se déclarer compétent de connaître d’une affaire portant sur la diffusion des vidéos (série télévisée) sur des chaines de streaming ou sur les réseaux sociaux ;
A cette question, nous essayons de répondre comme suit :
Tout d’abord, si la série ou vidéo avait été diffusée directement sur télévision numérique ou câblée, le CSAC qui est l'autorité de régulation de censure et des spectacles de l’audivisuel devrait, en application de l'arrêté interministériel n°098/CAB/ME/MIN/JGS/2017 et CAB/MIN/FINANCES/2017/067 du 31 octobre 2017 au point III, section A sur le spectacle, autoriser la diffusion ou l’interdire avec pour sanction, l’amende en cas de violation de l’interdiction par les auteurs de la diffusion ;
Or, lorsque nous faisons la lecture de l’article 9 de loi organique n° 11/001 du 10 janvier 2011 portant composition, attribution et fonctionnement du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication en son point 5, il est disposé que le conseil est chargé de veiller à la conformité, à l’éthique, aux lois et règlements de la République, des productions des radios, des télévisions, du cinéma, de la presse écrite et des médias en ligne
Et l’article 11 de la même loi rencherit que le Conseil est saisi par les pouvoirs publics dans les matières de sa compétence. Il peut saisir les autorités judiciaires en cas de violation de la législation en vigueur dans le secteur des médias.
Ce qui dénote que pour le CSAC, en République Démocratique du Congo, même si la diffusion est faite en ligne, essentiellement sur les réseaux sociaux ou les chaînes de streaming comme Reddit ou 4chan, dès lors qu’il y a atteinte aux bonnes mœurs et à l’ordre public, il peut saisir l’autorité judiciaire (Cfr : clip 1 dollars de Koffi Olomide ou de On danse de Mudimbu)
Les articles 85 et 86 du règlement intérieur conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication disposent respectivement que : toute personne physique ou morale, toute institution nationale ou étrangère, peut saisir le C.S.A.C. d'une plainte à charge de toute entreprise de médias dont le professionnel viole les règles d'éthique et de déontologie en matière de l'information et de la communication. Le Conseil peut se saisir d'office. La plainte ou requête peut porter sur un média quelconque de la presse écrite, audiovisuelle, en ligne ou sur une agence de publicité utilisant le média. La plainte doit être écrite ou actée par le Conseil, avec signature et adresse du requérant. En ce qui concerne la presse écrite, la plainte doit être accompagnée de pièces justificatives. Concernant la presse audiovisuelle et en ligne, la plainte doit comporter toute mention permettant l'identification du professionnel et du propos concernés ainsi que le jour et l'heure de la diffusion ou de la mise en ligne et de la consultation.
Cependant, le juge congolais peut se déclarer compétent de connaitre de l’affaire pour autant que la diffusion est faite en ligne ;
Il serait prudent de se poser la question, et si c’est un organisme privé ou un individu saisit le juge, comment celui-ci peut se comporter ;
Ici, notre position est que, fondé sur lecture systémique de l’article 9 de l’Ordonnance n°87/243 du 22 juillet 1987 qui dispose, tout acte accompli à l’occasion d’une application informatique et qui porte atteinte à la sécurité de l’Etat, l’ordre public ou aux bonnes mœurs, est punissable conformément aux lois pénales en vigueur et de l’article 3 du code pénal congolais, qui dispose in extenso que Toute personne qui, hors du territoire de la République Démocratique du Congo, s’est rendue coupable d’une infraction pour laquelle la loi congolaise prévoit une peine de servitude pénale de plus de deux mois, peut être poursuivie et jugée en République démocratique du Congo, sauf application des dispositions légales sur l’extradition ;
Il faut rappeler que les réseaux sociaux sont avant tout des programmes informatiques, et le procès entre Epic Game et Apple, l’a si bien démontré que même si l’usage d’une plateforme de type réseau social où les échanges et la diffusion peuvent se faire, il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout des programmes informatiques et en tant que tel l’on doit les considérer comme des logiciels qui peuvent être couverts par le droit de la propriété intellectuelle[1].
Donc d’autant qu’il s’agit des applications informatiques, même si les auteurs pour certains, ils sont à l’étranger ou sur le sol congolais, même si encore l’on oppose au juge congolais la question de compétence territoriale au motif que les données numériques sont couvertes par une législation étrangère et que même l'acte lui-même doit-être considéré comme avoir été posé à l'étranger (RGPD dans l’espace de l’union européenne par exemple) et que cela échappe au juge congolais, celui-ci demeure compétent et peut même juger les auteurs en condamnant certains s’il échet en application des dispositions pré rappelées ;
En conclusion, Il suffirait que l’acte soit une infraction sur le sol congolais et qu’il porte atteinte aux droits de congolais, l’auteur même étranger peut être poursuivi ;
[1] Epic Games v. Apple est un procès en cours intenté par Epic Games contre Apple en août 2020 devant le tribunal de district des États-Unis pour le district nord de Californie, concernant les pratiques d'Apple dans l'App Store