La procédure collective peut prendre la forme d’une sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, selon le degré de gravité de la situation et les perspectives de redressement.
L’une des conséquences de l’ouverture d’une procédure collective est le gel du passif antérieur, c’est-à-dire des créances nées avant le jugement d’ouverture. Ces créances doivent être déclarées par les créanciers dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement au Bodacc, sous peine de forclusion. Elles sont ensuite soumises à un plan de sauvegarde ou de redressement, ou à une répartition en cas de liquidation.
Mais qu’en est-il des créances nées après le jugement d’ouverture ? Le droit des procédures collectives distingue deux catégories de créances postérieures : les créances postérieures simples et les créances postérieures et utiles à la procédure. Ces dernières bénéficient d’un régime dérogatoire, qui a été récemment illustré par un arrêt de la Cour de cassation du 22 novembre 2023 (Com. 22 novembre 2023, n°22-13299).
Les caractéristiques des créances postérieures et utiles à la procédure collective
Les créances postérieures et utiles à la procédure collective sont définies par les articles L 622-17, L 631-14 et L 641-13 du code de commerce. Il s’agit des créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture, pour les besoins du déroulement de la procédure ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant la période d’observation de la sauvegarde ou du redressement judiciaire ou pendant le maintien de l’activité au cours de la liquidation judiciaire.
Ces créances présentent deux caractéristiques principales :
- Elles sont payables à leur échéance, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas affectées par le gel du passif antérieur. Le créancier impayé peut donc en réclamer le paiement en justice ou exercer son droit de rétention sur les biens du débiteur.
- Elles ne sont pas soumises à l’obligation de déclaration, contrairement aux créances postérieures simples. Le créancier n’a donc pas à respecter le délai de deux mois pour faire valoir sa créance.
L’application du régime dérogatoire des créances postérieures et utiles à la procédure collective : l’arrêt du 22 novembre 2023
L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 22 novembre 2023 illustre l’application du régime dérogatoire des créances postérieures et utiles à la procédure collective.
En l’espèce, une entreprise faisant l’objet d’une procédure collective avait confié à un garagiste le remorquage et le gardiennage de plusieurs véhicules, qui avaient ensuite été vendus à un tiers dans le cadre de la procédure. Le garagiste, qui n’avait pas été payé des frais de gardiennage, avait exercé son droit de rétention sur les véhicules et refusé de les restituer à l’acquéreur.
La cour d’appel avait condamné le garagiste à restituer les véhicules, au motif que sa créance était née après l’ouverture de la procédure collective et devait être déclarée dans les deux mois de son exigibilité. Le garagiste n’ayant pas fait cette déclaration, il avait perdu le bénéfice de son droit de rétention.
La Cour de cassation a censuré cette décision, en rappelant que les créances postérieures et utiles à la procédure collective n’ont pas à être déclarées et sont payables à leur échéance. Elle a renvoyé la cour d’appel à rechercher si la créance du garagiste n’était pas la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant la procédure collective, auquel cas elle aurait échappé à l’exigence d’une déclaration.
Que faut-il retenir ?
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Quel est l’intérêt du régime dérogatoire des créances postérieures et utiles à la procédure collective ?
Le régime dérogatoire des créances postérieures et utiles à la procédure collective vise à favoriser la poursuite de l’activité de l’entreprise en difficulté, en incitant les créanciers à continuer à lui fournir des biens ou des services. Il leur garantit un paiement à l’échéance et une protection contre la forclusion.
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Quelles sont les conditions pour bénéficier de ce régime ?
Pour bénéficier de ce régime, il faut que la créance soit née régulièrement après le jugement d’ouverture, pour les besoins du déroulement de la procédure ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant la procédure. Il faut également que la créance soit utile à la procédure, c’est-à-dire qu’elle contribue à la sauvegarde ou au redressement de l’entreprise, ou à la réalisation de son actif en cas de liquidation.
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Quels sont les risques pour les créanciers qui ne respectent pas ce régime ?
Les créanciers qui ne respectent pas ce régime s’exposent à ce que leur créance soit inopposable à la procédure collective.
Guillaume Lasmoles
Avocat en droit des Affaires