L’arrachage de haies par le preneur d’un bail rural peut constituer une violation des dispositions du Code rural et de la pêche maritime, ainsi qu’une dégradation du fonds loué. Quels sont les droits du bailleur face à cette situation ? Peut-il exiger la remise en état des lieux, l’indemnisation de son préjudice ou la résiliation du bail ? La Cour de cassation a apporté des précisions sur ces questions dans un arrêt du 14 décembre 2023 (Cass. civ. 3, 14 décembre 2023, n° 22-20.257).
Selon l’article L. 411-28 du Code rural et de la pêche maritime, le preneur peut, pour réunir et grouper plusieurs parcelles attenantes, faire disparaître, dans les limites du fonds loué, les talus, haies, rigoles et arbres qui les séparent ou les morcellent, lorsque ces opérations ont pour conséquence d’améliorer les conditions de l’exploitation. Toutefois, il doit obtenir l’accord du bailleur, qui dispose d’un délai de deux mois pour s’opposer à la réalisation des travaux, à compter de la date de l’avis de réception de la lettre recommandée envoyée par le preneur. Passé ce délai, l’absence de réponse écrite du bailleur vaut accord.
Si le preneur a réalisé des travaux sans l’accord du bailleur et a entraîné une modification de la physionomie de l’exploitation, le bailleur dispose de plusieurs recours, selon le moment où il les exerce.
En cours d’exécution du bail, le bailleur ne peut pas demander la remise en état des lieux, car il s’agit d’une mesure qui ne peut être ordonnée qu’à l’expiration du bail, conformément à l’article L. 411-72 du même code. Cet article prévoit que, s’il apparaît une dégradation du bien loué, le bailleur a droit, à l’expiration du bail, à une indemnité égale au montant du préjudice subi. Le bailleur peut donc demander, à l’issue du bail, l’allocation d’une indemnité pour compenser la perte de valeur du fonds ou le coût de la remise en état.
En revanche, le bailleur peut demander la résiliation du bail, sur le fondement de l’article L. 411-31, I, 2°, qui permet au bailleur de résilier le bail s’il justifie d’agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. La Cour de cassation a précisé que le renouvellement du bail ne prive pas le bailleur de la possibilité d’en demander la résiliation, lorsque les effets sur la bonne exploitation du fonds d’agissements du fermier, même antérieurs à ce renouvellement, se sont produits ou prolongés au cours du bail renouvelé.
En conclusion, l’arrachage de haies par le preneur sans l’accord du bailleur peut constituer un motif de résiliation du bail, mais pas de remise en état des lieux en cours de bail. Le bailleur peut toutefois solliciter une indemnité en fin de bail pour réparer son préjudice. Il s’agit donc de bien distinguer les différents recours du bailleur selon le moment où il les met en œuvre. Cette analyse détaillée des recours du bailleur rural face à l’arrachage de haies par le preneur offre une compréhension approfondie des implications juridiques de cette situation et des options disponibles pour le bailleur. Il est essentiel pour les bailleurs ruraux de connaître leurs droits et de comprendre comment les exercer efficacement en cas de dégradation de leur propriété. Cet article contribue à cet objectif en fournissant une analyse claire et détaillée des recours disponibles.
Guillaume Lasmoles
Avocat en droit des Affaires