Lorsqu’un contrat est conclu sous une condition suspensive, cela signifie que son exécution dépend de la réalisation d’un événement futur et incertain. Par exemple, la vente d’un bien immobilier peut être subordonnée à l’obtention d’un prêt bancaire par l’acheteur. Si l’événement ne se réalise pas dans le délai prévu, la condition est réputée défaillie et le contrat devient caduc, c’est-à-dire qu’il n’a plus d’effet juridique. Toutefois, les parties peuvent renoncer à la condition suspensive avant sa défaillance, c’est-à-dire accepter que le contrat soit exécuté même si l’événement ne se produit pas. Mais qu’en est-il si la renonciation intervient après la défaillance de la condition ? C’est la question à laquelle la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 29 novembre 2023 (Soc., 29 nov. 2023, n° 22-11.398)
Les faits et la procédure
L’affaire opposait un club de football professionnel, un joueur et un agent sportif. Le club avait engagé le joueur pour trois saisons, en prévoyant le recours aux services de l’agent sportif. Une convention de rémunération d’agence sportive avait été conclue entre les trois parties, selon laquelle le club s’engageait à payer à l’agent sa commission en lieu et place du joueur.
Par la suite, le club a souhaité transférer le joueur vers un autre club. Un avenant à la convention de rémunération d’agence sportive a alors été signé, stipulant que si le joueur était transféré avant le 30 juin 2014, les commissions dues à l’agent pour les deux saisons suivantes seraient garanties par le club et acquises à l’agent, même si le joueur ne faisait plus partie de l’effectif du club.
Or, le transfert du joueur n’a eu lieu que le 8 août 2014, soit après le délai fixé par l’avenant. La condition suspensive était donc défaillie et l’avenant caduc. Toutefois, le club avait envoyé un mail à l’agent le 2 août 2014, dans lequel il confirmait son engagement de payer les commissions. L’agent a donc considéré que le club avait renoncé à la condition suspensive après sa défaillance et qu’il devait lui verser les sommes dues.
Le club a contesté cette interprétation et a refusé de payer. L’agent a alors saisi la justice pour obtenir le paiement des commissions. La cour d’appel a donné raison à l’agent, en estimant que le mail du club démontrait sa volonté de faire perdurer son obligation malgré le dépassement de la date du transfert du joueur. Le club s’est pourvu en cassation.
La solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel, en rappelant les principes applicables en matière de condition suspensive. Elle a jugé que lorsque le contrat est conclu sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé. Le contrat devient alors caduc et il n’est plus possible de renoncer à la condition après sa défaillance.
En l’espèce, la Cour de cassation a constaté que la condition suspensive était défaillie le 30 juin 2014, date à laquelle le joueur n’avait pas été transféré. L’avenant à la convention de rémunération d’agence sportive était donc caduc à cette date et le club ne pouvait plus renoncer à la condition suspensive. Le mail du 2 août 2014 était donc sans effet et ne pouvait pas engager le club à payer les commissions à l’agent.
Les apports et la portée de l’arrêt
Cet arrêt illustre l’importance de la condition suspensive dans les contrats. Il rappelle que la condition suspensive a pour effet de suspendre l’exécution du contrat jusqu’à la réalisation de l’événement prévu. Si l’événement ne se réalise pas dans le délai fixé, le contrat devient caduc et les parties sont libérées de leurs obligations. Il souligne également que la renonciation à la condition suspensive doit intervenir avant sa défaillance, sinon elle est sans effet. Il s’agit d’une règle impérative, qui ne peut pas être écartée par la volonté des parties.
Guillaume Lasmoles
Avocat en droit des Affaires