La cession de droits sociaux est une opération courante en droit des sociétés, qui permet à un associé de transmettre ses parts ou ses actions à un tiers. Cette opération peut s’accompagner d’une clause de garantie de passif, par laquelle le cédant s’engage à indemniser le cessionnaire en cas de survenance d’un passif antérieur à la cession. La mise en œuvre de cette garantie est soumise à des conditions contractuelles, notamment en ce qui concerne le mode de notification du cessionnaire au cédant. Dans un arrêt du 8 novembre 2023, la Cour de cassation a confirmé la validité de la mise en œuvre de la garantie de passif par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, même en cas de non-réception effective par le cédant .
Les faits et la procédure
Le 31 juillet 2013, un associé a cédé la totalité des parts sociales qu’il détenait dans le capital d’une société à une société anonyme. L’acte de cession stipulait une clause d’élection de domicile ainsi qu’une clause de garantie de passif que le cessionnaire pouvait mettre en œuvre par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au cédant. Après avoir, par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 avril 2016, informé le cédant de ce qu’il mettait en œuvre la clause de garantie de passif, le cessionnaire a, le 20 décembre 2016, assigné le cédant en paiement de sommes en exécution de cette garantie. Par une décision du 6 octobre 2021, la cour d’appel de Bordeaux a condamné le cédant à payer au cessionnaire une certaine somme au titre de la garantie de passif, aux motifs que le cessionnaire avait satisfait à son obligation d’information quant à son intention de mettre en œuvre ladite garantie. Le cédant a formé un pourvoi devant la Cour de cassation, en invoquant le fait qu’il n’avait pas reçu la lettre du cessionnaire.
La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du cédant, en approuvant le raisonnement de la cour d’appel. Elle a rappelé que l’élection de domicile emporte pouvoir de recevoir toute notification dans le lieu qui y est désigné. Il en résulte, d’une part, que le fait que le cédant n’a pas reçu la lettre du cessionnaire mettant en œuvre la clause de garantie de passif est dû à sa seule négligence, faute pour lui d’avoir informé son cocontractant qu’il élisait domicile dans un autre lieu que celui stipulé au contrat et, d’autre part, que le défaut de réception effective, par le cédant, de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception, n’en affecte pas la régularité. La Cour de cassation a également précisé que la mise en œuvre de la garantie de passif n’était pas de nature contentieuse, mais constituait une simple formalité contractuelle. Dès lors, la Chambre commerciale a jugé que la cour d’appel a justement déduit de ces constatations que le cessionnaire avait rempli son obligation contractuelle d’information du garant préalable à l’introduction d’une instance judiciaire.
Les apports de l’arrêt
Cet arrêt confirme la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation sur la validité de la mise en œuvre de la garantie de passif par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il rappelle également l’importance de l’élection de domicile, qui permet de sécuriser les notifications entre les parties. Il souligne enfin la distinction entre la mise en œuvre de la garantie de passif, qui relève du droit contractuel, et l’action en garantie, qui relève du droit contentieux.
Cass. com., 8 novembre 2023 n°21-25033
Guillaume Lasmoles
Avocat en droit des Affaires