Depuis son lancement en 2008, Airbnb est devenu en France un acteur incontournable de la location de logements entre particuliers. Alors que la plateforme vient tout juste de fêter ses 10 ans, elle n’en finit plus de battre des records, avec près de 150 millions d’utilisateurs à travers le monde, plus de 3 millions de logements mis à disposition dans le monde et un chiffre d’affaires de plus de 2,5 milliards de dollars pour l’année 2018[1].
Si les touristes de passage y trouvent l’occasion de faire de bonnes affaires, les propriétaires y voient surtout une bonne manière d’arrondir leurs fins de mois en proposant à la location leurs biens immobiliers durant leur absence, et ce à des tarifs souvent alléchants.
La sous-location, une tentation lucrative
Ne souhaitant pas rester en marge d’un tel phénomène de société, nombre de locataires ont été tentés à leur tour de proposer à la location, durant leur absence, le bien immobilier qu’ils louaient eux-mêmes. Sur le principe, ce mécanisme, désigné sous le terme de sous-location, est parfaitement licite. Il est en effet tout à fait légitime qu’un locataire tente d’alléger la charge financière que constitue pour lui son loyer en en percevant un lui-même dès lors qu’il n’occupe pas son logement.
Le droit est toutefois rapidement intervenu en la matière afin d’empêcher les dérives que peut entrainer une telle pratique. En effet, dès lors qu’elle intervient sans l’accord du propriétaire, manifesté par une clause explicite figurant dans le contrat de bail, la sous-location est par principe interdite.
La règle se comprend aisément : le contrat de bail conclu entre un propriétaire et son locataire est dit intuitu personae, ce qui signifie que le propriétaire accepte expressément qu’une personne bien déterminée – son locataire – occupe son logement, et personne d’autre. Or, dès lors que le locataire sous-loue son logement, cette condition n’est plus remplie. Certes, du point de vue du propriétaire bailleur, la sous-location peut s’avérer relativement transparente, puisqu’il continuera à percevoir normalement les loyers versés par son locataire. Néanmoins, en tant que titulaire d’un droit de propriété sur son bien immobilier, le bailleur est en droit de décider de l’identité des personnes occupant son logement, droit qui n’est nullement transféré au locataire par le contrat de location.
Des condamnations sévères
Les condamnations en justice de locataires peu scrupuleux existent. Des utilisateurs d’Airbnb en ont fait pour la première fois l’amère expérience le 13 février 2014, lorsque le tribunal d’instance du 9e arrondissement de Paris a condamné un locataire à payer 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile[2]. Par la suite, le tribunal d’instance du 13e arrondissement de Paris a condamné, pour la même raison, le locataire d’un logement HLM à une amende de 5 000 euros ainsi qu’au remboursement des frais de justice. Le 6 avril 2016, le tribunal d’instance du 5e arrondissement de Paris a, quant à lui, condamné un autre locataire à payer 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, sans compter, là encore, le remboursement des frais de justice.
Aucune de ces condamnations n’est toutefois comparable à celles prononcées le 5 juin[3] ainsi que le 24 octobre 2018[4], respectivement par la Cour d’appel et par le tribunal d’instance de Paris, à l’encontre de deux locataires. Après l’avoir condamnée à reverser au propriétaire, dans les deux cas, les fruits perçus pour la sous-location illicite, soit un montant de 27 295 euros pour l’un et 46 277 euros, le tribunal a, dans la seconde affaire, résilié le bail du locataire et prononcé son expulsion.
Ces deux jugements sont sans précédent, car jusque-là, les condamnations prononcées à l’encontre des locataires paraissaient faibles en comparaison des bénéfices engrangés dans le cadre de la sous-location. Le litige ayant donné lieu au jugement du 6 avril 2016 concernait en effet une sous-location tarifée 700 euros la semaine, et les sommes gagnées n’avaient pas eu à être remboursées à la suite du jugement.
Surtout, la résiliation du bail prononcée par le tribunal d’instance le 24 octobre 2018 est une première. Dans son jugement du 13 février 2014, le tribunal, décidant que les faits reprochés n’étaient, en l’espèce, « pas d’une gravité suffisante pour justifier [une telle] résiliation », invitait néanmoins le locataire concerné à « considérer la procédure comme valant avertissement solennel d’avoir désormais à se conformer strictement aux obligations que lui font tant le bail que la loi ».
Un alourdissement des condamnations est donc nettement perceptible et devrait se confirmer à l’avenir, en attendant peut-être, du côté du législateur, une pénalisation ultérieure de la pratique.
Karim Jakouloff
Docteur en droit
Sources :
[1] https://bfmbusiness.bfmtv.com/airbnb-un-chiffre-d-affaires-trimestriel-record-1568739.html
[2] http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=4140.
[3] CA Paris, 5 juin 2018, n° 16/10684.
[4] TI Paris, 24 octobre 2018, RG n°11-18-211247.
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