La colocation à l’épreuve des règlements de copropriété

Publié le 26/08/2022 Vu 13 046 fois 0
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Si tout copropriétaire peut user librement des parties privatives et communes d’un immeuble, les règlements de copropriété peuvent-ils venir alors limiter les usages et les baux contractés par l’un des copropriétaires ?

Si tout copropriétaire peut user librement des parties privatives et communes d’un immeuble, les règlement

La colocation à l’épreuve des règlements de copropriété

 

La validité des règlements de copropriété au regard de la loi

L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 dispose : 

« Tout copropriétaire use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble. »

En outre, l’article 8 de ladite loi précise : 

«  Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes par ses caractères ou sa situation ». 

Spécifions, enfin, que la définition de la colocation n’est établie que depuis la loi ALUR de 2014, dans son article 1er (13°) : 

« La colocation est définie comme la location d’un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale, et formalisée par la conclusion d’un contrat unique ou de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur. »

Deux principes émanent de cette législation :

  1. D’une part, un copropriétaire pourrait ne pas être en mesure de transformer son bien d’habitation en local commercial ou pour y exercer une profession libérale par exemple. 
  2. D’autre part, la colocation pourrait être acceptable, l’usage d’habitation étant préservé, si celle-ci ne génère pas de gêne particulière pour les autres copropriétaires. Le règlement de copropriété ne serait en effet être en mesure de limiter les possibilités de baux à usage d’habitation, à l’exception d’un immeuble au caractère particulier qu’il serait nécessaire de préserver. 

L’interprétation est rapide, et reste néanmoins à nuancer. 

 

Du règlement de copropriété suranné, de la colocation et du caractère de l’immeuble

Si l’on admet qu’un règlement de copropriété peut limiter certains usages et occupations, il est à rappeler que le terme de colocation n’ayant été défini qu’à partir de 2014 par la loi ALUR, il ne pourrait aucunement être demandé à ceux antérieurs à ladite loi d’interdire expressément un terme non encore apparu et une pratique en outre jusqu’à peu, fort peu répandue. 

Par ailleurs, la lecture de certains règlements de copropriété fait apparaître leur caractère parfois suranné. 

Il ne pourrait être admis aujourd’hui de limiter la location d’un appartement à une « famille » ou d’imposer des locataires « de bonne vie et mœurs » comme on le retrouve régulièrement dans les règlements « datés ». 

Rappelons en effet que le terme « famille » n’est pas défini par le Code Civil, mais qu’il l’a été notamment par le doyen CARBONNIER dans les années 1950, comme : 

« l’ensemble des personnes unies par le mariage ou la filiation ou par la parenté et l’alliance, qui sont elles-mêmes des conséquences du mariage et de la filiation ». 

Cette définition particulièrement restrictive est exempte des évolutions sociétales et exclut de fait les nouvelles formes d’habiter et normes familiales. Un couple hétérosexuel ou homosexuel non uni par un quelconque lien mais avec un ou des enfants ne pouvant alors être considéré comme créant une famille au sens strict du terme. 

Or, malgré le caractère parfois suranné et indépendamment de la validité ou non de la clause dont il s’agit, les clauses du règlement de copropriété doivent recevoir application tant qu’elles n’ont pas été déclarées non écrites par le juge, ou retirées du règlement, une telle appréciation relevant donc de l’appréciation souveraine des juges de fond conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation. (Cass. 3ème civ., 21 juin 2006, Loyers et Copropriété 2006 comm.213, obs. G. Vigneron, Cass. 3ème civ., 25 février 2010 Répertoire du notariat Defrénois, 30 avril 2010 n°8 p. 985 « De l'effet persistant des clauses illicites non retranchées »). 

Toutefois, au regard de la loi du 10 juillet 1965, dès lors que l’appartement loué est destiné à l’usage d’habitation, que le bail poursuit cet usage, et que les futurs locataires (ou colocataires) ne portent pas atteinte aux droits des autres copropriétaires, il apparaît difficile de remettre en cause judiciairement la colocation envisagée. 

En effet, rien ne permet de préjuger que la colocation puisse entrainer des nuisances supérieures ou une gêne accrue pour les autres copropriétaires à celles pouvant résulter de l’occupation du logement par une famille ou un ménage avec enfants. 

Il convient d’être vigilant quant aux troubles générés au niveau du voisinage par les locataires, ni plus, ou tout du moins tout autant qu’un locataire « lambda », d’une famille « lambda » composée de jeunes enfants, ou d’une famille de « bonne vie et mœurs ». 

L’interdiction de la colocation peut être néanmoins fondée au regard du caractère de l’immeuble. Le « standing cossu » de type haussmannien a participé à la décision prise par la Cour d’Appel de PARIS en 2012 (CA Paris, 23 mai 2012, X contre/ Syndicat des copropriétaires du 9, Bd Voltaire à Paris) de juger licite une clause visant à limiter la location d’un même logement par plusieurs locataires.  

Cette restriction a pu être imposée, car elle répondait à la condition impérative d’être justifiée par la destination de l’immeuble. Il s’agissait en effet de préserver les conditions d’occupation d’origine de l’immeuble en évitant notamment la multiplication du nombre d’occupants. Le standing de l’immeuble, la qualité architecturale, les conditions d’occupation de l’immeuble ainsi que la situation dans un environnement donnée (quartier résidentiel ou non, périmètre de protection des bâtiments historiques, site classé, etc) sont autant de critères qui peuvent rendre licite une clause restreignant la liberté de louer. 

 

En tout état de cause, il n’est cependant pas possible de dégager une solution de principe en ce domaine, seul le juge de fond ayant le dernier mot sur le sujet. 

La validité ou l’illicéité des clauses d’un règlement de copropriété interdisant ou limitant le droit de louer est donc fonction dans chaque cas de la destination de l’immeuble et doit être appréciée en fonction des circonstances de la cause. 

Nous nous tenons à votre disposition pour vous accompagner que vous soyez copropriétaire ou propriétaire bailleur. 

 

 

Mathieu WEYGAND,
Avocat

 

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