La déchéance du droit aux intérêts est une sanction contre la banque, prononcée par le juge, en cas de défaut dans un contrat de crédit qui ne remplirait pas les conditions énoncées aux articles L341-1 et suivants du Code de la consommation.
Ainsi, par exemple en cas de défaut de contrôle de solvabilité de l’emprunteur par la banque, cette dernière peut être déchue de son droit aux intérêts, c’est-à-dire que l’emprunteur n’est plus tenu au remboursement des intérêts de son emprunt et ne doit donc rembourser que le capital.
L’article L341-27 du Code de la consommation précise la notion de déchéance du droit aux intérêts :
« Peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, jusqu'à un montant ne pouvant excéder, pour chacun des manquements énumérés ci-après, 30 % des intérêts et plafonné à 30 000 euros, le prêteur qui accorde un crédit :
1° Sans avoir fourni à l'emprunteur les explications adéquates permettant à celui-ci de déterminer si le contrat de crédit et les éventuels services accessoires sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière à partir des informations prévues à l'article L. 313-11 ; ou
2° Sans avoir, en méconnaissance de l'article L. 313-12, mis en garde l'emprunteur, sur le risque spécifique que peut induire pour lui le contrat compte tenu de sa situation financière, lorsqu'un tel risque a été identifié ; ou
3° Sans avoir respecté les conditions prévues aux articles L. 313-16 à L. 313-18, applicables en matière d'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur. »
Concernant ce dernier point, l’article L313-16 du Code de la consommation ajoute que :
« Le prêteur procède à une étude vigoureuse de la solvabilité de l’emprunteur. Cette évaluation prend en compte de manière appropriée les facteurs pertinents permettant d'apprécier la capacité de l'emprunteur à remplir ses obligations définies par le contrat de crédit. »
Le Tribunal judiciaire de Saverne dans un jugement du 8 novembre 2021 (RG 20/00250) rappelle que des pièces ne contenant que des informations déclaratives sur la situation financière de l’emprunteur ne suffisent pas au contrôle de la solvabilité de celui-ci. Un simple formulaire à remplir sur l’honneur du client est une preuve insuffisante de solvabilité. Par conséquent, la banque doit recueillir des pièces justificatives pour s’assurer que l’emprunteur pourra être en capacité financière de rembourser le crédit qui lui sera dispensé. De même, il faut que la banque puisse justifier du caractère complet de la fiche d’information de son client (TI Beauvais, 16.09.2015, no 11-15-000135).
Quand le banquier ne contrôle pas la solvabilité de son client, le juge a un pouvoir souverain. Il peut tout d’abord prononcer la déchéance du droit aux intérêts. Il peut également substituer le taux légal au taux conventionnel. En d’autres termes, le juge peut décider d’ordonner le remboursement du prêt non pas au taux auquel le crédit a été consenti lors de la conclusion du contrat de prêt mais au taux légal utilisé pour calculer les pénalités en cas de retard de paiements, calculé chaque semestre. La banque pourra alors solliciter le paiement des intérêts au taux légal auprès du juge conformément à l’arrêt Théret de la Cour de cassation (1ère chambre civile, 26.11.2002, n°00-17.119).
Il existe d’autres raisons pour lesquelles le juge peut décider de substituer le taux légal au taux conventionnel, notamment lorsque la banque propose un calcul erroné du taux effectif global (TEG) (Erreur sur le TEG : les banques à nouveau sanctionnées).
La déchéance du droit aux intérêts est une sanction clé dans le domaine du crédit aux consommateurs et de nombreux arrêts sont rendus en ce sens créant une jurisprudence constante en la matière (Cass, 1ère Chambre civile, 10.06.2020, n°18-24.287 ; Cour d'appel d'Orléans, 14.05.2020, n° 19/01693 par exemple).
Les irrégularités de forme et de fond dans les contrats de crédit peuvent donc être favorables aux emprunteurs lorsqu’une déchéance du droit aux intérêts est prononcée puisqu’ils n’auront pas à rembourser les intérêts au taux conventionnel des prêts contractés, voire à ne pas payer d’intérêts du tout.
Notre cabinet se tient à disposition pour toute précision.
Noui LECHEHEB,
Juriste titulaire du CAPA