Diffamation, calomnie et dénigrement

Publié le 19/07/2021 Vu 11 768 fois 0
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Souvent confondues, les notions de diffamation, de calomnie et de dénigrement emportent des définitions sensiblement différentes qu’il convient de distinguer afin d’agir de la meilleure de manière lorsqu’on en est victime.

Souvent confondues, les notions de diffamation, de calomnie et de dénigrement emportent des définitions sens

Diffamation, calomnie et dénigrement

En France, la liberté d’expression est une liberté fondamentale reconnue et protégée par de nombreux textes, en particulier la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (art. 11) et la Constitution de 1958.

Néanmoins, liberté fondamentale ne signifie pas pour autant liberté absolue et les justiciables disposent de la faculté de se protéger contre les abus de liberté d’expression qui peuvent leur porter préjudice.

Ces abus justement se multiplient avec l’essor des réseaux sociaux, en particulier sur Facebook, Instagram, Twitter ou encore YouTube.

La communication sur Internet donne souvent une impression d’impunité aux internautes en raison de la distance entre eux, se trouvant parfois à des centaines de kilomètres les uns des autres.

Mais la distance et les écrans ne signifient pas pour autant que tout est permis, bien au contraire, d’autant plus qu’à l’instar des interactions au fil du temps, les abus vont en s’accroissant.

A première vue, il n’y a pas réellement de différences entre le fait de diffamer, calomnier ou dénigrer une personne. Mais, le diable se cachant dans les détails, le droit instaure des nuances, plus ou moins importantes entre ces infractions.

En premier lieu, la diffamation est ce qu’on appelle une infraction de presse constituée, selon l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, par :

« toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».

L’allégation ou l’imputation doivent se présenter « sous la forme d’une articulation précise de faits, de nature à être sans difficulté l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire » (Cass. Crim. 6 janv. 2015, n° 13-86.330).

Les faits allégués ou imputés doivent donc être suffisamment précis pour que la diffamation soit caractérisée, mais la personne visée par les propos doit elle aussi être identifiée ou du moins identifiable (CA Versailles, 8e Chambre, 15 janv. 2002).

Concernant l’honneur et la considération, l’atteinte est appréciée par le juge de manière purement objective s’agissant de la sensibilité de la victime (Cass. Crim. 15 nov. 1900), mais porte une appréciation subjective s’agissant des circonstances dans lesquelles ont été tenues les paroles litigieuses (Cass. Crim. 6 janv. 2015, n° 13-86.330).

Sera dès lors considérée comme une atteinte suffisante, l’imputation ou l’allégation susceptible de porter atteinte à l’honneur ou la considération d’un individu « moyen ».

La diffamation peut, par ailleurs, être publique ou privée en fonction du contexte dans lequel elle est tenue.

Par principe, la diffamation privée, celle proférée sans qu’aucun tiers ne soit présent – ou en présence d’un cercle restreint de personnes – est passible d’une contravention de 38 €, majorée à 1 500 € lorsqu’elle est basée sur des motifs discriminatoires.

La sanction s’alourdit en cas de diffamation publique (12 000 € d’amende), et encore plus lorsque la diffamation publique est proférée contre un élu local, un parlementaire, un policier, un gendarme en raison de sa fonction (45 000 € d’amende) ou basée sur des considérations racistes, sexistes, homophobes ou handiphobes (45 000 € d’amende et un an d’emprisonnement).

Enfin, s’agissant de la prescription, le délai d’action est de 3 mois à compter de la publication ou du prononcé de l’infraction pour une simple diffamation, et d’un an en cas de diffamation accompagnée d’une circonstance aggravante.

La calomnie, ou dénonciation calomnieuse, peut à certains égards ressembler à la diffamation, mais fait l’objet d’un cadre juridique plus restreint.

Elle est définie par l’article 226-10 du Code pénal comme :

« La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact ».

Cette infraction suppose donc l’imputation de faits susceptibles d’entrainer des sanctions pour la victime en connaissance du caractère mensonger des accusations par l’auteur.

Punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende, l’infraction de dénonciation calomnieuse se prescrit par 6 ans à compter du jour où la dénonciation est connue de la victime (Cass. Crim., 17 oct. 2006, n°05-85-519).

En dernier lieu, le dénigrement diffère des deux infractions précédemment évoquées en ce qu’il n’existe pas de texte l’encadrant, seule la jurisprudence et la doctrine le définissent.

Le dénigrement consiste en une « atteinte à l'image de marque d'une entreprise ou d'un produit désigné ou identifiable afin de détourner la clientèle en usant de propos ou d'arguments répréhensibles ayant ou non une base exacte, diffusés ou émis en tout cas de manière à toucher les clients de l'entreprise visée, concurrente ou non de celle qui en est l'auteur » (CA Versailles, 12e ch., 2e sect., 10 janv. 2017, n° 02/08371).

Contrairement à la diffamation et la calomnie, le dénigrement ne porte pas sur une personne mais sur un produit ou un service dans l’objectif de jeter indirectement sur elle le discrédit.

La personne n’est donc pas explicitement désignée mais son identification doit se faire aisément par analogie avec le produit ou le service critiqué.

En terme de dénigrement, les victimes sont donc essentiellement des professionnels, critiqués par des concurrents mais qui peuvent également l’être par des clients mécontents.

La responsabilité de l’auteur est quant à elle recherchée sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle de l’article 1240 du Code civil qui dispose que :

« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Ce genre de conflits se règle généralement par l’allocation de dommages et intérêts pour la victime sous réserve que cette dernière prouve le lien de causalité entre le préjudice qu’elle a subi et le dénigrement dénoncé.

Il faudra enfin démontrer l’intention malveillante de son auteur pour obtenir réparation, démonstration qui peut se faire par un faisceau d’indices apprécié souverainement par le juge.

Prudence néanmoins, toute critique n’est pas nécessairement constitutive de dénigrement et chaque individu jouit d’une liberté de critique tant que celle-ci est objective, neutre et justifiée (CA Paris, 12 févr. 1999).

Chacune de ces atteintes ayant une procédure qui lui est propre, je suis à votre disposition pour vous assister dans la défense de vos intérêts.

 

Je traiterai dans une seconde note à venir plusieurs exemples très concrets d’atteintes à la réputation sur internet. 

 

Mathieu WEYGAND,
Avocat

 

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