Si cette pratique persiste, elle n’a en réalité ni valeur juridique ni caractère obligatoire pour la validité d’un acte.
Elle continue pourtant d’être utilisée, de surcroît par la plupart des professionnels du droit.
Quand les habitudes ont la vie dure…. Retour sur une « aberration » juridique.
Origine de la mention « Lu et approuvé » :
Cette habitude de mentionner « lu et approuvé » avant la signature des parties trouve son origine dans le Code civil de 1804.
En effet, son article 1326 prévoyait que :
« Le billet ou la promesse sous seing privé par lequel une seule partie s'engage envers l'autre à lui payer une somme d'argent ou une chose appréciable, doit être écrit en entier de la main de celui qui le souscrit ; ou du moins il faut qu'outre sa signature, il ait écrit de sa main un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose. Excepté dans le cas où l'acte émane de marchands, artisans, laboureurs, vignerons, gens de journée et de service. »
Cet article a pourtant été modifié par une loi du 13 juillet 1980.
Depuis, la mention « bon ou approuvé » n’est plus requise, l’inscription manuscrite en cas de reconnaissance de dette se limitant à l’écriture de la somme ou la quantité de la chose faisant l’objet de l’engagement, outre la signature de celui qui souscrit (cf. article 1376 du Code civil).
Position de la Jurisprudence et de la doctrine
Même avant l’abrogation de l’article 1326 du Code civil lors de la réforme du droit des contrats en 2016, la jurisprudence était claire sur le fait que la mention « lu et approuvé » n’a pas de portée juridique.
En ce sens, un arrêt de la Cour de Cassation de 1993 souligne qu’en matière d’actes sous seing privé, cette mention « constitue une formalité dépourvue de toute portée ».
Un autre, de 2008 cette fois, précise que "en dehors des exceptions prévues par la loi, l'acte sous seing privé n'est soumis à aucune autre condition de forme que la signature de ceux qui s'y obligent ».
Mieux encore, le défaut de la mention « Lu et approuvé » précédant la signature n’est pas retenu comme un indice prouvant le défaut de consentement à l’acte en cause (Cass. 2e civ. 17-1-2019 n° 18-11.061 D).
Néanmoins, le Ministère de la Justice a publié dans le journal officiel du Sénat du 22 juillet 1993 que « si la formule " Lu et approuvé ", a l'avantage, en pratique, d'appeler l'attention du signataire d'un acte sous seing privé sur l'importance de son geste, cette mention a toujours été considérée du moins en ce qui concerne les contrats synallagmatiques comme une formule de pure faculté dont l'apposition n'est requise ni pour valider l'acte ni comme élément de preuve et ne saurait a fortiori suppléer l'absence de signature des parties. »
La seule portée de cette inscription, en pratique, consiste donc en une prise de conscience plus importante de l’engagement du cocontractant.
En effet, il résulte de la loi de 1980 et de la jurisprudence que la seule condition de forme des actes sous seing privé, en dehors des exceptions prévues par la loi, est la signature des parties.
Résurgence de la mention
La loi ne prévoit que de rares hypothèses dans lesquelles la mention lu et approuvé est obligatoire.
A titre d’exemple, la circulaire DGT n°2008 du 22 juillet 2008 prévoit que pour la rupture conventionnelle d’un contrat à durée indéterminée, « il est impératif pour chacune des parties de dater, signer et porter la mention « lu et approuvé » de façon manuscrite ».
En ce sens, la Cour d’appel de Lyon a estimé dans un arrêt du 23 septembre 2011 que pour être valable, la convention de rupture doit être datée, signée par les deux parties avec la mention « lu et approuvé », car ces mentions sont de nature à s’assurer du consentement des parties sur les dispositions de la convention.
Pour les autres les actes sous seing privé donc, la mention « lu et approuvé » n’a donc guère de valeur juridique et semble surtout intervenir en tant que mesure de précaution ou de renforcer l’attention de son co-contractant sur l’importance de l’acte qu’il signe.
Nous restons à votre disposition pour toute précision au besoin,
Mathieu WEYGAND, avocat associé
Apolline WITZ (étudiante DJCE)
1. Loi 13 juillet 1980 n° 80-525 relative à la preuve des actes juridiques
2. Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 27 janvier 1993, 91-12.115., Publié au bulletin
3. Cass. civ. 1, 30 octobre 2008, n° 07-20001 :
4. https://www.senat.fr/questions/base/1993/qSEQ930501039.html
5. Cass. 1re civ., 21 févr. 2006, n° 04-13.512 et Cass. 1re civ., 30 oct. 2008, n° 07-20.001
6. Cour d’appel de Lyon du 23 septembre 2011 n° 10/0912