La présente note d’actualité fait suite à une précédente note publiée le 4 novembre 2021 sur les conséquences juridiques d’une perte d’agrément par une école d’ostéopathie.
L’affaire avait en effet ému le milieu de l’ostéopathie puisque, à l’été 2021, neufs écoles d’ostéopathie (sur une trentaine) n’obtenaient pas le renouvellement de leur agrément pour accueillir leurs étudiants (Neuf écoles d’ostéopathie ne pourront plus délivrer de diplôme à compter du 1er septembre 2021 - L'Etudiant).
Que devaient faire alors les étudiants ? En effet, cela n’empêchait pas l’école d’ostéopathie d’accueillir ses étudiants ni de dispenser des cours et formations, contrairement à ce qu’a affirmé la presse, mais en revanche, cela interdisait ces derniers, à l’issue de leurs formations, de se voir décerner un diplôme.
Et donc de pouvoir exercer en tant qu’ostéopathe après plusieurs années de formation.
Pour certains étudiants, cela a « pourri la fin de leurs vacances » (Perte d’agrément des écoles d’ostéopathie : "Ça a pourri la fin de mes vacances" - L'Etudiant).
Certains ont alors dû s’inscrire en urgence dans les écoles n’ayant pas perdu leur agrément. Bien souvent, l’école initiale refusait alors de rembourser les frais de scolarité déjà acquittés pour l’année en cours, voire sollicitait, en raison de la rupture anticipée du contrat par l’étudiant au motif qu’il était allé s’inscrire ailleurs, le paiement des années de formation dues jusqu’au terme du contrat, soit plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Que nenni répond le Tribunal judiciaire dans une très récente décision du 7 avril 2022 :
« S’agissant d'un contrat d'étude dont la finalité est de pouvoir obtenir un diplôme d'ostéopathe, il est évident que la perte pour l'établissement d'enseignement, de son agrément à pouvoir délivrer le diplôme recherché, constitue indéniablement un événement de nature à faire disparaître un élément (voire l'élément) essentiel du contrat, au sens de l'article 1186 du code civil ».
La conséquence en est donc que le contrat doit être déclaré caduc, ce qui signifie, aux termes de l’article 1187 du Code civil qu’il est mis un terme de plein droit, pour l’avenir, au contrat.
Les frais de scolarité pour l’année en cours mais également et le cas échéant pour les autres années restant à courir ne sauraient donc être exigés par l’école d’ostéopathie ayant perdu son agrément.
Toutefois, les conditions contractuelles (conditions générales) prévoient, en général, un tout autre sort en cas de perte d’agrément.
En effet, les écoles d’ostéopathie ont déjà confrontées à cette difficulté de perte d’agrément, qui résulte d’une décision du Ministère de la Santé, en témoigne la perte en 2015 de son agrément par l’école ATSA – Andrew Taylor Still Academy – basée sur Lyon (L’école d’ostéopathie perd son agrément : la « douche froide » - leprogres.fr).
Les écoles avaient donc anticipé une déconvenue similaire et intégré, dans leurs conditions générales, des clauses prévoyant que le contrat ne saurait être remis en cause notamment en cas de perte d’agrément.
Dans l’affaire qui nous intéresse, jugée par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG, les conditions générales stipulaient que :
« Dans l'hypothèse où, à l'issue des études de l'étudiant, OSCAR ne bénéficierait pas, pour quelque raison que ce soit, de l'agrément ministériel (…), OSCAR ne saurait être tenue pour responsable des conséquences directes ou indirectes qui pourraient résulter de l'impossibilité de délivrer l'étudiant le diplôme conférant le droit d'user du titre d'ostéopathe » ;
Les contrats tenant lieu de loi à ceux qui les ont faits (article 1103 du Code civil, anciennement article 1134 du même code), l’étudiant n’aurait alors dû pouvoir rien réclamer, et même payer le reste de sa formation sans pouvoir exercer en tant qu’ostéopathe à l’issue de son cycle d’études de plusieurs années.
Non, répond à nouveau le Tribunal judiciaire !
« Cette disposition doit être analysée comme une clause abusive, et donc non opposable ; qu'en effet elle est manifestement abusive au sens de l'article L132-1 du Code de la consommation qui prévoit que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat ; que tel était le cas en l'espèce, en ce que cette clause créé un déséquilibre flagrant entre le droit de l'étudiant (obligé de verser des frais de scolarité) et ceux de la société CAMPUS PRIVE D'ALSACE qui s'octroie la possibilité d'être délivrée de toute obligation de délivrance d'un diplôme reconnu à l'issue de la formation ».
La position adoptée par les Juges de STRASBOURG est donc celle que nous anticipions dans notre précédente note de novembre 2021.
L’école d’ostéopathie a été condamnée à rembourser les frais de scolarité de l’année 2021-2022, et les frais pour les années suivantes jusqu’au terme de la formation ne seront également pas exigibles par l’école OSCAR, en raison de la caducité du contrat.
En outre, plusieurs milliers de dommages et intérêts ont été alloués à l’étudiante, tant au titre du préjudice moral subi que de la résistance abusive de l’école à ne pas lui avoir remboursé les frais engagés, ainsi que de ses frais d’avocat.
L’étudiante concernée pourra donc poursuivre ses études sereinement dans une école ayant conservé l’agrément ministériel, sans être inquiétée de devoir payer en sus les frais de scolarité de l’école l’ayant perdu, ou qui n’a, depuis, obtenu qu’un agrément provisoire.
Nous nous réjouissons d’avoir pu apporter notre aide à cette étudiante, et restons à la disposition éventuelle d’autres étudiants concernés par une problématique semblable.