Arrêt de la Cour de cassation, 1ère civ. 5 juin 2019 n° 16-12.519
Dans l’affaire récemment soumise à la Cour de cassation, la société Electricité de France (EDF) avait consenti à l’un de ses salariés ainsi qu’à son épouse un prêt qui leur a permis de financer l’acquisition de leur habitation principale. Ce prêt était remboursable en deux cent quarante mensualités, soit sur 20 ans.
Cependant, lorsque le salarié a démissionné de son poste au sein de l’entreprise, la société EDF a fait application de la clause de résiliation de plein droit du contrat de prêt prévu en cas de cessation d’appartenance du salarié à son personnel. Elle a ensuite assigné les deux emprunteurs en paiements d’une certaine somme d’argent augmentée des intérêts au taux contractuel de 6 % l’an, ainsi qu’une somme au titre de la clause pénale augmentée des intérêts au taux légal.
Les juges de la Cour d’Appel de Saint-Denis de la Réunion avaient constaté la résiliation de plein droit du contrat de prêt en faisant une stricte application du contrat conclut entre l’employeur et son employé. Ils avaient par ailleurs jugé que la société EDF n’avait pas la qualité de professionnel et le salarié et son épouse n’avait pas la qualité de consommateurs, si bien que l’article L 132-1 du code de la consommation ne trouvait pas application.
Pour mémoire, l’article L 132-1 du code de la consommation, applicable aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs, prévoit que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
La Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Saint-Denis de la Réunion et a jugé que la clause prévoyant une résiliation de plein droit du contrat de prêt pour une cause extérieure à ce dernier et afférente à l’exécution d’un contrat distinct, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur et l’expose ainsi à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l’économie du contrat de prêt.
Cette clause a donc été jugée abusive.
Cet arrêt tire les conséquences de l’arrêt rendu par la CJUE le 19 mars 2019 (C-590/17).
En effet, en application de la Directive européenne 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, la CJUE avait jugé que le salarié d’une entreprise et son conjoint, qui concluent avec cette entreprise un contrat de crédit, réservé, à titre principal, aux membres du personnel de ladite entreprise, destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier à des fins privées, doit être considéré comme un « consommateur »; et ladite entreprise doit être considérée comme un « professionnel » lorsqu’elle conclut un contrat de crédit dans le cadre de son activité professionnelle, même si consentir des crédits ne constitue pas son activité principale.
Cet arrêt doit donc être salué dès lors qu’il vient renforcer la protection des consommateurs en matière de souscription de crédit.
Sandra INGLESE
Avocat au Barreau de Strasbourg
Vous avez apprécié cet article et souhaitez en apprendre davantage ? Découvrez-en d'autres :