Malgré son impopularité, il s’agit pourtant d’une méthode de réforme rapide et efficace.
L’article 38 de notre Constitution dispose en son alinéa 1er que « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Cette dérogation à la procédure parlementaire classique est simple à comprendre.
La voie parlementaire classique
Habituellement, tout projet ou proposition de loi est soumis à l’Assemblée nationale, puis au Sénat. Il fait par la suite l’objet d’un débat parlementaire plus ou moins long, durant lequel seront présentés des amendements qui, eux aussi, seront débattus. A l’issue de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale, le texte est transmis au Sénat qui va entreprendre un travail d’étude et de réécriture similaire. Puis, la navette parlementaire se poursuit, le texte retournant à l’Assemblée nationale pour une seconde lecture, avant d’être de nouveau transmis au Sénat. Cette phase doit normalement permettre aux deux assemblées de s’accorder sur le contenu du texte, qui doit, à terme, faire consensus. Après la seconde lecture, le texte, au sein duquel subsisteraient d’éventuelles divergences entre assemblées, fera, le cas échéant, l’objet d’une harmonisation en Commission mixte paritaire.
La procédure parlementaire classique peut donc s’avérer longue et semée d’embuches, s’agissant de textes de loi pouvant parfois susciter un débat très vif. Ainsi, la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Travail ou loi El Khomri[1] a suscité, rien qu’en première lecture, près de 5000 amendements parlementaires, générant ainsi plus de 200 heures de débats. A une époque où l’urgence règne et où les Français attendent souvent des réformes rapides et dont ils pourront rapidement percevoir les retombées, la réforme par ordonnance se présente comme une alternative efficace, dont la célérité tranche avec la longueur et la complexité du débat parlementaire.
La réforme par ordonnance, une procédure à échéance
Rédigé au sein d’un ministère désigné comme porteur du projet par le Gouvernement, le contenu des ordonnances est strictement défini par une loi d’habilitation votée par le Parlement après débat contradictoire. Celle-ci pose un cadre précis duquel le ministère ne peut pas s’écarter, ainsi qu’un délai maximum au-delà duquel il ne sera plus possible de ratifier l’ordonnance.
La circonstance selon laquelle l’ordonnance voulue est rédigée au sein d’un ministère, dans un délai relativement bref et qu’il n’est pas possible de dépasser, aboutit à une accélération conséquente du calendrier de la réforme souhaitée par le Gouvernement.
Loin d’être anti-démocratique, la procédure de réforme par ordonnance, strictement encadrée par notre droit constitutionnel, présente donc des avantages certains en termes de calendrier parlementaire, bien qu’elle pâtisse d’une image dégradée au sein de l’opinion publique.
Karim Jakouloff
Docteur en droit
Source :
[1] JORF du 9 août 2016.
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- La réforme par ordonnance, un gain de temps évident (I)
- La réforme par ordonnance, une procédure encadrée (II)
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