Régler par chèque, et faire opposition ensuite : quelles conséquences ?

Publié le 03/10/2022 Vu 6 389 fois 0
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Le chèque est l’un des instruments de paiement à disposition des agents économiques.

Le chèque est l’un des instruments de paiement à disposition des agents économiques.

Régler par chèque, et faire opposition ensuite : quelles conséquences ?

A la différence des espèces ou d’un paiement par carte bancaire, il ne semble pas être un moyen de débit immédiat. Un certain temps est en effet nécessaire entre l’émission du chèque et son encaissement. 

Toutefois, si l’encaissement n’est pas immédiat, le paiement lui, l’est. 

La nuance n’est pas des moindres, et est la plupart du temps totalement ignorée des émetteurs de chèques, en particulier ceux qui souhaiteraient revenir sur leur acte.

 

Chèque : définition, conditions de validité et preuve d’une obligation

Le chèque est un moyen de paiement immédiat et non une garantie de paiement. Il peut en outre s’assimiler en une reconnaissance de dette (article 1376 du Code civil), dont les modalités sont particulièrement encadrées. 

L’article L131-2 du Code Monétaire et Financier précise ce que doit contenir un chèque : 

 « Un chèque contient :
- La dénomination de chèque, insérée dans le texte et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre ;
- Le mandat pur et simple de payer une somme déterminée ;
- Le nom de celui qui doit payer, nommé le tiré ;
- L’indication du lieu où le paiement doit s’effectuer ;
- L’indication de la date et du lieu où le chèque est créé ;
- La signature de celui qui émet le chèque, nommé le tireur »

Si la loi encadre particulièrement les conditions nécessaires à la validité d’un chèque, on notera toutefois que l’absence de l’une ou l’autre de ces conditions n’annule en rien la créance établie. 

En effet, il peut arriver que l’une des caractéristiques devant être contenue dans un chèque fasse défaut. 

Le titre émis ne vaut alors pas comme chèque et celui-ci n’a donc aucune validité. 

Toutefois, un chèque non daté, ou incomplètement daté ne vaut pas comme chèque mais peut valoir comme acte sous seing privé ou commencement de preuve par écrit, attestant l’existence d’une créance (CF Cass.com 16 décembre 2014, n° de pourvoi : 13-20895).  

De même, alors que la loi fixe la durée de validité d’un chèque à un an et huit jours, le rendant caduc au-delà de cette période sans possibilité d’encaissement, cela ne lève en rien la dette due. De fait, selon l’article L 131-35 du Code Monétaire et Financier « le tiré doit payer même après expiration du délai de présentation »

Ou encore, si le chèque ne comporte aucune identification du bénéficiaire, il vaut alors comme chèque au porteur (CF Art L 131-9 du CMF). 

L’émetteur engage donc toujours sa responsabilité dès lors qu’il émet le chèque. Les erreurs, volontaires ou non, lui sont directement imputées. L’on veut pour preuve que l’émetteur encourt une amende s’élevant à 6% du montant du chèque si d’aventure celui-ci était post daté (CF Art L162-2 du CMF).  

 

Chèque et opposition : des causes limitativement encadrées

L’article L131-35 du Code Monétaire et Financier indique : 

« Il n’est admis d’opposition au paiement par chèque qu’en cas de perte, de vol ou d’utilisation frauduleuse du chèque, de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires du porteur. Le tireur doit immédiatement confirmer son opposition par écrit, quel que soit le support de cet écrit. »

Ainsi, les trois causes d’opposition à un chèque sont les suivantes : 

  1. La perte ou le vol : c’est-à-dire que le tireur subit une dépossession involontaire du chèque (CF Cass com, 1 avril 2014, n°13-11.252). A noter que l’opposition n’est valable que si le tireur subit un tel préjudice. Si le chèque a été remis au bénéficiaire désigné puis perdu ou volé, une opposition ne peut aucunement être invoquée (CF Cass com, 21 février 2012, n°11-11.441)
  2. L’utilisation frauduleuse du chèque : c’est-à-dire que le tireur a émis un chèque volontairement, mais que ledit chèque a fait l’objet d’une utilisation frauduleuse par la suite. On pourra citer comme pratique frauduleuse la falsification d’un chèque, l’utilisation au profit du mandataire pour l’exécution d’un mandat expiré (CF Cass com 1 avril 2014, n)13-11.252) ou encore la contrainte morale subie de la part du bénéficiaire (CF Cass com 4 juillet 2018, n°17-16.018)
  3. La procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire du porteur : c’est-à-dire que si le porteur a perdu le pouvoir de recevoir un paiement et en utiliser les fonds, le tireur s’exposant alors à un paiement non libératoire, a la capacité d’émettre une opposition au chèque

 

Chèques et fausse opposition : quels sont les risques encourus ? 

De nombreux particuliers établissent et remettent, souvent à des professionnels, des chèques « de garantie », et souhaitent ensuite revenir sur leur décision. 

Ils croient alors pouvoir faire opposition pour « perte » voire pour « vol », pensant ainsi pouvoir faire échec au paiement. 

Dans cette hypothèse, si l’émetteur choisissait de réaliser une fausse opposition d’un chèque émis, opposition non conforme donc aux dispositions de l’article L131-35 du CMF, en le déclarant faussement volé ou perdu, dans l’intention de se soustraire à la dette établie, il engagerait alors sa responsabilité pénale. 

Rappelons à ce sujet les dispositions de l’article L162-2 du Code Monétaire et Financier :

« est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros celui qui effectue après l’émission d’un chèque, dans l’intention de porter atteinte aux droits d’autrui, le retrait de tout ou partie de la provision, par transfert, virement ou quelque moyen que ce soit, ou de faire dans les mêmes conditions défense au tiré de payer »

Attention néanmoins, si l’émetteur engage sa responsabilité dans l’émission hâtive d’un chèque sur laquelle il souhaiterait revenir, il ne saurait être tenu pour responsable d’une falsification a posteriori dudit chèque. 

La Cour de cassation a en effet condamné pour escroquerie, falsification de chèque et usage, à trois mois d’emprisonnement et 3 000 euros d’amende (CF Cour de cassation, Chambre criminelle, Arrêt n°1567 du 13 mars 2013, Pourvoi n° 12-82.846) le bénéficiaire ayant tenté de modifier le montant de la créance. 

 

Notre cabinet se tient à votre disposition pour vous assister pour toute difficulté ou question relative à vos moyens de paiement, dont le chèque que vous soyez l’émetteur ou le bénéficiaire de celui-ci. 

 

 

Mathieu WEYGAND,
Avocat associé

 

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