Résiliation unilatérale de l'assureur au motif que l'assuré refuse de signer un avenant

Publié le 15/06/2021 Vu 5 682 fois 0
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L’assureur peut-il résilier la police d’assurance unilatéralement, au motif que l’assuré refuse de signer un avenant ? Non, répond la Cour de cassation.

L’assureur peut-il résilier la police d’assurance unilatéralement, au motif que l’assuré refuse de si

Résiliation unilatérale de l'assureur au motif que l'assuré refuse de signer un avenant

Dans un arrêt du 6 mai 2021,  la Cour de cassation est venue rappeler que la résiliation unilatérale de l’assureur est strictement encadré par l’article 113-2 du Code des assurances. Le contrat d’assurance s’assimilant à un contrat à durée déterminée, il ne peut être résolu par l’assureur pour avenant non signé même avec une mise en demeure préalable.  

Les assureurs mettent régulièrement le police d’assurances à jour afin de modifier les garanties ou les plafonds applicables. Ces modifications sont encore plus d’actualités aujourd’hui concernant l’encadrement des risques épidémiques ou pandémiques dû à la crise de la Covid-19.

L’article L112-3 du Code des assurances prévoit notamment que :

Toute addition ou modification au contrat d'assurance primitif doit être constatée par un avenant signé des parties. Par dérogation, la modification proposée par l'assureur d'un contrat complémentaire santé individuel ou collectif visant à le mettre en conformité avec les règles fixées par le décret en Conseil d'Etat mentionné à l'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale est réputée acceptée à défaut d'opposition du souscripteur. L'assureur informe par écrit le souscripteur des nouvelles garanties proposées et des conséquences juridiques, sociales, fiscales et tarifaires qui résultent de ce choix en application du même article. Ce dernier dispose d'un délai de trente jours pour refuser par écrit cette proposition. Les modifications acceptées entrent en application au plus tôt un mois après l'expiration du délai précité de trente jours et dans un délai compatible avec les obligations légales et conventionnelles d'information des adhérents ou affiliés par le souscripteur.

Les modifications apportées à un contrat d’assurance doivent être signifiées à l’assuré et acceptées par celui-ci. Pour ce faire, la rédaction d’un avenant dûment signé par les deux parties permet de modifier le contrat original.

Que faire si les dispositions de cet avenant ne sont pas acceptées par l’assuré ? L’assureur est-il en droit de rompre le contrat ?

En l’espèce, l’assurée avait sollicité une modification de son contrat d’assurance  auprès du courtier d’assurances début 2015, afin d’augmenter le plafond de garantie portant sur les objets de valeurs qu’elle possédait.

Celle-ci a subi un cambriolage en novembre 2015 et l’assureur a refusé de l’indemniser. Ce dernier se prévalait qu’elle n’avait pas retourné l’avenant de mai 2015 modifiant le contrat et que son contrat avait été résilié depuis le 30 août 2015 après mise en demeure préalable du même mois. L’assurée contestait ce fait indiquant n’avoir reçu ni avenant, ni lettre de résiliation du contrat.

La résiliation du contrat par l’assureur portait donc sur l’absence de retour de l’avenant signé modifiant les plafonds de garantie.

Après que la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ait donné raison à l’assureur, la Cour de cassation a rappelé que les possibilités de résiliation unilatérale d’un contrat d’assurance son strictement limité au non-paiement de la prime, aux cas particuliers spécialement prévus par la loi et par les articles L.113-3 et L.113-12 du Code des assurances pour les assurances des particuliers (Cass. Civ 2ème, 6 mai 2021, n°19-25.168).

L’article L113-3 du Code des assurances prévoit que :

A défaut de paiement d'une prime, ou d'une fraction de prime, dans les dix jours de son échéance, et indépendamment du droit pour l'assureur de poursuivre l'exécution du contrat en justice, la garantie ne peut être suspendue que trente jours après la mise en demeure de l'assuré. Au cas où la prime annuelle a été fractionnée, la suspension de la garantie, intervenue en cas de non-paiement d'une des fractions de prime, produit ses effets jusqu'à l'expiration de la période annuelle considérée. La prime ou fraction de prime est portable dans tous les cas, après la mise en demeure de l'assuré.

L'assureur a le droit de résilier le contrat dix jours après l'expiration du délai de trente jours mentionné au deuxième alinéa du présent article.

L’article L113-12 du Code des assurances énumère les possibilités de résiliation pour l’assuré comme pour l’assureur de cette façon :

La durée du contrat et les conditions de résiliation, particulièrement le droit pour l'assureur et l'assuré de résilier le contrat tous les ans, sont fixées par la police.

Toutefois, l'assuré a le droit de résilier le contrat à l'expiration d'un délai d'un an, en adressant une notification dans les conditions prévues à l'article L. 113-14 à l'assureur au moins deux mois avant la date d'échéance de ce contrat.

Lorsque l'assuré a souscrit un contrat à des fins professionnelles, l'assureur a aussi le droit de résilier le contrat dans les mêmes conditions.

Dans les autres cas, l'assureur peut résilier le contrat à l'expiration d'un délai d'un an, à la condition d'envoyer une lettre recommandée à l'assuré au moins deux mois avant la date d'échéance du contrat.

Il peut être dérogé à ces règles de résiliation annuelle pour les contrats individuels d'assurance maladie et pour la couverture des risques autres que ceux des particuliers.

Ces cas de résiliation unilatérales étant strictement limités, la Cour de cassation a censuré l’arrêt attaqué.

A cet égard, il est énoncé que :

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l’assureur pouvait résilier le contrat d’assurance de Mme P au seul motif qu’elle n’avait pas retourné signé l’avenant établissant les nouvelles conditions particulières à la suite de sa demande de modification du plafond de garantie contre le vol, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

En effet, le contrat d’assurance s’assimile à un contrat à durée déterminée pour la Cour de cassation, la résiliation ne pouvant intervenir qu’à l’issue du terme prévu dans les dispositions contractuelles.

La Cour de cassation rappelle que ces motifs de résiliation sont strictement encadrés et que la Cour d’appel n’avait cherché à savoir si l’absence de signature d’un avenant constituait un motif prévu par le Code des assurances. 

L’assureur ne dispose donc pas d’un droit à la résiliation unilatérale pour un motif qui n’est pas prévu au Code des assurances.

Le débat devrait se poursuivre sur de nombreuses clauses obscures et très populaires dans les contrats d’assurance avec les particuliers, notamment celles concernant les « modifications tarifaires » permettant à l’assureur de se prévaloir de la résiliation en cas de refus de l’assuré.

La suite au prochain épisode jurisprudentiel…

Mathieu WEYGAND,
Avocat

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