Les sommes recouvrées, à la demande d’un commissaire à l’exécution du plan, consécutives à la restitution par un créancier de montants reçus au titre d’opérations annulées sur le fondement des nullités de la période suspecte entrent dans le patrimoine du débiteur et sont destinées à être réparties entre tous les créanciers. Aussi, pour cette raison et pour la Cour de cassation, toute compensation en vertu de l’existence d’un lien de connexité est exclue entre ladite dette de restitution découlant d’une nullité de la période suspecte et une créance admise au passif du débiteur.
Classiquement, l’ouverture d’une procédure collective emporte avec elle l’application d’un certain nombre de principes. Parmi eux, nous retrouvons la célèbre règle de l’interdiction des paiements (C. com., art. L. 622-7 ; applicable en redressement judiciaire, C. com., art. L. 631-14, al. 1). En application de cette disposition, à compter de l’ouverture de la procédure collective, il est fait interdiction au débiteur de payer toutes les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture (mais également les créances postérieures qui ne seraient pas éligibles au traitement préférentiel : P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 11e éd., Dalloz Action, 2021-2022, n° 632.311).
Cependant, le principe de l’interdiction des paiements n’est pas absolu. Le législateur l’a assorti d’une exception – d’une importance pratique considérable – en permettant le paiement par compensation de créances dites connexes (C. com., art. L. 622-7, al. 1).
Reste qu’une difficulté se présente dans cette hypothèse, car il faut alors rechercher les conditions permettant d’affirmer que deux dettes réciproques sont effectivement « connexes ». À ce propos, un bref regard sur la jurisprudence rendue en ce domaine montre trois cas couramment retenus de connexité (A. Jacquemont, N. Borga et T. Mastrullo, Droit des entreprises en difficulté, Lexisnexis, 11e éd., 2019, n° 355).
D’abord, dans le cas de figure « le plus évident », le lien de connexité ne fait aucun doute entre des créances et des dettes inscrites dans un même compte (Com. 1er mars 2005, n° 03-18.774 NP, RTD com. 2005. 581, obs. D. Legeais ; ibid. 841, obs. A. Martin-Serf ). Ensuite, dans une hypothèse un peu plus générale, la connexité peut se retrouver entre des créances résultant de l’exécution ou de l’inexécution d’un même contrat (Com. 15 mars 2005, n° 02-19.129 P, D. 2005. 1025, obs. A. Lienhard ; RTD com. 2005. 843, obs. A. Martin-Serf ). Enfin, la connexité a également été admise entre des créances résultant de conventions distinctes, mais appartenant à un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations entre les parties (Com. 1er avr. 1997, n° 94-17.516 NP).
À l’aune de ces premiers éléments, nous nous apercevons que l’interprétation jurisprudentielle de la notion de connexité est finalement assez large. Toutefois, dans le même temps, l’analyse de certains arrêts de la Cour de cassation fait apparaître que l’origine de certaines créances constitue parfois un obstacle dirimant au jeu de la compensation. À titre d’illustration, une demande de compensation entre une dette de dommages-intérêts au titre d’une action engagée en défense de l’intérêt collectif des créanciers et une créance admise au passif ne saurait aboutir, et ce, faute de lien de connexité (à propos d’une action mise en œuvre sur le fondement de l’ancien article L. 621-39 C. com. [aujourd’hui C. com., art. L. 622-20], Com. 28 mars 1995, n° 93-13.937 P, D. 1995. 410 , note F. Derrida ; RTD civ. 1996. 163, obs. J. Mestre ; RTD com. 1996. 127, obs. A. Martin-Serf ).
Cette dernière décision s’explique notamment par le fait que la compensation des créances connexes ne peut jouer lorsque l’une des créances est « indisponible ». Or tel est précisément le cas lorsqu’une d’elles est...