La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) se traduit par un ensemble de normes juridiques et de mesures pratiques visant à identifier et à limiter des techniques et moyens de blanchir l’argent et de financer le terrorisme (1).
En faveur d’une politique originale de réalisation du marché unique, le traité sur le fonctionnement de l’union européenne (TFUE) a consacré la libre circulation des capitaux et la libre circulation de prestation de services financiers sur le territoire européen aux articles 56 à 62 et 63 à 66 (2).
Seulement, un risque grandissant de détournement de ces libertés à des fins de dissimulation de capitaux et de financement de terrorisme interroge sur la recherche d’une efficacité globale de politique communautaire de prévention, contrôle et sanction de ces risques.
Présente dans les politiques internes des Etats membres, la lutte contre ces comportements décriés est construite par des règles étatiques distinctes et parfois affaiblies à cause de certaines barrières (exemple de procédures entre Etats). En France, le cadre juridique est régi par le code monétaire et financier aux articles R.561-1 à R.563-5 (3). A ce régime, s'ajoutent les arrêtés du 4 novembre 2014 et 6 janvier 2021 (4). Une passerelle d'échanges et de compétences lie depuis lors plusieurs autorités nationales sur la LCB-FT : ACPR, AMF, Banque de France, TRACFIN, ANR, COLB, Direction général du trésor.
Dans un contexte international marqué par la guerre en Ukraine et au proche-orient, les institutions européennes ont certainement été revisitées dans leur volonté politique de dépasser les échecs antérieurs sur une politique commune anti-blanchiment pour impulser de nouveaux projets d’harmonisation. “AMLA” (anti-money laundering agency) constitue l’assurance de cette promesse. Il s’agit de la future autorité européenne de la LCB-FT.
L’impulsion délibérative des députés européens sur l’harmonisation de la LCB-FT dans l’UE
Une date, le 28 mars 2023, les députés européens ont adopté 3 projets de législation sur les dispositions de financement de la politique européenne de lutte LCB-FT (5). Il s’agit de « AML Package » porté par deux règlements européen et un projet de 6è directive de la LCB-FT.
Le paquet législatif européen de AMLA en LCB-FT
Deux règlements européens composent ce AML package.
1. Premier règlement européen vise :
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la mise en place d’un devoir de vigilance à l’égard de la clientèle
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le renforcement des règles sur les registres des bénéficiaires effectifs
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la création d’instruments anonymes
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Les règles de financement participatif et les passeport visa
2. Second règlement européen concerne :
- La création d’une autorité européenne de la LCB-FT, "AMLA". Une autorité dotée de pouvoirs de surveillance et d’enquête. Certains établissements financiers présentant un risque BC-FT seront soumis à son contrôle.
En dernier lieu, un projet de sixième directive sur la LCB-FT envisage d'approfondir la législation européenne sur le rôle attribué aux cellules de renseignement financier (CRF). Les maîtres mots seraient, la coopération et la fluidité des échanges pour aborder plus sereinement les besoins d’accessibilité aux registres des bénéficiaires effectifs et les actifs stockés dans des zones franches.
Les Attributions de AMLA
L'autorité aura pour mission de :
- veiller à l’harmonisation des pratiques de LCB-FT entre Etats membres
- Assurer la convergence des politiques nationales de LCB-FT
- Superviser une quarantaine d’entités assurant des inspections sur place
Certains observateurs proposent de comprendre les attributions de AMLA en deux temps (6). Une surveillance directe dans le secteur financier et une surveillance indirecte dans les secteurs non financiers mais décisifs.
Le siège de AMLA
Paris a présenté sa candidature le 6 décembre 2022 pour accueillir le siège de l’AMLA . Les candidatures feront l’objet de négociations ultérieures au sein des institutions européennes. En rappel, Paris a le confort de concentrer plusieurs entités liées à la LCB-FT : Autorité européenne des marchés et services financiers (ESMA), Autorité bancaire européenne (ABE), Groupe d’action financière (GAFI)
AMLA devra encore attendre l'achèvement de son parcours législatif avant de voir le jour. En attendant d’apprécier les indicateurs statistiques de progression de risques de BC-FT durant l’exercice de cette entité, il est fort possible de présager une sécurisation future plus efficiente de la libre circulation des capitaux et services financiers dans l’espace UE.
Les professions mentionnées dans l’article L.561-2 du code de commerce devront progressivement anticiper leur adaptation à l’institution de AMLA.
Le Jurisfi
Par Christ ODZEMBE-LETSANGO
Note bibliographique
1. lcb.fr
2. Traite portant fonctionnment de l'Union Européenne (TFUE) : art. 56 à 62 et 63 à 66
3. Code monétaire et financier : art. L.561-2, art.R 561-1 à R.563-5
3. Arrêtés du 4 novembre 2014 et 6 janvier 2021
5. Droit et patrimoine, N°341, Décembre 2023, Anne Portmann, avec Aurelia Granel, Page, Y aurait-il une autorité de anti-blanchissement à Paris ?
6. Geoffroy Goubin, avocat au barreau de Paris, associé Bourgatchev Moyne Associés, Nathan Morin, avocat au barreau de Paris, associé Bourgatchev Moyne, Qu'attendre de la nouvelle autorité européenne de luttre contre le blanchissement? Issu, Petites affiches - n°05 - Page 19, du 31 mai 2023