Dans un communiqué de Presse (1), L'Association française des juristes d’entreprise (AFJE) a déclaré œuvrer en faveur du projet de codification du droit des affaires européen porté par l’Association Henri Capitant et la fondation pour le droit continental.
Ce projet renvoie à l’idée de former un corps cohérent et harmonisé des règles juridiques existantes et nouvelles tendant à régir les relations économiques des entreprises à l’échelle européenne, dans le cadre de l’Union européenne.
En effet, la construction du droit européen des affaires obéit à plusieurs processus répartis dans plusieurs secteurs ou domaines juridiques. Le commerce électronique, les données personnelles, et autres, sont impactés par d’importantes législations européennes. La codification imposerait un approfondissement de ces filières, dans un but d’unification cohérente. Ce qui logiquement permet aussi d’y voir une logique de reconstruction d’un droit fortement existant.
Mais, la part difficile de cette projection réside sans doute sur la recherche d’un véhicule juridique intellectuel adéquat : flexible dans son adaptation continuelle aux mouvements économiques des entreprises, simplificateur de formalisme dans les relations d’affaires communautaires et, visionnaire dans la réalisation du marché unique. Finalement, une réflexion sur les conditions possibles d’une codification ou d’un droit harmonisé au bénéfice de la compétitivité des entreprises (2).
Justement, cette étape de la réflexion a connu un réel aboutissement par la brillante intervention de l’Association Henri Capitant, dont la notoriété fait unanimité chez les professionnels et praticiens du Droit. Concrètement, dès 2017, l’association Henri Capitant s’est engagée dans le projet de code européen des affaires(3). Deux objectifs apparaissent clairement :
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d’abord, donner au droit de l’union des qualités d’accessibilité et d’intelligibilité en droit des affaires;
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ensuite, contribuer à la croissance économique de la zone et l'achèvement du marché commun à travers des nouveaux instruments contractuels européens (4).
Le 29 septembre 2023, un projet de code composé de 13 livres a été rendu public par l’association.
Son arrivée coïncide fort heureusement avec le moment même où le conseil européen s’inscrit dans une démarche de projection sur l’avenir du marché unique. Un travail qui entre dans l’héritage d’un illustre européaniste, Jacques Delors. Dans cette perspective, Le 24 juin 2023, le conseil européen a chargé Enrico Letta, ancien Premier ministre italien et Président de l’Institut Jacques Delors, de la mission de présenter un rapport indépendant de haut niveau sur l’avenir du marché unique (5). De l’autre côté, ce 16 février 2024, les travaux de l’Association Henri Capitant ont été présentés au directeur juridique de la Commission européenne par le président de l’Association, accompagnés de quelques membres.
De toute évidence, cette réflexion juridique attire de plus en plus d’attention, et mieux, des soutiens du gouvernement français et de son ministère de la justice, de la commission européenne, ou encore de juristes membres de la European Company lawyers Association (ECLA). Même si l’association Henri capitant et la fondation pour le droit continental ne disposent pas de lettre de mission en ce sens (6).
Se faire une idée sur les 13 matières retenues et traitées dans les 13 livres dudit projet, semble plus qu’essentiel. Comme l’importe-t-il tout aussi, d’appréhender l’intérêt d’aboutir à un droit des affaires européen plus accessible et intelligible à travers le code européen des affaires.
Bref aperçu des 13 livres du projet de code européen des affaires
Les 13 livres(7) du projet de code européen des affaires se présente ainsi qu’il suit :
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Livre 1 : Droit commercial général
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Livre 2 : Droit du marché
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Livre 3 : Droit du commerce électronique
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Livre 4 : Droit des sociétés
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Livre 5 : Droit des sûretés
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Livre 6 : Droit de l’exécution
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Livre 7 : Droit de l’insolvabilité
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Livre 8 : Droit bancaire
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Livre 9 : Droit des marchés financiers
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Livre 10 : Droit de la propriété intellectuelle
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Livre 11 : Droit du travail
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Livre 12 : Droit des contrats d’assurance
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Livre 13 : Droit fiscal
Dans un premier temps, le projet couvre l’ensemble des compartiments du droit des affaires et se montre très vite énonciateur, à travers des intitulés qui reflètent des disciplines théoriques de cette branche du droit.
Dans un second temps, le projet répond à la modernisation du droit des affaires en consacrant un livre entier au droit du commerce électronique (Livre 3) par exemple. Cette discipline traverse les frontières des matières classiques (droit commercial général etc.). Elle permet de joindre le droit des données personnelles et le droit des activités électroniques.
Cependant, certains auteurs s'interrogent sur le choix du code comme véhicule juridique. L’un d’eux précise que le projet s'oriente vers les véritables codes de dimension européenne répondant à un format tout à fait original qui n’est pas celui des codifications nationales ou même internationales qui les ont précédés. Ce format (du projet du code européen des affaires) est celui d’une codification d’un objet de dimension réellement européenne qui n’a aucun équivalent au niveau national(8).
Accessibilité et Intelligibilité visées par le projet du code européen des affaires
Dans un discours prononcé le 28 mars 2001, Michel Sapin, ancien ministre de la fonction publique qualifiait l'accessibilité du droit comme un fondement inhérent à la démocratie, au même titre que le droit de vote(9). De cette affirmation, l’accessibilité relève de la connaissance du droit ou de la règle juridique applicable en la matière.
Cette idée, appliquée au paysage juridique européen, implique donc la connaissance par des justificiables des règles européennes applicables en la matière. L'état actuel de ce droit est loin d’être inaccessible. Dans la mesure où, les justiciables ont des conseils aguerris qui sont à pied d'œuvre sur la veille juridique nationale et européenne.
Seulement, il faut bien admettre que la multiplication des textes européens en droit des affaires, rend la mission encore plus lourde et difficile aux professionnels de droit dans les cabinets et directions juridiques d’entreprise. L’idée d’un code apporte un soulagement, une simplification. L’accès parait plus ou moins direct. Par conséquent, le code génère l’assurance d’une connaissance complète ou globale. A la place d’un travail de recherche démultiplié dans plusieurs sens.
Concernant l’intelligibilité, le conseil constitutionnel a forgé une jurisprudence conséquente (10). Un Texte de droit est intelligible quand il est clair et compréhensible par ses destinataires. Le droit européen l’est, dans son ensemble. Mais l’effort d'intelligibilité demeure permanent.
En droit des affaires, le problème se pose sur des questions transversales pour lesquelles plusieurs régimes juridiques se trouvent parfois confrontés, soit à un problème de formalisme inadapté ou contestable, soit à celui d'insuffisance d'harmonie entre certaines règles de régimes différents. Ceci, lorsque leur articulation conduit à des solutions difficilement justifiables juridiquement. Ces difficultés sont parfois solutionnées par la jurisprudence dans son incessant rôle d’interprétation.
Le projet de code européen des affaires serait un effort important d'intelligibilité de la norme européenne des affaires. Puisqu’il a procédé d'une profonde réflexion de sens, de cohérence et d'articulation des matières abordées. Les rédacteurs ont sans doute appuyé le travail sur l’assouplissement et la compression des stipulations artificielles de certaines directives.
La richesse de cette entreprise réside dans la cohérence qui a présidé l’unification de chaque pôle de régime juridique codifié.
Pour les entreprises, ce projet mérite un plein accomplissement en vue de simplifier leur travail de mise en conformité à la norme européenne. Et pour les praticiens, doctrinaires et autres professionnels, il serait une forme d’officialisation d’un droit plus que déjà existant en théorie et dans la pratique.
Le Jurisfi
Par Christ ODZEMBE-LETSANGO
Note bibliographique
1. Petites affiches, N°071, du 9 avril 2019, l'AFJE s'engage pour un projet de code européen du droit des affaires
2. Idem (1)
3. Philippe Dupichot, Bulletins Joly sociétés, N°01, Du 1 janvier 2024, projet de code européen des affaires : commercialistes de tous les pays de l'UE, unissez-vous !
4. Idem (3)
5. Le marché unique européen à la croisée des chemins - Droit européen des affaires (codeeuropénendesaffaires.eu)
6. Miren Lartigue, Gazette du Palais, N°10, du 22 amrs 2022, le projet de code européen recueil toujours plus de soutiens, page n°7
7. Projet de code europeén des affaires (www.henricapitant.org)
8. Jean-Sylvestre Bergé, Revue des contrats, N°04 du 12 décembre 2018, Page 617, pour un code européen des affaires : de quoi parle-t-on?
9. Tiré des notes de Jacques Lecourt, issu des bulletins des sociétés, n°6, Page 467, du 01 juin 2008, Intelligibilité et accessibilité du droit : mythe ou réalité?
10. Jean-Manuel Larralde, Petites fiches, N°231, Page 11, du 19 novembre 2022, Intelligibilité de la loi et accès au droit.