Pour financer un bien ou une prestation de service, les consommateurs ont le choix entre un crédit à la consommation classique ou un crédit affecté au financement de ce bien ou de ce service.
Un crédit à la consommation classique permettra au consommateur de disposer librement de ses fonds, quand il le voudra et lui donne plus de liberté puisqu’il n’a pas à justifier de l’affectation des fonds, et de l’avancement des travaux ou de la réception du bien.
En matière de prêt immobilier (loi Scrivener 2), le banquier ne libère les fonds qu’au fur et à mesure de l’avancement des travaux et des factures acceptées, ce qui peut apparaître lourd de formalités. Il ne s'agit pas d'un crédit simplement "affecté" puisqu'une procédure rigoureuse et formelle est exigée ( signature d'un tableau d'amortissement, délai d'acceptation de l'offre, etc...).
Le contrat affecté est un contrat de crédit destiné à l'acquisition d'un bien. Mise à part cette affectation, le prêt "affecté" ne doit respecter aucune réglementation particulière, passé un certain montant.... En ce sens, qu'au dessus de 21.500 € et désormais de 75.000 €, il ne s'agit plus obligatoirement d'un contrat de crédit à la consommation, ni forcément d'un prêt immobilier.
Inutile d’insister sur les avantages dont ont bénéficié les consommateurs qui ont emprunté pour financer des travaux d'amélioration de l'habitat au moyen d'un prêt immobilier.
Il est dommage sur ce point que la Loi Lagarde du 1er juillet 2010 ait limité le champ d’application du prêt immobilier puisque il ne s’applique de façon obligatoirement qu’au dessus de 75.000 € (au lieu de 21.500 € Loi Scrivener 1).
Rien n’empêche, là encore, les parties d’avoir recours aux dispositions du crédit immobilier pour un crédit inférieur à 75.000 € si les propriétaires s’adressent à leur banque qui le leur accorde. Il s'agit certainement du mode de financement le plus protecteur. Les taux sont d'ailleurs plus intéressants.
En revanche, les installateurs et vendeurs de matériel pourront continuer à proposer, en toute légalité, des contrats de crédits à la consommation, qui auront bien plus de chances d’être accordés , les établissements de crédits étant peut être moins "regardants", même s'ils doivent depuis le décret du 1er mai 2011 demander la justification des revenus à partir de 3000 .
Désormais les travaux d’amélioration de l’habitat vont être réglées par les règles du contrat de crédit à la consommation jusqu’à 75.000 €. (Voir l’article sur les apports de la loi Lagarde pour les consommateurs).
Il faut en conclure que jusqu’à 75.000 €, les emprunteurs vont s’engager sans vérifier ce que représente l’amortissement de la somme empruntée et son détail par mensualité, sans compter les nouvelles pénalités de remboursement anticipé.
De nombreuses personnes qui ont acheté des panneaux solaires, des volets roulants ou une pompe à chaleur n’ont pas eu conscience au moment de la signature du contrat de crédit affecté que le « coût du crédit » était supérieur au coût de l’installation elle-même avoisinant déjà les 27.000 €.
Le crédit est présenté comme indolore, « auto-financé », puisque couvert par le rachat de la production d’électricité, ou par les économies d’énergies réalisées… donc ils peuvent penser que le coût du crédit représente le coût total de l’installation, et non seulement celui du crédit.
La disproportion du coût du crédit par rapport aux panneaux vient troubler le discernement du consommateur qui pense devoir rembourser « le coût total du crédit 33.000 € » et non en réalité 60.000 €.
Ce n’est qu’à la réception du tableau d’amortissement, quand ils arrivent à le recevoir, qu’apparaît enfin le montant total de l’opération, matériel compris ; environ 60.000 €.
Une personne avertie pourrait reprocher au consommateur victime son ignorance, ayant signé un contrat de vente et un contrat de crédit, de ne pas avoir additionné le prix des deux prestations.
Or, le consommateur n’est pas une personne avertie en matière de crédit, pas plus qu’elle ne s’y connaît en matière de rendement de nouvelles technologies.
Il est regrettable que la nouvelle loi Lagarde n’ait pas profité de l’occasion d’augmenter le champ d’application des crédits à la consommation, pour exiger, au delà d’un certain montant éventuellement, la communication d’un échéancier au moment de la signature du contrat de prêt.
Cette formalité, qu’a l’avantage de présenter le crédit immobilier, n’est désormais plus exigée pour des prêts inférieurs à 75.000 €.
La communication d’un échéancier aurait été le gage d’une meilleure information du client qui ne pourrait plus se méprendre sur le coût réel du produit ou du service, financé par un établissement de crédit.
La méprise vient des arguments financiers et forcément commerciaux, développés par les vendeurs qui restent valables, à condition de bien préciser que l’installation est amortie sur 7 ans, seulement si le client paie comptant.
A défaut de payer comptant, l’installation n’est plus amortie sur 7 ans, mais sur 15 ans puisque un crédit plus court ne serait pas accepté compte tenu des mensualités. Les établissements de crédit ont une certaine éthique.
C’est pourquoi le vendeur prévoit que le prêt sera remboursé sur 180 mensualités sans écrire pour autant 15 ans, par échéances de 300 € environs.
Dans ces conditions, l’opération n’est plus « auto-financée » par le rachat de la production d’électricité, comme il est possible de le remarquer après un an de production.
Passé ce délai, les consommateurs s’aperçoivent que le prix du rachat par EDF de l’électricité ne couvre pas les mensualités demandées par l’établissement de crédit, et commencent à avoir des difficultés pour rembourser.
La détresse de ces personnes est aujourd’hui poignante puisqu’ils n’avaient pas prévu de rembourser ce prêt de 300 € par mois environ avec tout ou partie de leur budget déjà serré. Les emprunteurs sont souvent des employés ou des retraités qui se sont endettés pour s’offrir une jolie petite maison individuelle qui représente souvent plus de 30% de leur budget. La crise économique n’a fait qu’accroître le malaise.
La loi Lagarde a l’avantage d’exiger depuis le 1er mai 2011 que les vendeurs de magasins soient formés sur la législation applicable en matière de crédit à la consommation par une société de formation ou un organisme de crédit.
En conséquence, à défaut de certificat actualisé de formation, le consommateur pourra prouver en justice que l’établissement de crédit a manqué à son devoir de conseil, puisqu’il n’a pas été proposé au consommateur par une personne qualifiée.
C’est une avancée, mais est-ce réellement suffisant dans le cadre de politiques commerciales agressives qui prônent le démarchage à domicile et la technique du parrainage de nouveaux clients... La preuve de la formation du vendeur devrait être davantage officialisée afin d’éviter le risque d’attestations de complaisances de l’établissement de crédit lui-même.
La loi Lagarde a aussi le mérite d’exiger pour 3.000 € d’achat, la justification des revenus du consommateur. A défaut, ce dernier pourra aussi reprocher à l’établissement bancaire un manqhement au devoir de conseil. Les petits arrangements dont seraient complices les vendeurs devraient cesser, comme la possibilité de faire le contrat au nom de la maman mais payé par le fils. (Voir sur ce thème le devoir de conseil de l’établissement bancaire).
Le crédit affecté est assorti de garanties mais il demeure une opération très coûteuse.
La compréhension des règles du crédit en général n’est pas innée, et elle s’avère complexe pour des particuliers, souvent âgés, qui font naturellement confiance. Sans être particulièrement naïfs, ils se sont tous enthousiasmés de surfer sur les nouvelles technologies et les économies d’énergies. Leur confiance était s’il le fallait, confortée par la caution des organismes publics (prime de la région, crédit
d’impôt) et EDF.
Les victimes pensent amèrement que les organismes publics ont cautionné une arnaque puisqu’ils ont bénéficié d’avantages fiscaux.
Le manque de clareté des imprimés de crédits affectés ajouté au manquement de conseil et de loyauté du vendeur devraient permettre d’engager leur responsabilité civile afin de leur demander de réparer le préjudice qui en est résulté.
La jurisprudence a déjà condamné Sofemo et le vendeur à réparer le préjudice causé à concurrence de leurs fautes respectives (Voir cass civ. 1ère, 13 nov. 2008 commenté) dans le cas où le vendeur de volets roulants n’avait pas exécuté sa prestation.
Tout porte à croire que les clients n’aient pas reçu le matériel, ou qu’il ne soit pas en état de fonctionnement. Il est donc logique que les clients n’aient plus à payer le prêt et juste que le vendeur qui a reçu les fonds les rembourse à l’établissement de crédit.
Dans le cas où le consommateur est fondé à annuler le prêt ou à solliciter des dommages et intérêts pour manquement au devoir de conseil, il n’y a pas de raison de ne pas espérer obtenir gain de cause.
Agnès Barré - Avocat à la Cour
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