Lorsque des époux décident de divorcer, ils souhaitent rapidement ne plus avoir à vivre sous le même toit. Mais se pose alors la question de qui reste au domicile conjugal ? Quelle compensation pour l’autre ? Comment régir le sort du domicile conjugal ?
· L’attribution du logement
Dans le cadre d’une procédure de divorce judiciaire, les époux peuvent solliciter du Juge aux affaires familiales de statuer sur des mesures provisoires.
L’article 255 du code civil dispose que « Le juge peut notamment :
1° Proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;
2° Enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de la médiation ;
3° Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;
4° Attribuer à l'un d'eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l'accord des époux sur le montant d'une indemnité d'occupation ;
5° Ordonner la remise des vêtements et objets personnels ;
6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d'instance que l'un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ;
7° Accorder à l'un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire ;
8° Statuer sur l'attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;
9° Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;
10° Désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager. »
Le quatrième alinéa permet au juge d’attribuer la jouissance du logement à l’un des deux époux, et préciser si cette occupation aura un caractère gratuit ou onéreux.
· L’indemnité d’occupation
Une fois le logement attribué à l’un des époux, le juge doit préciser les modalités de la jouissance, à savoir gracieuse ou onéreuse.
Par principe, la jouissance d’un bien de la communauté par un seul époux se fera en contrepartie d’une indemnité d’occupation, mais elle peut également être gratuite. (article 815-9 du Code civil )
- Jouissance onéreuse
Il est de jurisprudence constante que l’indemnité d’occupation pour jouissance privative est due même en l’absence d’occupation privative effective des lieux, dés lors qu’il y’a impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d’en user.
La cour de cassation a rappelé dans son arrêt du 29 juin 2011,que « l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, recevable d'une indemnité ; qu'en affirmant que Monsieur Pierre X...avait utilisé la cave à vin indivise avec son frère avant 2005, sans constater qu'il exploitait personnellement des vignes autres que celles qu'il avait apportées au GFA et que celui-ci avait donné à bail à Monsieur Etienne X...qui les avait exploités jusqu'à la date du partage du 10 avril 2006, la Cour d'appel prive son arrêt de base légale au regard de l'article 815-9 du Code civil, violé. » (Cass. Civ. I, 29 juin 2011, n° 10-15.634)
Dans cette situation, il sera nécessaire de déterminer le moment de l’indemnité d’occupation au moment de la liquidation de la communauté.
Le mode de calcul est de l’appréciation souveraine des juges qui peuvent prendre en considération la valeur locative, mais également de nombreux autres éléments afin d’augmenter la valeur ou la diminuer.
Souvent, l’indemnité d’occupation se calcule selon la valeur locative du bien décotée d’environ 20% (entre 15 et 30% selon les cas).
Cette décote valorise la précarité de l’occupation pour l’époux, dont le statut est à cheval entre propriétaire et locataire, dont il ne bénéficie pas de la protection.
Cette indemnité est due dès l’ordonnance de non conciliation et la jouissance privative du bien par un seul des époux.
L’article 262-1 du code civil : « La convention ou le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :
-lorsqu'il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d'un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n'en stipule autrement ;
-lorsqu'il est prononcé par consentement mutuel dans le cas prévu au 1° de l'article 229-2, à la date de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n'en dispose autrement ;
-lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l'ordonnance de non-conciliation.
A la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge. »
Fiscalement, la perception de l’indemnité d’occupation doit être déclarée comme revenu foncier.
- Jouissance gratuite
Le juge peut également attribuer la jouissance du bien à titre gratuit, à l’un des époux, en prenant en considération la situation financière et personnelle.
Dans cette hypothèse, la jouissance gratuite viendra en remplacement ou en complément du devoir de secours, qui est une mesure de solidarité entre les époux, résultant des devoirs d’assistance et secours entre époux.
L’époux bénéficiaire ne devra aucune compensation à son époux pour l’occupation du bien durant la procédure de divorce.
Néanmoins, la jouissance gratuite s’arrête au jour du prononcé du divorce définitif (qui met fin au devoir de secours).
L’époux se maintenant dans les lieux a delà de cette date sera redevable désormais d’une indemnité d’occupation.
Il convient également de préciser que la jouissance à titre gratuite ne l’est pas totalement puisque l’adminustration fiscale la considère comme un avantage en nature donnant lieu à imposition.
L’autre époux peut ainsi déduire cet avantage en nature lors de sa déclaration de revenus, tel le versement d’une pension alimentaire.
L’époux bénéficiaire devra quand à lui déclarer la jouissance gratuite comme pension.
Cette règle a été récemment réaffirmée par M. le ministre de l'action et des comptes publics à la suite d’une question de Madame la Députée Laure de La Raudière, avec réponse ministérielle en date du 3 Décembre 2019 :
« L'article 815-9 du code civil précise que l'indivisaire qui jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité. Dans le cadre d'une procédure de divorce, le juge aux affaires familiales peut, en vertu de l'article 255 du code civil, prononcer des mesures provisoires. Il a notamment la possibilité d'attribuer à l'un des époux la jouissance du logement familial dont ils sont propriétaires et précise si cette attribution a lieu à titre gratuit ou moyennant le versement d'une indemnité d'occupation. Cette indemnité, déterminée par comparaison avec le marché locatif, correspond, en fonction de la quote-part de chacun dans l'indivision, à la valeur du loyer du logement, éventuellement affectée d'un abattement afin de tenir compte des spécificités de l'espèce (précarité, hébergement des enfants du couple…). Dans l'attente du règlement définitif du divorce et de la liquidation du régime matrimonial, les ex-époux restent en indivision pour la gestion de l'ensemble de leurs biens. Conformément aux dispositions de l'article 262-1 du code civil, la jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge. Les conséquences fiscales de l'attribution du logement familial à l'un des époux au titre des mesures provisoires dépendent du caractère gratuit ou non de cette attribution. La disposition à titre gratuit équivaut, en vertu de l'article 156 du code général des impôts (CGI), au versement d'une pension alimentaire déductible du revenu imposable de l'ex-conjoint qui abandonne la jouissance du logement. Corrélativement, en application de l'article 79 du CGI, la somme admise en déduction constitue, pour celui des ex-conjoints qui occupe le logement, un revenu imposable dans la catégorie des pensions. La mise à disposition à titre onéreux donne lieu au versement par l'occupant d'une indemnité d'occupation constitutive d'un revenu foncier pour celui qui la reçoit. Au regard des dispositions du 2° du II de l'article 156 du CGI, le versement d'une indemnité d'occupation au profit de l'ex-conjoint ne résulte pas de l'exécution d'une obligation alimentaire ; elle représente la contrepartie de la jouissance privative du bien. Par suite, l'ex-conjoint qui la verse ne peut la déduire de son revenu global. »
Ø Question publiée au JO le : 23/07/2019 page : 6784 Réponse publiée au JO le : 03/12/2019 page : 10505 (http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-21788QE.htm)
Il convient d’être vigilent sur les conséquences de l’attribution du logement dans le cadre de la procédure de divorce.