En clair, le différé spécifique d'indemnisation a pour objet de retarder le versement des allocations chômage compte tenu des indemnités supra légales obtenues par le salarié notamment devant le Conseil de Prud'hommes.
Le montant des dommages et intérêts alloués par le Conseil de Prud'hommes en cas de licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse varie selon l'ancienneté du salarié (plus ou moins de 2 ans) et la taille de l'entreprise (11 salariés et plus ou moins de 11 salariés).
Ainsi, lorsque le salarié bénéficie d'une ancienneté d'au moins 2 ans dans une entreprise d'au moins 11 salariés, il se voit octroyer des dommages et intérêts correspondant à au moins 6 mois de salaires (article L1235-3 du Code du travail). Il est alors tenu compte dans le calcul du différé d'indemnisation de l'indemnité au-dessus de 6 mois de salaires.
En revanche, et c'est là que le Conseil d'Etat a dénoncé le dispositif prévu par l'assurance chômage, les salariés bénéficiant d'une ancienneté de moins de 2 ans ou ayant travaillé dans une entreprise de moins de 11 salariés ne bénéficient pas, pour la fixation du montant des dommages et intérêts, du plancher légal d'au moins 6 mois de salaire: le juge détermine librement l'indemnité due au salarié en fonction du préjudice subi (article L 1235-5 du Code du travail). Ainsi, la totalité des indemnités prud'homales allouées pour préjudice subi au titre du licenciement abusif est prise en compte dans le calcul du différé spécifique, les privant ainsi d'une véritable réparation de leur préjudice en particulier pour les salariés ayant retrouvé un emploi.
En effet, un salarié ayant obtenu réparation à hauteur de 3 mois de salaires par exemple et qui aurait retrouvé un emploi dans ce laps de temps, n'aurait au final reçu aucune réparation de son préjudice alors même que ce dernier découlerait d'un licenciement jugé abusif. La décision du Conseil d'Etat paraît donc logique. Néanmoins, la convention d'assurance chômage continue à s'appliquer jusqu'au 1er mars 2016 afin de permettre aux partenaires sociaux d'adopter un nouveau texte.
En conséquence, des salariés qui se voient aujourd'hui appliquer un dispositif jugé illégal par le Conseil d'Etat et qui au final n'obtiendraient aucune réparation de leur préjudice pourraient tenter d'obtenir le remboursement des sommes trop versées au Pôle Emploi (après recalcul du différé à la suite du jugement prud'homal) selon le calcul et la méthode qui seront adoptés et mis en oeuvre à partir du 1er mars 2016.
Un nouveau contentieux est donc à prévoir.