Par un arrêt du 27 septembre 2017 (n°15-28605), la Cour de Cassation rappelle une nouvelle fois que si l'employeur s'abstient d'appliquer les préconisations du médecin du travail du salarié, il manque à son obligation de sécurité et peut être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié.
Rappel des dispositions de l'article L 4121-1 du Code du travail: "l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, d'information et de formation ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes".
L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité. Devant préserver l'état de santé du salarié, l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires afin d'éviter notamment la survenance d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail et notamment respecter les recommandations du médecin du travail.
Les faits d'espèce: Un salarié est embauché à un poste de chef d'équipe façadier. Dans le cadre de sa visite médicale d'embauche, le médecin du travail le déclare apte à son poste mais préconise le port d'un support de poignet comme cela est précisé sur la fiche d'aptitude adressée à l'employeur. Celui-ci ne tient pas compte et ne fournit aucun équipement au salarié.
Quelques mois plus tard, le salarié est arrêté au titre d'une maladie professionnelle liée à la faiblesse de ses poignets puis licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
La Cour d'Appel déboute le salarié de la contestation de son licenciement au regard de sa mise en danger par son employeur, reprochant au salarié de ne pas avoir alerté l'employeur sur la nécessité d'acheter des renforts de poignet et précisant de manière assez surprenante que l'employeur serait destinataire de la fiche du médecin du travail uniquement à des fins de conservation mais n'était tenu par aucune obligation concrète par le médecin du travail qui ne l'avait pas alerté sur l'achat des renforts de poignet.
L'arrêt de la Cour de Cassation: La Cour de Cassation censure l'arrêt d'appel. Le Code du travail dispose en effet que l'employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à leur mise en application (article L 4624-6). S'il ne se rapproche pas du médecin du travail pour trouver une solution ou s'il n'exerce pas de recours contre l'avis du médecin du travail assorti de propositions, l'employeur est lié et n'a pas d'autre choix que de les appliquer (Cass. soc, 19/07/95 n°91-44544; Cass. soc 29/01/97 n°93-46443).
En n'appliquant pas la préconisation du médecin du travail dont il était infirmé, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, ce qui justifie sa condamnation au versement de dommages et intérêts.
Pour mémoire, il sera rappelé que depuis le 1er janvier 2017 (Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 et décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016), en cas de contestation des éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, l'employeur ou le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de désignation d'un médecin expert inscrit sur la liste des experts près de la Cour d'appel (C. trav., art. L. 4624-7 et R. 4624-45).
L'affaire est alors directement portée devant la formation de référé du Conseil des prudhommes. Le demandeur doit en informer le médecin du travail. Le décret du 27 décembre 2016 précise que la formation de référé doit être saisie dans un délai de quinze jours à compter de la notification des avis médicaux.
Une fois désigné, le médecin-expert peut (et non doit) demander au médecin du travail la communication du dossier médical du salarié afin de rendre son rapport. La formation de référé ou, le cas échéant, le Conseil de prud'hommes saisi au fond peut (là encore, pas d’obligation) en outre, charger le médecin inspecteur du travail d'une consultation relative à la contestation, dans les conditions prévues aux articles 256 à 258 du Code de procédure civile.