Dans un arrêt en date du 14 février 2012, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation semble opérer un revirement de jurisprudence quant au régime des nullités de procédure. Les faits de l’espèce étaient les suivants: deux hommes sont poursuivis l’un pour vol avec effraction en récidive , l’autre pour le recel de cette infraction. Au cours de sa garde à vue, l’homme mis en cause pour recel incrimine celui poursuivi pour vol. Devant le Tribunal correctionnel, les deux hommes sont condamnés. Celui condamné pour le vol décide de faire appel, le receleur acceptant la décision du Tribunal.
En cause d’appel, le prévenu soutient que la garde à vue de son co-prévenu serait entachée de nullité au motif d’une part que son droit au silence ne lui aurait pas été notifié et que d’autre part il n’aurait pas bénéficié de l’assistance d’un avocat. Sans difficulté, la Cour d’Appel annule alors les procès-verbaux d’audition du receleur estimant que les déclarations de l’intéressé ont été reçues de façon irrégulière et qu’elle porte atteinte aux intérêts du second prévenu. En effet, la Cour relève que seules les déclarations du receleur ont permis la mise en cause de l’autre prévenu.
La Cour de Cassation va toutefois casser cet arrêt jugeant que
« la méconnaissance des formalités substantielles auxquelles est subordonnée la garde à vue ne peut être invoquée à l’appui d’une demande d’annulation d’acte ou de pièce de procédure que par la partie qu’elle concerne ».
Elle affirme que le prévenu poursuivi pour vol n’avait donc pas qualité pour se prévaloir de la nullité de la garde à vue de son co-prévenu.
La décision est surprenante en ce qu’elle est contraire à la position antérieure de la Cour qui jugeait que « le requérant à la nullité peut invoquer l’irrégularité d’un acte de la procédure concernant un tiers si cet acte, illégalement accompli, a porté atteinte à ses intérêts ».
Surtout, elle semble contraire à la position de la Cour Européenne des droits de l’homme qui le 29 mars 2005 avait condamné la France pour avoir interdit à un prévenu de se prévaloir de la nullité d’écoutes téléphoniques le mettant en cause au motif qu’elles étaient issues d’une autre procédure. La Cour avait alors retenu que dès lors que ces écoutes portaient atteinte aux intérêts de l’intéressé, il pouvait en contester la régularité (CEDH 29 mars 2005, n° 57752/00, Matheron c. France)
En tout état de cause, si cet arrêt venait à être confirmé par d’autres décisions, nul doute qu’il constituerait un coup porté aux droits de la défense en permettant au Parquet de se prévaloir d’éléments pourtant collectés dans des conditions irrégulières.