LA CLAUSE DE NON-CONCURRENCE, MODE D’EMPLOI (2ÈME PARTIE)

Publié le 22/11/2022 Vu 1 359 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Plus d’un siècle après le droit anglais c’est en 1967 que la Cour de Cassation valide l’existence de la clause de non concurrence. Cet article fait suite au précédent article sur le même sujet.

Plus d’un siècle après le droit anglais c’est en 1967 que la Cour de Cassation valide l’existence de l

LA CLAUSE DE NON-CONCURRENCE, MODE D’EMPLOI (2ÈME PARTIE)

Poursuivons l’étude des décisions rendues en 2022 par trois questions :

1/ Que se passe-t-il quand une partie de la clause de non concurrence est nulle, la nullité s’étend-elle ou non à toute la clause ?

2/ Comment le salarié peut-il obtenir réparation du préjudice causé par une clause de non-concurrence jugée nulle ?

3/ Comment réagir face à une clause de non-concurrence dissimulée sous une autre dénomination ?

 

1 - La nullité d’une partie de la clause de non-concurrence ne s’étend pas à toute la clause elle-même (CA de PAU Ch. sociale 13 janv. 2022 RG n°19/02467)

Une salariée Négociatrice immobilière démissionne et est condamnée par le Conseil de prud’hommes à des dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence. Elle fait appel du jugement rendu et soulève la nullité de la clause. 

La salariée constate que la clause prévoit des indemnités de non-concurrence et une durée d’application de la clause différente selon le mode de rupture de contrat (en cas de démission et faute grave ou lourde la contrepartie financière est réduite de moitié et la clause est applicable pendant 12 mois au lieu de 6 pour cause réelle et sérieuse), disparités contraires selon elle au principe de proportionnalité. Elle conteste également la contrepartie financière de la clause de non-concurrence qu’elle juge dérisoire d’1/10ème de sa rémunération soit 210 € mensuel. 

Effectivement l’employeur ne peut pas prévoir une indemnité de non-concurrence différente selon les motifs de la rupture. Ces distorsions portent atteinte à la liberté du travail qui doit être la même dans tous les cas. Cette irrégularité affecte-t-elle pour autant toute la clause ? Autrement dit la clause toute entière doit-elle être jugée nulle ?

Non, les juges n’annulent pas l’intégralité de la clause mais déclarent non écrites les dispositions non conformes qui diminuent de moitié la contrepartie financière en cas de démission ou licenciement pour faute grave et lourde par rapport au licenciement pour cause réelle et sérieuse ; Puis ils alignent les durées de 12 mois prévues en cas de démission ou de licenciement pour faute grave ou lourde sur la durée de 6 mois fixée par l’employeur pour licenciement pour cause réelle et sérieuse. Ils conservent donc la durée la plus courte.

La contrepartie financière n’est quant à elle pas jugée dérisoire par la Cour puisqu’elle correspond au tiers de la rémunération mensuelle moyenne des 12 derniers mois de la salariée (ce n’est pas le montant de la contre-partie qui compte mais la quote-part fixée à un tiers qui est jugée suffisante). 

 

2 - La réparation du préjudice causé au salarié par une clause de non concurrence jugée nulle (CA de Bordeaux, Ch. sociale, Section B, Arrêt du 17 mars 2022, RG nº 19/05089)

Une animatrice financière disposant d’une une clause de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail démissionne, son employeur refuse de la libérer de la clause de non-concurrence, bien que la salariée ait contesté le bien fondé de cette clause et ait renoncé à son indemnité de clause de non-concurrence. 

La cour d’appel saisie par la salariée annule la clause de non-concurrence relevant que si elle est limitée dans le temps (un an) et dans l’espace (département de la Charente et immédiatement limitrophes), la clause s’avérait excessive "quant à la combinaison des emplois et du nombre de départements visés dans la clause (qui) interdisait, de fait, à la salariée de retrouver un emploi correspondant à ses qualifications dans un rayon de 500 kilomètres de son domicile..."

Des restrictions pour la Cour "manifestement excessives" et non "indispensables à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise compte tenu de la non spécificité de l’emploi occupé par la salariée et en ce qu’elle portent une atteinte disproportionnée à la liberté du travail".

Constatant que la salariée justifiait qu’elle bénéficiait d’une promesse d’embauche du Crédit Mutuel, offre retirée après refus de l’employeur de ne pas lever la clause de non concurrence, la salariée a été "prise en charge par Pôle Emploi après sa démission avec un délai de carence de 4 mois et s’est inscrite en qualité d’auto entrepreneur sans générer de ressources propres avant de retrouver un emploi en septembre 2019 dans son domaine de compétence...Au vu de ces éléments, la Cour évalue le montant des dommages et intérêts qui doivent lui être alloués en réparation du préjudice subi à la somme de 20 000 euros."  

 

3 - Lorsqu’une clause de non-sollicitation est requalifiée en clause de non-concurrence (CA de Montpellier 12 janv. 2022 RG n°18/00639) 

Le contrat de travail d’un salarié Chef d’agence licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement comprenait une clause dénommée « clause de non-sollicitation de la clientèle » : « clause de non-sollicitation de clientèle – en cas de rupture de son contrat de travail pour quelque cause que ce soit, le salarié s’interdit de détourner ou de tenter de détourner tout ou une partie de la clientèle de l’entreprise. Le fait d’intervenir directement ou par personne interposée moins d’un an après son départ effectif, pour un client quelconque de l’entreprise, sans en avoir obtenu d’autorisation écrite, constituerait de la part du salarié un abus et un manquement à la loyauté ».

L’employeur soutenait qu’il ne s’agissait pas d’une clause de non-concurrence, car la clause n’interdisait pas au salarié de se faire embaucher par une entreprise concurrente. Le salarié lui répliquait qu’une interdiction d’entrer en relation pendant 1 an après avoir quitté l’entreprise avec tout client de son ancien employeur sans son autorisation s’apparentait bien à une clause de non-concurrence. 

Suivant l’argumentation du salarié, la Cour requalifie la clause de non-sollicitation en clause de non-concurrence : « cette clause dépourvue de toute contrepartie financière et non limitée dans l’espace était une clause de non-concurrence illicite » puisqu’aucune contrepartie financière n’était prévue et qu’elle n’était pas limitée dans l’espace. 

 

Il ressort de ces décisions une volonté pragmatique des juges de protéger les droits du salarié à la liberté de travail. L’employeur veillera à faire preuve de rigueur et de précisions dans la rédaction de la clause de non-concurrence et à respecter les conditions de sa levée. Le salarié conservera les justificatifs de sa recherche d’emploi pour conforter sa demande de dommages et intérêts.

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.