Comment déjouer les pièges des contrats courts 2ème partie

Publié le 20/05/2020 Vu 1 922 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Cet article est la suite du 1er article sur le sujet : Comment obtenir la requalification de votre CDD en CDI.

Cet article est la suite du 1er article sur le sujet : Comment obtenir la requalification de votre CDD en CDI.

Comment déjouer les pièges des contrats courts 2ème partie

 

1. Le surcroit d’activité ne doit pas dissimuler une activité normale et permanente.

L’article L.1242-1 du Code du travail est explicite :

« Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».

Vous obtiendrez donc la requalification de votre contrat à durée déterminée si vous établissez que votre contrat correspond à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et non à une tâche temporaire.

C’est ce que constate la Cour dans son arrêt du 10 avril 2019  n°17-31712 à l’égard d’une formatrice secrétaire médico-sociale embauchée durant 1 an et demi, début 2012 jusqu’à mi- 2013 durant 14 mois.

Les juges du fond ont procédé à une analyse "in concreto" pour déduire que les tâches de la salariée correspondaient à l’activité normale et permanente de l’employeur, c’est à dire qu’ils ont examinées les conditions réelles de travail de la salariée dans l’entreprise :

« La Cour d’Appel…a fait ressortir que le surcroît d’activité entraîné par la mise en place d’une nouvelle formation s’inscrivait dans le cadre de l’activité normale et permanente de l’association et n’était pas temporaire, a… exactement déduit que le contrat à durée déterminée de la salariée devait être requalifié en contrat à durée indéterminée ».

 

2. Le cas du CDDU et la notion d’usage appréhendée par les Juges :

Par exception aux règles relatives au contrat à durée déterminée, le contrat à durée déterminée d’usage est lui-même un contrat d’exception dans l’exception puisque l’article L1242-2 du Code du travail autorise dans certain secteur l’usage de CDD en raison de la nature de l’activité d’exercée et du caractère par nature temporaire des emplois, par exemple dans la restauration, l’enseignement, les centres de loisir et de vacances etc  (voir la liste complète à l'article D.1242-1 du code du travail).

C’est sur la notion d’usage que le contentieux se cristallise puisque la loi ne précise pas la définition de cette « usage constant », seules des circulaires ministérielles insistent sur le caractère ancien et bien établi de tel usage dans la profession.

S’agissant d’une exception, c’est à l’employeur d’établir l’existence de cet usage constant lui permettant de justifier l’utilisation du CDDU.

Dans l’arrêt du 4 décembre 2019  n°18-11989 la cour sanctionne l’employeur d’un joueur de rugby employé par plusieurs contrats à durée déterminée successifs de 2006 à 2013 qui a échoué à établir le caractère d’usage constant du CDDU :

« ...l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999,… qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ;

…ayant relevé que l’employeur se bornait à affirmer qu’il était d’usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée dans le secteur du sport professionnel et ne produisait aux débats aucun élément concret et précis de nature à établir que le salarié exerçait un emploi par nature temporaire, la cour d’appel a pu en déduire que la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée devait être prononcée ».

Mais une fois que cet usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée est établi, l’employeur doit également justifier que l’activité exercée par le salarié n’a pas pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise  (article L.1242-1 du Code du travail).

C’est donc un deuxième écueil pour l’employeur qui a ainsi été sanctionné par l’arrêt du 20 novembre 2019 n°18-15696 rendu à l’égard d’un superviseur embauché durant 4 ans par contrat à durée déterminé d’usage, la Cour de Cassation énonçant :

« Que le salarié embauchée en qualité d’enquêteur… avait toujours travaillé, sur une période de 58 mois quasi-consécutifs, pour effectuer des prestations identiques… selon un volume d’heures témoignant d’une certaine constance…
la société employait un nombre très important d’enquêteurs vacataires sans démontrer que l’engagement du salarié répondait à des circonstances précises et concrètes telles que des pics d’activité auxquels des enquêteurs permanents n’auraient pas pu faire face…, ni les données statistiques concernant la spécificité… de l’activité d’instituts de sondage, ni le nombre d’heures d’enquêtes sur le site…, ni les délais de réalisation des enquêtes ne caractérisaient l’existence de raisons objectives justifiant le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par le salarié et déduire de ses constatations que cet emploi était en réalité durablement en lien avec l’activité normale et permanente de la société

 

 

3. Le salarié en contrat de travail à durée déterminée ne doit pas être à la disposition de l’employeur.

C’est un des critères majeurs pour convaincre les Juges de requalifier le CDD en CDI :

Ainsi à l’égard d’un agent de production ayant conclu 253 contrats de mission et avenants de 2007 à 2014 dont la relation contractuelle est requalifiée en contrat à durée indéterminée :

« compte tenu de la fréquence et du nombre de contrats successifs de mise à disposition… le salarié avait démontré, par la production des relevés de sa situation vis-à-vis de Pôle emploi et par ses déclarations de revenus… qu’il n’était pas à la disposition d’un autre employeur, qu’il avait en réalité été inoccupé pendant cette période, que ces périodes d’inactivité s’intercalaient, de façon irrégulière chaque année, entre deux longues périodes d’activité et que chaque contrat de mission avait été signé le jour même du début de la mission ce qui permettait de conclure qu’il ne connaissait la date de ses missions qu’à ce moment-là, la cour d’appel, qui en a déduit que le salarié s’était tenu à la disposition permanente de la société, a légalement justifié sa décision de ce chef ».

Dans le même sens à l’égard d’un agent de sécurité embauché en 2010 et licencié 2 ans plus tard pour lequel la Cour constate que :

« les horaires de travail du salarié à temps partiel variaient constamment et que la durée du travail convenue était fréquemment dépassée, sans que l’employeur ne justifie du respect du délai de prévenance contractuel, en sorte que, compte tenu de l’incertitude avérée de ses horaires de travail, le salarié était contraint de demeurer à la disposition permanente de l’employeur, la cour d’appel en a exactement déduit que le contrat de travail à temps partiel… devait être requalifié à temps complet ; que le moyen n’est pas fondé ».

Et dans le même sens, arrêt du 23 janvier 2019 n°17-21796 concernant un infirmier « ayant conclu 60 contrats à durée déterminée, séparés de courtes périodes d’interruption, pendant 3 années, pour occuper, moyennant une rémunération identique, le poste d’infirmier et occasionnellement celui d’aide-soignant ».

Le salarié obtient la requalification de ses contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la Cour constatant que l’employeur « lui avait proposés des remplacements au dernier moment, ce qui l’obligeait à rester à la disposition de l’employeur, que la lecture du registre du personnel faisait apparaître que le recours aux contrats à durée déterminée était un mode habituel de gestion du personnel au sein de la clinique, ce dont elle a pu déduire que le recours à ces contrats avait eu pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».

 

4. La preuve des périodes interstitielles par le salarié.

 

1. Qu’est qu’une période interstitielle ?

Ce sont des périodes qui séparent les différents contrats à durée déterminée.

Dans le cadre d’une procédure de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié peut demander le paiement de rappel de salaire sur les périodes séparant les différents contrats à durée déterminé régulier s’il prouve qu’il s’est tenu durant ces périodes dites interstitielles à la disposition de son employeur.

Moins connu que les autres contentieux, création jurisprudentielle, dont Cour de Cassation 16 septembre 2015 n°14-16277 ces périodes interstitielles donnent lieu à un contentieux régulier.

C’est le salarié qui doit établir qu’il est resté à la disposition de son employeur durant les périodes d’attente entre chaque CDD.

Les Juges d’appel sont souverains pour déterminer si le salarié s’est bien tenu à la disposition de son employeur :

« Ayant prononcé la requalification en un contrat à durée indéterminée des contrats à durée déterminée d’usage… et constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve versés aux débats, que la salariée s’était tenue à disposition de son employeur pendant les périodes interstitielles, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elle pouvait prétendre à un rappel de salaire au titre de cette période » Cass. 18 décembre 2019 n°18-25322.

Arrêt précité 20 novembre 2019 n°18-15696 relatif au superviseur dans lequel la Cour constate « que le salarié ne pouvait connaître que le vendredi à quel rythme il serait éventuellement amené à travailler la semaine suivante et en a déduit que l’intéressé était ainsi contraint de se tenir à la disposition permanente de l’employeur, y compris pendant les périodes interstitielles ».

Dans le même sens 23 janvier 2019 n°17-21796, concernant un infirmier ayant conclu 59 contrats à durée déterminée non continue de 2011 à 2015, pour lequel la Cour relève que :

« Le salarié avait connaissance de ses dates d’embauche au fur et à mesure des contrats, qu’il effectuait certains remplacements la veille pour le lendemain, et qu’il n’avait pas travaillé pour un autre employeur au cours de la période du 12 décembre 2011 au 16 janvier 2015, ce dont elle a déduit que le salarié s’était tenu à la disposition de l’employeur (y compris pendant les périodes interstitielles pour lesquelles le salarié a obtenu des rappels de salaire) ».

Voilà, vous connaissez les derniers arrêts rendus en matière de CDD, CDDU et contrat de travail à temps partiel, vous pouvez mieux déjouer les pièges de la précarité salariale en 2020.



Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.