I. Protéger la rémunération du salarié
1. La prime est due même en cas de licenciement pour faute
Peu importe que le salarié ait été licencié pour faute, le règlement de la rémunération variable est indépendant d’un licenciement disciplinaire.
v Cour d’Appel d’Orléans, Chambre sociale, 17 juin 2021 (RG n°18/00248) :
« …la faute grave prive le salarié du droit à paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement mais non pas d'autres indemnités ou primes accessoires de son salaire.
L'existence même de cette prime d'objectif et les conditions de son paiement ne sont pas autrement remises en cause par l'employeur.
Il est justifié du paiement régulier d'une prime sur objectifs, et notamment en 2012, 2013 et 2014 pour, respectivement, 15 828,71 €, 15 502,72 € et 16 144,70 €.
Faute pour l'employeur de justifier d'un calcul différent, ou de la non-réalisation des objectifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné à payer la somme de 16 200 €… »
2. La prime est due même si le salarié a été absent pour maladie
Cour d’Appel d’Amiens 18 mars 2021 RG n°19/08641 :
"ces absences correspondent à des congés payés ou RTT ou sont justifiées pour maladie et ne peuvent dès lors constituer un critère d'appréciation de la performance du salarié dont dépend sa rémunération variable ».
3. Une indemnité pour perte de chance de recevoir sa prime d'objectif peut être versée en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse
Vous avez fait l’objet d’un licenciement injustifié qui vous a privé de ce fait de votre droit à percevoir vos commissions en suite d’un contrat signé avant votre licenciement, ou bien comme dans cet arrêt, l’application d’une clause permettant au salarié de percevoir une prime calculée sur la valeur de l’action d’entreprise (Cour d’Appel d’Aix en Provence 28 mai 2021 RG n°18/14146).
Le salarié indiquait « que s'il n'avait pas été abusivement licencié, il aurait eu obligatoirement droit au bénéfice de ses LTIP » calculé en fonction de la valeur de l’action.
La société prétendait que le salarié devait être présent dans l’entreprise au moment du versement.
La Cour tranche le litige en faveur du salarié car sa demande « ne tend pas au paiement des sommes dues mais à l’indemnisation de la perte de chance subie par suite de son éviction injustifiée de l’entreprise ».
Dès lors que le salarié prouve « de manière certaine (qu'il) aurait dû percevoir les versements réclamés, s'il n'avait pas été licencié », alors sa perte de chance peut être indemnisée.
N’hésitez donc pas à solliciter l’indemnisation de votre perte de chance de percevoir votre prime si la rupture de votre contrat de travail est prononcée aux torts de votre employeur et que vous pouvez prouvez que si vous étiez resté dans l’entreprise vous l’auriez perçu (produisez tous les documents utiles : contrat, avenant, facture, mais aussi vos échanges par mails, sms, sur les réseaux sociaux etc.).
II. II- Les employeurs sont sanctionnés s'ils ne respectent pas les clauses du contrat de travail
1. Quand les objectifs ne sont pas fixés : La prime est due au salarié
Lorsque le contrat de travail stipule une rémunération variable, l’employeur doit fixer chaque année les objectifs au salarié à défaut, les juges fixent la prime d’objectifs due au salarié
Cour d’Appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 9, 10 mars 2021 (RG n°18/08996) :
« L'employeur ne justifie pas avoir fixé un quelconque objectif au salarié… la Cour condamne la société Y à payer à X la somme de 40 000 e à titre de rappel de prime pour l’année 2017 »
v Et même si le salarié n’a pas rempli l’objectif fixé :
Cour d’Appel de Dijon, Chambre sociale, 11 mars 2021 (RG n°19/00109) :
« faute pour l'employeur de justifier avoir précisé à la salariée les objectifs à réaliser, la rémunération doit être payée intégralement, alors même qu'il est constant que X n'a pas rempli l'objectif tardivement dévoilé ».
Les juges font donc une analyse minutieuse des pièces communiquées par les parties pour juger si le salarié a bien été ou non informé des conditions de fixation de sa prime d’objectifs.
2. Quand l'employeur ne donne pas au salarié les conditions de calcul de son bonus : la prime est due au salarié
C’est une seconde sanction très lourde du non respect par l’employeur les clauses contractuelles.
Cour d’appel de Nîmes 16 mars 2021 RG 17/04689 :
Un Directeur adjoint saisit les Juges d’une demande de résiliation judiciaire notamment pour non fixation et non paiement de la rémunération variable contractuelle. La société lui rétorque « qu’en raison de son comportement le salarié n’était pas éligible au versement d’une prime sur objectif qualitative ».
Mais la Cour constate que la société n’a pas « justifié avoir fixé comme le contrat de travail le stipulait, les objectifs qualitatifs devant servir de base au calcul d'une partie de la rémunération variable… (qu’elle) a manqué à ses obligations contractuelles à son égard » et condamne l’employeur au règlement d’une prime d’objectifs qu’elle fixe selon les données de la cause (En savoir plus:
3. Quand l’employeur ne prouve pas le paiement de la prime : la prime est due au salarié
Comme tout élément lié au salaire du salarié, il appartient à l’employeur de justifier le règlement du salaire incluant les primes variables. A défaut, la prime sera payée au salarié.
C’est ce que rappelle la Cour d’Appel de Douai du 16 juillet 2021 (RG n°19/02387) :
« la société reconnaît que ses primes ne figuraient pas nécessairement sur les bulletins de paie » (et que nonobstant une attestation d’un témoin déclarant qu’un salarié) « s’était venté d’avoir reçu sa prime en espèce sans que le moment soit daté… et l’attestation de E… associé qui confirme le procédé tout en relevant qu’aucune réclamation a été faite avant la rupture. Le versement des primes contractuellement dues doit être justifié par la société X (qui) reste redevable de ce paiement à partir de l’année 2014 eu égard aux documents produits. La société X sera condamnée au paiement de la somme de 4 514,80 e pour la période de 2014/2016 ».
4. Quand la prime exceptionnelle est jugée comme un élément régulier du salaire
Vous trouverez ici (en savoir plus : https://bouhana-avocats.com/tag/bonus/ ) les conditions dans lesquelles une prime dite exceptionnelle est requalifiée en prime variable, élément régulier du salarié .
La Cour d’Appel de Lyon dans son arrêt du 16 juin 2021 (RG n°17/07058) poursuit cette juriprudence et juge une prime dite « exceptionnelle » comme un élément régulier du salaire :
« Le contrat de travail de X contient une clause selon laquelle des primes exceptionnelles pourront être versées en fonction des résultats de l'entreprise et des performances individuelles du contractant.
Or, la société Y… ne justifie pas des critères selon lesquels étaient appréciées les performances de X…, ni de la part de la prime liée aux résultats de l'entreprise.
S'agissant d'une prime stipulée au contrat de travail, destinée pour partie à récompenser une performance, cette prime qui a régulièrement été versée deux fois par an de juillet 2006 à janvier 2015 ne peut être qualifiée de libéralité et constitue un élément de salaire ».
Au travers de ces décisions rendues en 2021, une constante demeure : les juges protègent la rémunération du salarié.