La Cour de cassation maintien une protection accrue du salarié précaire et sanctionne fermement les fraudes au recours à ce contrat d’exception.
Les juges doivent apprécier de manière concrète s'il y a lieu de requalifier les contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminé
Dans certains secteurs d’activités, le législateur permet à l’employeur de recourir au contrat à durée déterminée, c’est par exemple le cas en matière de restauration et hôtellerie, d’audiovisuel et production cinématographique.
Mais le fait que l'entreprise appartienne à ces secteurs d’activité ne suffit pas à autoriser le contrat à durée déterminée du salarié.
L’employeur doit aussi justifier que les tâches du salarié n'ont pas de caractère durable et permanent, à défaut le salarié pourra demander au juge de requalifier son contrat en contrat à durée indéterminée.
Le salarié obtiendra alors le versement d'une indemnité de requalification, des dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, etc.
Ainsi, un manutentionnaire agricole revendiquait la requalification de son contrat de travail à caractère saisonnier en un contrat de travail à durée indéterminée.
La cour d’appel s’appuyait sur l’activité de l’employeur spécialisée dans les cultures maraichères soumises aux aléas climatiques, ce qui justifiait ainsi selon la cour du caractère saisonnier des CDD.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel constatant :
« Qu’en se déterminant ainsi, sans vérifier si le salarié avait été affecté à l’accomplissement de tâches à caractère strictement saisonnier et non durables appelées à se répéter chaque année à une époque voisine, en fonction du rythme des saisons, la cour d’appel a privé sa décision de base légale » (Chambre sociale 16 décembre 2015 n°14-20687).
Le seul fait que l’activité de l’employeur soit saisonnière ne suffit pas en elle-même à établir que le salarié a accompli des tâches non permanentes et non durables.
Les juges doivent concrètement constater que les tâches accomplies par le salarié n'étaient pas permanentes mais bien saisonnières.
En 2016, la Cour de cassation a réitéré de manière explicite ses exigences d’appréciation in concreto du caractère saisonnier des contrats de travail.
Un ouvrier agricole avait signés plusieurs contrats à durée déterminée saisonniers successifs.
La cour d’appel avait rejeté sa demande de requalification en CDI considérant « qu’il ne peut être contesté le caractère saisonnier des tâches confiées au salarié manœuvre agricole, tâches appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons, l’intéressé n’ayant jamais été employé pendant toute la période d’ouverture de l’entreprise, soit l’année entière ».
La Cour de cassation casse cet arrêt en exigeant un contrôle plus approfondi et pragmatique des juges du fond qui doivent vérifier précisément l'absence de permanence et le caractère saisonnier des contrats souscrits ici en fonction du rythme des saisons :
« Qu’en se déterminant ainsi, sans préciser concrètement la nature et la date des différents emplois ayant donné lieu à la conclusion des contrats saisonniers litigieux ni vérifier si le salarié avait été affecté à l’accomplissement de tâches à caractère strictement saisonnier et non durables, appelées à se répéter chaque année à une époque voisine, en fonction du rythme des saisons, la cour d’appel a privé sa décision de base légale » (28 janvier 2016 n°14-22947).
D'autres décisions ont été rendues concernant les contrats dit d'usage en matière audiovisuelle et cinématographique.
Un imitateur des « Guignols de l’Info » sollicitait la requalification de ses contrats renouvelés durant 16 ans.
En réponse, l’employeur faisait valoir le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par l’imitateur qui exerçait des fonctions exclusivement artistiques et non techniques, en l’absence de clause d’exclusivité et alors que l’activité normale et permanente de l’entreprise n’était pas l’emploi de salariés imitateurs.
La Cour de cassation approuve les juges d'appel qui ont relevé « le caractère temporaire de l’emploi du salarié n’était pas établi et que l’intéressé avait, suivant la répétition durant 16 ans de lettres d’engagement mensuelles, exercé les mêmes fonctions d’imitateur dans le cadre du même programme télévisuel ».
Ainsi, l’usage au contrat à durée déterminée est autorisé dans le secteur audiovisuel autorise, c'est à la
condition que les tâches du salarié ne relève pas d'une activité durable et permanente.
Embaucher durant 16 ans le même salarié affecté aux mêmes fonctions et au même programme durant tout l’exercice de la relation contractuelle relève d'une telle activité durable et permanente (Cour de Cassation, Chambre sociale arrêt du 20 octobre 2015 n°14-23712).
Ainsi, le caractère durable et permanent des fonctions occupées par le salarié est établi entre autre selon la jurisprudence par :
- la durée de la relation contractuelle ;
- l’identité des fonctions occupées par le salarié durant cette relation contractuelle ;
- le nombre de contrats à renouveler.
Raisons pour laquelle a été rejetée la demande du salarié sollicitant la requalification de ses CDD alors qu’il avait signé un grand nombre de CDD mais conclu pour quelques jours, de manière discontinue, avec des périodes d’inactivité pouvant atteindre jusqu’à 5 mois et des fonctions différentes suivant les postes occupés:
« Mais attendu que la cour d’appel a constaté qu’un grand nombre de contrats d’engagement de la salariée n’avaient été conclus que pour quelques jours, que les contrats s’étaient succédés de manière discontinue avec, entre chacun d’eux, des périodes d’inactivité dont la durée pouvait atteindre jusqu’à 5 mois, et que l’engagement n’intervenait pas toujours pour les mêmes postes, a légalement justifié sa décision » (24 juin 2015 n°14-12610).
En résumé, la seule preuve de l’activité de l’entreprise relevant des contrats d’usage ou d’une activité saisonnière ne suffit pas à légitimer le caractère déterminé du contrat souscrit avec le salarié.
Il appartient aux juges du fond d’apprécier très concrètement et de manière pragmatique le caractère non permanent et non durable des tâches exercées par le salarié et d’en justifier dans leur décisions.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
www.bouhana-avocats.com
Et pour cause, les chiffres révèlent un paradoxe bien français : 87% des salariés travaillent en CDI
alors que 85% des embauches s’effectuent en CDD qui sont d’une durée de plus en plus courte,
La Cour de cassation maintien une protection accrue du salarié précaire et sanctionne fermement les fraudes au recours à ce contrat d’exception.
Les juges doivent apprécier de manière concrète s'il y a lieu de requalifier les contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminé
Dans certains secteurs d’activités, le législateur permet à l’employeur de recourir au contrat à durée déterminée, c’est par exemple le cas en matière de restauration et hôtellerie, d’audiovisuel et production cinématographique.
Mais le fait que l'entreprise appartienne à ces secteurs d’activité ne suffit pas à autoriser le contrat à durée déterminée du salarié.
L’employeur doit aussi justifier que les tâches du salarié n'ont pas de caractère durable et permanent, à défaut le salarié pourra demander au juge de requalifier son contrat en contrat à durée indéterminée.
Le salarié obtiendra alors le versement d'une indemnité de requalification, des dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, etc.
Ainsi, un manutentionnaire agricole revendiquait la requalification de son contrat de travail à caractère saisonnier en un contrat de travail à durée indéterminée.
La cour d’appel s’appuyait sur l’activité de l’employeur spécialisée dans les cultures maraichères soumises aux aléas climatiques, ce qui justifiait ainsi selon la cour du caractère saisonnier des CDD.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel constatant :
« Qu’en se déterminant ainsi, sans vérifier si le salarié avait été affecté à l’accomplissement de tâches à caractère strictement saisonnier et non durables appelées à se répéter chaque année à une époque voisine, en fonction du rythme des saisons, la cour d’appel a privé sa décision de base légale » (Chambre sociale 16 décembre 2015 n°14-20687).
Le seul fait que l’activité de l’employeur soit saisonnière ne suffit pas en elle-même à établir que le salarié a accompli des tâches non permanentes et non durables.
Les juges doivent concrètement constater que les tâches accomplies par le salarié n'étaient pas permanentes mais bien saisonnières.
En 2016, la Cour de cassation a réitéré de manière explicite ses exigences d’appréciation in concreto du caractère saisonnier des contrats de travail.
Un ouvrier agricole avait signés plusieurs contrats à durée déterminée saisonniers successifs.
La cour d’appel avait rejeté sa demande de requalification en CDI considérant « qu’il ne peut être contesté le caractère saisonnier des tâches confiées au salarié manœuvre agricole, tâches appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons, l’intéressé n’ayant jamais été employé pendant toute la période d’ouverture de l’entreprise, soit l’année entière ».
La Cour de cassation casse cet arrêt en exigeant un contrôle plus approfondi et pragmatique des juges du fond qui doivent vérifier précisément l'absence de permanence et le caractère saisonnier des contrats souscrits ici en fonction du rythme des saisons :
« Qu’en se déterminant ainsi, sans préciser concrètement la nature et la date des différents emplois ayant donné lieu à la conclusion des contrats saisonniers litigieux ni vérifier si le salarié avait été affecté à l’accomplissement de tâches à caractère strictement saisonnier et non durables, appelées à se répéter chaque année à une époque voisine, en fonction du rythme des saisons, la cour d’appel a privé sa décision de base légale » (28 janvier 2016 n°14-22947).
D'autres décisions ont été rendues concernant les contrats dit d'usage en matière audiovisuelle et cinématographique.
Un imitateur des « Guignols de l’Info » sollicitait la requalification de ses contrats renouvelés durant 16 ans.
En réponse, l’employeur faisait valoir le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par l’imitateur qui exerçait des fonctions exclusivement artistiques et non techniques, en l’absence de clause d’exclusivité et alors que l’activité normale et permanente de l’entreprise n’était pas l’emploi de salariés imitateurs.
La Cour de cassation approuve les juges d'appel qui ont relevé « le caractère temporaire de l’emploi du salarié n’était pas établi et que l’intéressé avait, suivant la répétition durant 16 ans de lettres d’engagement mensuelles, exercé les mêmes fonctions d’imitateur dans le cadre du même programme télévisuel ».
Ainsi, l’usage au contrat à durée déterminée est autorisé dans le secteur audiovisuel autorise, c'est à la
condition que les tâches du salarié ne relève pas d'une activité durable et permanente.
Embaucher durant 16 ans le même salarié affecté aux mêmes fonctions et au même programme durant tout l’exercice de la relation contractuelle relève d'une telle activité durable et permanente (Cour de Cassation, Chambre sociale arrêt du 20 octobre 2015 n°14-23712).
Ainsi, le caractère durable et permanent des fonctions occupées par le salarié est établi entre autre selon la jurisprudence par :
- la durée de la relation contractuelle ;
- l’identité des fonctions occupées par le salarié durant cette relation contractuelle ;
- le nombre de contrats à renouveler.
Raisons pour laquelle a été rejetée la demande du salarié sollicitant la requalification de ses CDD alors qu’il avait signé un grand nombre de CDD mais conclu pour quelques jours, de manière discontinue, avec des périodes d’inactivité pouvant atteindre jusqu’à 5 mois et des fonctions différentes suivant les postes occupés:
« Mais attendu que la cour d’appel a constaté qu’un grand nombre de contrats d’engagement de la salariée n’avaient été conclus que pour quelques jours, que les contrats s’étaient succédés de manière discontinue avec, entre chacun d’eux, des périodes d’inactivité dont la durée pouvait atteindre jusqu’à 5 mois, et que l’engagement n’intervenait pas toujours pour les mêmes postes, a légalement justifié sa décision » (24 juin 2015 n°14-12610).
En résumé, la seule preuve de l’activité de l’entreprise relevant des contrats d’usage ou d’une activité saisonnière ne suffit pas à légitimer le caractère déterminé du contrat souscrit avec le salarié.
Il appartient aux juges du fond d’apprécier très concrètement et de manière pragmatique le caractère non permanent et non durable des tâches exercées par le salarié et d’en justifier dans leur décisions.
Judith Bouhana
Avocat spécialiste en droit du travail
www.bouhana-avocats.com