Compte tenu de la crise sanitaire sans précédent que nous traversons, beaucoup s’interrogent sur la possibilité de mettre en cause la responsabilité de l’état dans sa gestion de la crise. En effet, qu’il s’agisse de la mise à disposition des moyens de protection marquée par le manque de masques, de l’absence de tests de dépistage, des mesures de confinement tardives et incohérentes ou de la prise en charge hospitalière, nombre de reproches sont aujourd'hui fait par les victimes et leurs proches.
Tout d’abord, il peut être envisagé de saisir la Cour de Justice de la République qui a été créée suite à l’affaire du sang contaminé, seule institution compétente pour juger de la responsabilité pénale des ministres pour des faits commis dans le cadre de leurs fonctions.
Si cette Cour peut être saisie par le Procureur général près de la Cour de cassation, les textes n’interdisent pas une saisine par toute personne physique "dés lors qu’elle démontre qu’elle a été lésée par un crime ou un délit" (art. 68-2 al.2 de la loi n°93-952 du 27/07/1993).
Il appartiendra donc à tout « plaignant » de démontrer que les faits reprochés peuvent être considérés comme constituant un délit.
En l’espèce, il pourra légitimement être évoqué, la mise en danger délibérée d’autrui (suivant article 123-3 du Code Pénal) ainsi que la non-assistance à personne en danger (article 223-6 alinéa 2 du Code Pénal).
Certaines plaintes déjà déposées devant cette commission ont également relevé un "délit d'abstention volontaire de prendre ou de provoquer des mesurespermettant de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personne” délit prévu par les dispositions de l’article 223-7 du Code pénal.
Ce délit pourrait être constitué, en l’espèce, dés lors qu’il est démontré une abstention volontaire alors que l’État avait eu connaissance qu’un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes, était en cours et n'a pas pris les mesures nécessaires pour le combattre.
Néanmoins la saisine de la Cour de Justice de la République n’équivaut pas à une constitution de partie civile.
Toute demande d’indemnisation de victimes et donc de mise en cause de la responsabilité civile de l’État devra être portée devant les juridictions administratives.
Il faudra cependant être conscient qu’une telle action n'aboutira que si la juridiction reconnait une faute caractérisée à l'encontre de l'État et que le requérant prouve un lien de causalité direct entre la faute de l’État et le préjudice subi.
Dans le cadre de cette procédure, le requérant pourra nécessairement se prévaloir d’un défaut d’information responsable d’une perte de chance d’avoir pu éviter de contracter le virus.
D’autre part, il est courant de constater qu'une telle procédure risque d'être particulièrement longue.
Les victimes ou les ayant-droits pourront agir à titre individuel mais dans ce type d'affaire, une action collective sera la plus indiquée.
Par ailleurs, à l’instar du FIVA (Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante) ayant une compétence spécifique en matière de réparation des dommages corporels lié à l’amiante, une indemnisation prise en charge au titre de la solidarité nationale par un fonds de garantie serait une solution pour faciliter l’indemnisation des victimes du Covid-19 et leur permettre une réparation intégrale de leur préjudice et non seulement une prise en charge de leurs frais et pertes de salaires (prestations prises en charge par la sécurité sociale).
A ce titre, certaines associations telles que la FNATH (association des accidentés de la vie) ont proposé d’étendre le champ de compétence de l’ONIAM.
Ainsi, en l’état actuel du Droit Français, toute procédure à l’encontre de l’Etat n’est pas exclue mais l’issue favorable d’une telle procédure dépendra nécessairement de l’appréciation qui sera faite par les juridictions compétentes des manquements opposables à l’Etat avec des délais particulièrement très longs mais avec l’espoir de voir reconnaître une prise en charge au titre de la solidarité nationale permettant une amélioration et une accélération des indemnisations.
Maître Carla GEROLAMI, Avocat à la Cour