Qu’il s’agisse de voitures neuves ou d’occasion, vendues par un professionnel ou un particulier, la garantie des vices cachés accorde une protection particulière à l’acquéreur « profane ».
Dans ce cadre, plusieurs questions peuvent se poser. D’abord, cette garantie est-elle systématique ? Ensuite, quel est son objet ? Et enfin, quelle est la procédure à suivre en présence d’un vice caché ?
I. Le domaine de la garantie des vices cachés
La garantie des vices cachés trouve sa source à l’article 1641 du Code civil :
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
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Quelles sont les opérations entrant dans le champ d’application de cette disposition ?
La garantie des vices cachés s’applique à toutes les ventes mobilières ou immobilières, mêmes celles concernant des biens d’occasion.
Elle s'applique aux ventes entre particuliers comme aux ventes entre un particulier et un professionnel. Elle s'applique également, dans une moindre mesure, dans les ventes entre professionnels.
La vente de véhicules par un particulier entre donc dans les prévisions de cette disposition.
En pratique, c'est d'ailleurs l'un des domaines dans lesquels cette garantie est le plus utilisée.
Par exception, certaines ventes spécifiques échappent à cette disposition, notamment les ventes de fonds de commerce ou les ventes par autorité de justice.
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Quel sont les "vices" contre lesquels l’acquéreur est garanti ?
L’article 1642 du Code civil prévoit que le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.
En effet, le vendeur doit garantir l’acquéreur contre des défauts cachés, qui ne sont donc pas visibles, à la différence d’une non-conformité, qui constitue un vice apparent.
Par exemple, si la carrosserie a plusieurs impacts, ce sont des vices apparents.
De même, si la fiche de contrôle technique mentionnait une défectuosité importante, il s’agit d’un vice apparent .
En outre, le vendeur est responsable des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus au moment de la vente, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.
Par exemple, une clause d’exclusion de garantie est valable à condition que le vendeur ne soit pas un vendeur professionnel et qu’il ne soit donc pas présumé connaître les vices de la chose vendue .
En effet, les juges tiennent compte de la compétence technique de l’acquéreur. Ce qui est caché pour un contractant inexpérimenté peut être apparent pour celui qui a des compétences techniques particulières, tel qu’un mécanicien automobile.
On distingue donc deux situations :
- D’une part, pour un acheteur occasionnel, le vice caché est celui qui n’est pas ostensible, c’est-à-dire qu’il n’apparaît pas après une vérification élémentaire,
- D’autre part, a contrario, pour l’acheteur professionnel, le vice n’est caché que s’il n’apparaît pas après une vérification approfondie.
L’acheteur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, du moins s’il a la même spécialité que le vendeur.
Par exemple, un mécanicien automobile sera considéré comme un acheteur professionnel.
Dans ce cas, la garantie des vices cachés n’est pas applicable à l’égard de l’acheteur professionnel, sauf s’il s’agit de vices indécelables, même après examen approfondi.
Il doit s’agir d’un défaut qui rend la chose vendue impropre à l’usage auquel on la destine, peu importe que le vice soit interne ou externe.
Il peut s’agir tant d’un défaut de conception ou de fabrication qu’une mauvaise interaction avec son environnement. Par exemple, le scandale de la Fort Pinto a marqué les années 70.
Cette voiture avait son réservoir d’essence placé juste derrière les pare-chocs arrière, ce qui pouvait facilement provoqué une explosion en cas de choc par l’arrière.
En outre, pour que la garantie s’applique, le vice doit être grave.
En ce sens, il doit :
- Soit rendre le véhicule impropre à sa destination. Par exemple, des pannes régulières dues à la rupture de la courroie de distribution du monteur constituent un vice rendant impropre le véhicule à son usage .
- Soit en diminuer tellement l’utilité de la chose que l’acheteur ne l’aurait pas acquis ou l’aurait acquis à un moindre prix. Par exemple, un bruit parasite du moteur rend la conduite fatigante, ce qui diminue nettement l’usage du véhicule .
Enfin, le vice doit être antérieur à la vente, c’est-à-dire que le vice doit exister au moment de la délivrance de la chose, même s’il ne se révèle que plus tard.
Pour un véhicule acheté neuf, le défaut de fabrication pourra être établi assez rapidement.
En revanche, pour un véhicule d’occasion, la preuve de l’antériorité du vice peut s’avérer plus complexe en raison de l’usure naturelle des pièces, et le recours à une expertise peut d'avérer nécessaire.
II. Les effets de l’action en garantie des vices cachés
Lorsque toutes ces conditions sont réunies (défaut caché, vice grave et antérieur à la vente), l’acquéreur peut valablement invoquer la garantie des vices cachés sur le fondement de l’article 1641 du Code civil.
L’article 1644 du Code civil offre une alternative à l’acquéreur puisqu’il lui laisse le choix de :
- rendre la chose et de se faire restituer le prix (action dite rédhibitoire),
- ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix (action dite estimatoire).
Cette liberté a été affirmée dès 1998 par la Cour de cassation (« en cas de vices cachés de la chose vendue, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ») .
Il s'agit là d'un avantage notable de l'action sur le fondement de la garantie des vices cachés, par rapport à l'action sur le fondement de la garantie légale de conformité, puisque dans le second cas, l'acheteur n'a pas à sa disposition le libre chois des remèdes à apporté à la vente imparfaite.
Il existe enfin une troisième possibilité pour l’acquéreur : l’action indemnitaire, prévue à l’article 1645 du Code civil. Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.
Cette action est possible uniquement si le vendeur est de mauvaise foi, c’est-à-dire qu’il connaissait le vice affectant la chose soit qu’il est un professionnel.
Par exemple, un véhicule acheté d’occasion présentait des désordres affectant la boîte de vitesse. La Cour d’appel a estimé que les dysfonctionnements de la boîte de vitesses étaient apparus progressivement, de sorte que le vendeur en avait nécessairement connaissance lors de la vente.
La Cour de cassation confirme la décision, étant donné que la cour d’appel a fait une appréciation souveraine des circonstances de fait.
Au titre de l’action indemnitaire, les juges du fond ont pu considérer que les intérêts de l’emprunt contracté par l’acquéreur en vue de cette acquisition constituaient un préjudice indemnisable.
Le préjudice issu de la privation de jouissance d’un véhicule inutilisable constitue également un dommage réparable.
L’action indemnitaire peut être exercée seule ou cumulée avec une des deux autres actions.
III. Aspects procéduraux : Le renouveau de l'action en garantie des vices cachés ou les délais des actions en justice en garantie des vices cachés
Il appartient à l’acquéreur de prouver l’existence du vice, ainsi que son antériorité. L’antériorité est plus facile à prouver quand le vice se révèle rapidement.
S’il apparaît tardivement, se pose la question d’une éventuelle mauvaise utilisation de la chose. Plusieurs éléments peuvent constituer une preuve : expertise, devis de réparation, contrôle technique…
L’acquéreur peut mettre en demeure le vendeur, par lettre recommandée avec accusé de réception, afin de lui demander soit la diminution du prix de vente, soit la résolution du contrat de vente.
Si le vendeur ne s’exécute pas et qu’aucun arrangement amiable n’est trouvé, l’acquéreur peut saisir un avocat, pour être conseillé et assisté.
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Que faire en cas de vente successives du véhicule?
En cas de ventes successives, la jurisprudence autorise même l’acquéreur à agir en garantie des vices cachés non seulement contre son propre vendeur, mais également contre un des vendeurs précédents.
Par exemple, un particulier avait acheté un véhicule d’occasion Datsun à l’occasion d’une vente aux enchères publiques.
Quelques jours après, l’acheteur découvre que le moteur fait un bruit anormal en raison d’un défaut de fabrication.
Or il ne peut se retourner contre son vendeur direct étant donné que la garantie des vices cachés ne s’applique pas à ce type de ventes faites par autorité de justice. L’acquéreur se retourne finalement contre le cessionnaire de la marque Datsun. En effet, la Cour de cassation déclare que le fait que sous-acquéreur ne dispose d’aucune action en garantie contre le saisi, son vendeur immédiat, ne lui interdit pas d’exercer directement cette action contre le fabricant ou son représentant en France.
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Quels délais pour agir en justice?
1 - Premier délai : 2 ans à compter de la découvert du vice
Conformément à l’article 1648 du Code civil, l’acquéreur dispose d’un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, et non à compter de la vente, pour agir en garantie des vices cachés.
Il s'agit d'un délai de forclusion, qui n'est donc pas interrompu ou suspendu en principe.
En outre, s’agissant des commerçants, la Cour de cassation avait institué une sorte de double délai pour agi, puisqu'outre le délai de 2 ans, une autre délai venait s'ajouter.
2 - Second délai : 20 ans à compter de la vente
En raison de l’application simultanée des articles 1648 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce, le délai pour agir était donc de deux ans à compter de la découverture du vice, mais dans la limite de cinq années à compter de la vente.
De fait donc, toutes les ventes de plus de 5 ans étaient inéligibles à l'action en garantie des vices cachés, même lorsque l'acheteur s'était légitimement aperçu du vice dans ce délai, et avait engagé son action en justice 5 ans après la vente.
Or, dans un arrêt aux conséquences pratiques très importantes, la Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence.
Cass. 3 ème Civ. 8 décembre 2021 n°20-21.439
En effet, sous l’empire du droit antérieur à la réforme de 2008, les tribunaux considéraient que le délai biennal de l’article 1648 était lui-même enfermé dans le délai de prescription de droit commun, qui courait à compter de la vente.
Or, entre temps, la réforme de la prescription de 2008 est passé par là...
L’arrêt du 8 décembre 2021 de la troisième chambre civile se conforme à l’esprit de la réforme de 2008, qui a instauré un point de départ glissant à l’article 2224 du Code civil, comparable à celui prévu à l’article 1648 du même Code.
En effet, cet article précise que la prescription ne peut commencer à courir qu'à compter du jour ou le titulaire du droit connaissait ou aurait du connaître les faits lui permettant d'exercer ses droits.
L’article 2224 ne peut dès lors plus constituer une limite à la mise en œuvre de la garantie des vices cachés.
Il faut considérer que le délai de forclusion de l’article 1648 est désormais enfermé dans le délai de prescription, limité à 20 ans à compter de la vente en application de l’article 2232.
En pratique, la solution retenue par la troisième chambre civile a le mérite d'allonger la durée pendant laquelle les victimes d'un vice caché peuvent agir.
En effet, le délai de 5 ans à compter de la vente pouvait se révéler particulièrement piègeux et injuste pour les acheteurs.
Conclusion :
La garantie des vices cachés est un régime particulièrement protecteur pour l’acquéreur non professionnel d’un véhicule automobile.
La jurisprudence est venue préciser au fil des années les modalités d’application de la garantie, tout en renforçant la protection accordée à la victime.
L’objectif des juges du fond est clair : rendre efficace ce régime protecteur, sans étendre de manière illégitime son champ d’application.
Maître SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit de la consommation, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges portant sur les contrats d’assurance-vie.
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