Par un arrêt du 10 janvier 2019, n°18/08357, la Cour d’appel de Paris a opéré un virage dans sa jurisprudence concernant le lien juridique entre une plateforme numérique (en l’espèce, la société UBER) et l’un de ses « travailleurs ».
En effet, depuis plusieurs années, cette question est débattue devant les juridictions avaient tendance à considérer que ces nouveaux « travailleurs » étaient bien des indépendants et refusaient ainsi les demandes de requalification en contrat de travail.
En 2015, alors que la question de « l’ubérisation » des professions et de son impact sur notre législation se posait, l’URSSAF avait opté pour une position contraire et engagé des poursuites à l’encontre d’UBER estimant qu’il s’agissait bien de travail dissimulé, les travailleurs devant être qualifiés de salariés.
L’Inspection du travail a été saisie mais ne s’est pas encore prononcée.
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 28 novembre 2018, n°17-20.079, publié au Bulletin, a soulevé que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.
Elle a considéré que le lien de subordination doit être caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
A ce titre, la Haute Juridiction a reconnu l’existence d’un contrat de travail entre un livreur à vélo et une plateforme numérique (la société DELIVEROO).
La Cour d’appel de Paris a donc suivi ce revirement de jurisprudence et analysé la relation existante entre un chauffeur et la société UBER.
Elle en a ainsi déduit un faisceau suffisant d’indices pour permettre de caractériser l’existence d’un lien de subordination.
Elle a soulevé qu’un chauffeur UBER ne décide pas librement de son activité, ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport, qui sont entièrement régis par la société UBER.
Les tarifs des courses sont contractuellement fixés au moyen de l’algorithme de la plateforme UBER qui impose d’ailleurs aux chauffeurs un itinéraire particulier.
En outre, UBER interdit à ses chauffeurs de recevoir des pourboires ce qui s’avère peu compatible avec l’exercice indépendant d’une profession.
Enfin, UBER se réserve la possibilité de sanctionner un chauffeur choisissant un « itinéraire inefficace » puisqu’il existe une possibilité d’ajustement du tarif de la course par UBER ou encore en désactivant ou restreignant l’accès du chauffeur à l’application notamment lorsqu’elle estime son taux d’annulation trop élevé.
En conséquence, la Cour a infirmé le jugement du Conseil de Prud’hommes et considéré que le contrat de partenariat signé entre un chauffeur et avec la société UBER s’analyse bien en un contrat de travail.
A noter, l’été dernier, un député LREM avait tenté de faire passer un amendement à la Loi « Avenir Professionnel » lequel donnait la possibilité aux plateformes numériques d’établir des « Chartes de droits sociaux » afin d’assurer un minimum de droits à ses travailleurs et éviter les risques de requalification en salariat.
Le Conseil Constitutionnel saisi notamment de cet amendement avait censuré cette mesure relevant que cet amendement avait été adopté selon une procédure contraire à la Constitution.
Force de constater que la Cour de cassation et la Cour d’appel de Paris ont ainsi pris les devants.
La société UBER a indiqué qu’elle entendait se pourvoir en cassation, affaire à suivre donc …